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Pour Henry de Lesquen, l’Europe est un mythe

Pour Henry de Lesquen, l’Europe est un mythe

par | 30 mai 2024 | Europe

Pour Henry de Lesquen, l’Europe est un mythe

Après quelques recensions consacrées à rendre compte de la ferveur manifestée par l’Institut Iliade à l’égard de l’héritage européen, la parole est donnée à un éminent représentant de la tendance souverainiste : Henry de Lesquen. En avril 2023, le président du Parti National-Libéral a signé un article très fouillé, « Les dix raisons du mythe européen », où il entreprend de réfuter point par point les fondements invoqués par les tenants d’une civilisation européenne. C’est ce texte que nous résumons à grands traits, toujours du point de vue de son auteur, tout en exprimant nos réserves le cas échéant.

Où Henry de Lesquen entreprend de déconstruire le « mythe européen »

La géographie : « Il suffit de regarder une mappemonde pour comprendre que l’Europe et l’Asie ne font qu’une. » Il n’existe donc pas, à proprement parler, de continent européen.

Le christianisme : cette religion à vocation universaliste, née en orient, a supplanté les cultes polythéistes. Entre le VIIe et le XVe siècle, la chrétienté « a coïncidé à peu près avec le pseudo-continent européen », avant de se répandre dans le monde entier dès le XVIe siècle. De nombreux chrétiens vivent désormais sur tous les continents.

La « langue mère » : malgré l’importance des vagues de peuplement en provenance du creuset indo-européen, il est erroné de penser que tous les Européens en sont issus. « La Finlande, l’Estonie et la Hongrie parlent des langues finno-ougriennes et de nombreuses autres langues ouraliennes sont représentées en “Europe”. (…) Les Basques d’Espagne et de France parlent une langue particulière qui n’est pas non plus indo-européenne et qui doit être un vestige de celle des chasseurs ouest-européens arrivés vers -30000. »
« Surtout, tous les Indo-Européens ne sont pas européens, loin de là. Les locuteurs des langues indo-européennes sont plus nombreux en Asie qu’en Europe. »

La civilisation occidentale, dont l’existence est indéniable, « s’est formée en Europe sur les ruines de la civilisation romaine, mais elle n’a jamais été que celle de l’ouest de l’Europe avant de s’étendre hors d’Europe ».

L’Union européenne : « Dans la vision cosmopolite de Jean Monnet, cette Europe unie ne devait être qu’une étape vers l’État mondial. » Henry de Lesquen, qui lui est hostile, défend logiquement la souveraineté de la France et la nécessité du Frexit.

L’opposition aux États-Unis : « Une partie des européistes veut que l’Europe s’unisse pour faire pièce aux États-Unis d’Amérique. » Quand bien même « il y a de bonnes raisons de s’opposer à l’impérialisme « yanqui » et à l’américanisation culturelle de nos sociétés », celles-ci ne suffisent pas à fonder la réalité d’une civilisation européenne.

La race blanche : « La race caucasoïde ou « blanche » ne se limite nullement à l’Europe. Elle inclut les Arabes et les Berbères, nettement métissés en Afrique du nord, surtout en Égypte et au Maroc, et aussi les Indo-Européens d’Asie, Arméniens et Indo-Iraniens, ces derniers étant métissés d’australoïdes dans le sous-continent indien, ainsi que les Géorgiens et autres Caucasiens (…). Un Libanais est tout aussi “blanc” qu’un Grec. Les Turcs eux-mêmes, qui étaient de purs mongoloïdes à l’origine, sont aujourd’hui très métissés de caucasoïdes. »
« De surcroît, l’Europe est loin d’être parfaitement caucasoïde. » L’auteur note au passage que Charles Maurras, « éminent et valeureux Français de Provence, dont le nom venait justement de “Maure”, ressemblait physiquement à un Nord-Africain » !

La sous-race nordique : Henry de Lesquen réfute l’affirmation selon laquelle « c’est le sang nordique, celui apporté par les Aryas, qui définirait l’Europe. L’ennui de cette théorie, c’est que la proportion de celui-ci varie considérablement selon les pays et les régions, que la proportion de sang nordique est inférieure, souvent très inférieure, à 50%, dans la majeure partie de l’Europe et surtout que l’on ne peut pas réduire la culture à la race ou à la sous-race. »
« Les Français sont un mélange intime de trois sous-races de la race caucasoïde : alpine, méditerranéenne et nordique. »

Ndlr : les Français d’aujourd’hui peuvent éventuellement être issus d’autres origines, sans oublier nos compatriotes ultramarins.

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Où Henry de Lesquen se pique de polémique

Les peuples préhistoriques

Henry de Lesquen incrimine à ce sujet la « “prétendue nouvelle droite” (…), dont le noyau est formé par le GRECE d’Alain de Benoist et François Bousquet », de même que « l’Institut Iliade », son « officine satellite ».

En effet, ce cercle de pensée soutient, dans un article de décembre 2022, « que l’unité de l’Europe viendrait de la fusion des trois couches qui ont formé la population de la France et des pays voisins : les chasseurs ouest-européens, qui sont arrivés avant -30000, les paysans anatoliens, arrivés à partir de -6000, enfin les conquérants indo-européens, arrivés au début de l’âge du bronze, à partir de -3000, et qui ont infusé du sang nordique dans les deux couches précédentes en se mêlant avec elles ».

Selon lui, « la fusion des trois couches en question ne saurait caractériser l’Europe, mais seulement l’ouest de celle-ci… ».

Ndlr : l’auteur reconnaît donc que l’article de l’Institut Iliade est au moins partiellement vrai, ce qui n’est pas surprenant dans la mesure où son contenu se réfère aux données récentes de la linguistique, de l’histoire ancienne, de l’archéologie, de l’anthropologie physique et de la génétique…

La Grèce antique

« La civilisation grecque s’est noyée de longue date dans la civilisation orientale, dont la Grèce actuelle fait encore partie. Cela remonte à Alexandre de Macédoine, qui a achevé la conquête de l’empire perse en 330 av. J.-C. après avoir défait Darius. »

« Le pays qui a conservé le nom de Grèce, et qui n’a pratiquement que cela en commun avec celle de l’Antiquité, a recueilli bien à tort une part du prestige de cette dernière et il est tenu de ce fait, contre toute vérité, pour un élément indiscutable de notre civilisation. »

Ndlr : si l’eau a coulé sous les ponts de l’Aliákmonas, il s’en faut de beaucoup que la Grèce soit devenue tout à fait un pays « oriental » ! Ce pays n’est-il pas désormais un pont entre l’Orient et l’Occident ?
Quoiqu’il en soit, les modèles intemporels légués par Athènes et Sparte demeurent encore et toujours dans l’esprit des Européens conscients de leur héritage ou férus d’histoire.

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Le monde russo-ukrainien

« Pierre le Grand a tout fait pour occidentaliser la Russie, notamment en déplaçant la capitale de Moscou à Saint-Pétersbourg, à l’extrémité occidentale de son immense empire. Le mouvement s’est poursuivi après lui et la Russie a subi une profonde influence de l’Allemagne et de la France », mais « les différences culturelles restent très profondes ».

« Il faudrait priver la Russie de ses traditions et de sa religion pour qu’elle pût s’identifier à l’Occident. (…) Il est abusif, pour un catholique, de qualifier les chrétiens byzantins d’“orthodoxes” (…), alors qu’ils sont en réalité hétérodoxes, autrement dit hérétiques. »

Ndlr : dans le Cahier d’études pour une pensée européenne de l’Institut Iliade, Olivier Eichenlaub rappelle le fait indiscutable que la Russie a largement contribué au patrimoine culturel européen.

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Par ailleurs, la qualification d’hérésie attribuée à la religion orthodoxe, censée éloigner le monde russe et les pays des Balkans de l’Occident, paraît pour le moins étrange de la part d’un nationaliste français. Si l’histoire de France est incontestablement liée au catholicisme, une grande partie de sa population est, de longue date, largement déchristianisée. En comparaison, la pratique religieuse s’exprime avec ferveur chez les fidèles des Églises orthodoxes.

Les jeunes radicaux

Tout en approuvant leur engagement contre l’immigration extra-européenne, Henry de Lesquen émet de vives critiques à l’égard des « soi-disant Identitaires » et des manifestants du C9M qui scandent respectivement « Defend Europe ! » (en anglais !) et « Jeunesse, Europe, révolution ! ». Selon lui, ces mouvements se réclament « absurdement d’une identité européenne imaginaire sous l’influence de la funeste “prétendue nouvelle droite” », ce qui fait d’eux des « anti-identitaires, ennemis de l’identité réelle, qui est nationale » et « donc objectivement des cosmopolites » !

Conclusion

Ce débat n’est pas nouveau. Joseph de Maistre disait déjà : « J’ai déjà rencontré un Français, un Italien, un Russe… mais l’ “Européen”, s’il existe, c’est à mon insu. »

Il y a un siècle, Drieu la Rochelle, revenu blessé de la Grande Guerre, s’éloignait de l’Action française de Charles Maurras en prônant la réconciliation franco-allemande au nom d’une Europe fédérée. En 1929, il écrivait : « Il faut que l’Europe, pour vivre, trouve, au-delà du présent équilibre parlementaire, qui est instable, sa formule vitale, originale, entre New York et Moscou, entre le supercapitalisme et le supersocialisme. »

De là à considérer que cette prise de position faisait de Drieu un « cosmopolite », voilà un pas que nous ne franchirons pas !

Johan Hardoy
30/05/2024

Johan Hardoy

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