Après la recension récente du livre de Frédéric Éparvier, Sparte et l’idée spartiate – Des origines au déclin, Polémia s’intéresse aujourd’hui à l’ouvrage collectif italien Sparte comme modèle – Histoire, hérédité et mythe que les Éditions du Paillon ont eu l’excellente idée de rendre accessible au public francophone (via le site Europa Diffusion, 198 pages, 20 euros). Les contributeurs transalpins, dont la plupart sont bien connus de l’Institut Iliade, méritent d’être cités : Marco Scatarzi, Maurizio Rossi, Pino Rauti, Rutilio Sermonti, Nello Gatta et Adriano Scianca. Sous l’égide de Julius Evola et Dominique Venner et dans « le sillage d’une weltanschauung héroïque, martiale et solaire », ces auteurs célèbrent avec ferveur et érudition l’exemple intemporel d’élévation et d’inspiration légué par cette cité antique aux guerriers, aux philosophes et aux révolutionnaires qui s’inscrivent encore et toujours dans la « longue mémoire européenne ».
Lacédémone vient du fond des âges
Sparte était déjà connue avant l’arrivée des Doriens en Laconie aux alentours de -900. Homère évoque ainsi le couple formé par le roi Ménelas et Hélène, qui régnait à l’époque pré-dorique sur « Lacédémone aux vallées profondes ».
Après cette période de la Sparte achéenne, les Doriens unirent quatre villages en une ville et réduisirent les autochtones en esclavage. L’historien évolien Adriano Romualdi a dépeint ces conquérants comme des « fidèles du blond Apollon, ce dieu de l’esprit nordique de discipline et de mesure ».
Le législateur mythique Lycurgue établit les institutions de la cité selon une organisation précise entre les deux rois provenant de dynasties différentes (un héritage vraisemblable de deux vagues migratoires), les anciens et les éphores (les magistrats).
La population était divisée en trois groupes : les Spartiates, citoyens de plein droit et minoritaires en nombre, les périèques (les voisins), hommes et femmes libres mais privés de droit civique, et les hilotes (les esclaves), de loin les plus nombreux.
La jeunesse de Sparte formée au courage et à la discipline
Selon Plutarque, qui vécut au début de l’ère chrétienne, une politique eugéniste visait à éliminer les enfants jugés inaptes en les abandonnant dans la brousse du mont Taygète.
Il est établi de façon plus certaine que l’éducation commençait à sept ans et prenait fin à trente, comprenant du temps passé en famille et avec les compagnons de la même classe d’âge.
Les garçons étaient entraînés pour la guerre et menaient une vie ascétique. La maîtrise de la peur était primordiale. L’âge de vingt ans marquait l’entrée dans la vie adulte et l’intégration à part entière dans l’armée.
Les filles étaient formées pour assurer la direction du foyer et la surveillance des hilotes, les tâches ménagères étant considérées comme impropres à toute citoyenne de sang spartiate. Elles apprenaient à lire et écrire, à chanter, à danser et pratiquaient la lutte.
Une fois l’éducation terminée venait l’âge des pères, de trente à soixante ans, car fonder une famille était considéré comme un devoir (les célibataires étaient sanctionnés). Les anciens, âgés de plus soixante ans, jouaient un rôle fondamental car ils représentaient l’exemple et la mémoire.
De leur côté, les femmes adultes étaient autorisées à accumuler des richesses personnelles et même à avoir des amants en l’absence du mari.
Combattre pour la cité
L’éthique spartiate est à comprendre comme « une mystique de la guerre, au sens traditionnel du terme ». « Cependant, l’affrontement n’était ni recherché ni provoqué : on se préparait constamment à son issue, mais sans aucune velléité particulière de conquête extérieure. » « L’hoplite luttait pour rester un homme libre et pour défendre sa patrie. »
La musique jouait un rôle important : « Les guerriers spartiates, d’ailleurs très peu nombreux, avançaient vers l’ennemi en marchant au son des flûtes, sur les vers de Tyrtée, leur poète. »
Comme l’a écrit Plutarque, les Spartiates n’étaient pas agités par la crainte ou par la colère et conservaient une fermeté, une hardiesse et une assurance inébranlables, nées de la confiance dans la protection des Dieux.
Maurice Bardèche, dans Sparte et les sudistes, souligne que les ilotes « qui s’étaient battus auprès des célèbres phalanges n’étaient plus jamais des esclaves, ils devenaient des hommes libres et ils étaient honorés », tandis que « les jeunes garçons de la caste guerrière qui montraient de la lâcheté au combat ou ne se soumettaient pas à la discipline de la Cité étaient dégradés et exclus de la vie publique ».
Il ajoute que « le soldat politique spartiate, porteur de la conception du monde dorique, s’opposa au mercenaire ou au marchand en armes athénien, à son tour véhicule d’une conception du monde égoïste, économiste et prédatrice ».
Sparte : un modèle pour les Européens du XXIe siècle
Après les victoires remportées durant les guerres médiques puis dans celles du Péloponnèse, c’est une bataille, celle de Leuctres contre les Thébains en -371, qui mettra fin à la grandeur de Sparte. Désormais, la cité restera essentiellement isolée et subalterne.
À l’époque de la domination romaine, Sparte deviendra une « ville muséifiée » où les riches romains se rendront en visite « touristique », comme le fit Auguste lui-même en -21.
Depuis lors, « l’historiographie officielle élabore toute une série de publications cherchant à soustraire, de manière plus ou moins évidente, le halo de mystique et d’héroïsme propre à Sparte ».
Face à cette opération qui reflète bien l’esprit du temps, il est nécessaire de remonter à une « culture des origines » pour se référer à un type humain héroïque qui a engendré un roi comme Léonidas, mort en première ligne « dans le couloir des Thermopyles en dirigeant trois cents de ses hommes contre la plus grande armée que le monde antique ait jamais rassemblée ».
Cette épopée, survenue en -480, renvoie à « une mémoire ancestrale européenne qui arde sous les cendres ».
Les auteurs de Sparte comme modèle restent persuadés que les Européens sauront s’appuyer sur cet exemple illustre pour demeurer des hommes libres…
Johan Hardoy
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