[colored_box bgColor= »#f7c101″ textColor= »#222222″]Période de vacances d’été 2017 – Pendant la période de vacances d’été, Polémia se met au repos du lundi 10 juillet au jeudi 31 août 2017. Voulant éviter à nos lecteurs tout assoupissement pendant ladite période, notre équipe a planifié un calendrier de mises en ligne d’articles déjà diffusés au cours des mois passés mais dont l’intérêt est toujours d’actualité et qui auraient pu échapper à certains d’entre eux…[/colored_box]
Par Jean-Yves Le Gallou, homme politique, créateur et président de la Fondation Polémia ♦ « Suffisance et insuffisance, arrogance et incompétence », c’est ainsi qu’Eric Zemmour a résumé le débat du 3 mai entre le futur président Macron et son désastreux challenger. Marine Le Pen a montré lors de ce débat qu’elle n’était pas à la hauteur des fonctions qu’elle prétendait exercer. Ce n’est pas seulement une question de quotient intellectuel, c’est aussi une question de finesse stratégique. En dehors de quelques discours lus dans les meetings, Marine Le Pen a délaissé les questions régaliennes et identitaires, là où elle pouvait marquer des points. Car quand on veut réussir un concours, il faut d’abord bosser sa matière forte surtout quand elle a un fort coefficient. En politique cela s’appelle revenir à ses fondamentaux. Surtout quand ils sont portés par le vent de l’histoire !
Une funeste focalisation sur les questions économiques et monétaires
A rebours de tout bon sens Marine Le Pen s’est focalisée sur les questions économiques et monétaires : la critique de la loi El Khomri à la remorque de Mélenchon, la sortie de l’euro sans la cohérence d’Asselineau, des propositions sociales non financées.
Des questions qui ne sont pas au cœur des préoccupations de ses électeurs ; des propositions qui les inquiètent ; pire des propositions qu’elle ne semble pas bien comprendre elle-même ou qu’en tout cas elle est incapable de bien expliquer. Toujours selon Zemmour « Marine Le Pen se prend pour Evita Peron et finira comme Marie-Georges Buffet »
Alors que les trois quarts des voix qu’elle pouvait conquérir au deuxième tour devaient, selon les sondages, provenir de la droite (33% des électeurs de Fillon, 60% des électeurs de Dupont-Aignan s’apprêtaient à se reporter sur elle), elle a préféré s’adresser aux électeurs de Mélenchon dont seulement une toute petite minorité – 14% envisageaient de voter pour elle – comme s’il n’était « bon bec qu’à gauche ». Sans grand succès : 10% seulement des électeurs mélenchonnistes se reportant pendant que le taux de report à droite baissait à proportion de l’impression de mépris ressenti par ses électeurs.
Pire : alors qu’avec sagesse elle s’était engagée auprès de Dupont-Aignan à différer la sortie de l’euro, elle a passé la dernière semaine de campagne sur la ligne Philippot (« les Français achèteront leur baguette en francs d’ici 8 mois » whaou !) et multiplié les élucubrations monétaires. Avec quelques excuses, il est vrai : sur l’euro vous mettez deux experts ensemble et vous entendez… trois opinions différentes. Difficile d’expliquer cela aux électeurs.
Une campagne sans enthousiasme
Allons plus loin : Marine Le Pen n’a pas su, au cours de la campagne, susciter beaucoup d’enthousiasme. Ni tenir un discours à la hauteur des enjeux historiques et civilisationnels. Prendre en compte les réalités et offrir de l’espérance à ceux qui veulent éviter le Grand Remplacement démographique et civilisationnel. Répondre aux aspirations d’une nouvelle génération – celle de sa nièce Marion Maréchal Le Pen – attachée aux permanences identitaires et anthropologiques. Elle a cru que l’économie était le destin et tenu le discours de la fin du siècle (sinon du millénaire) précédent : mélange de souverainisme jacobin et de promesses sociales non financées. Une ligne – la ligne Philippot – qu’elle a imposée sans dialogue ni empathie à ses cadres ou militants. Pour eux, cette élection a été une longue souffrance sous le contrôle et la direction de l’équipe restreinte de « l’Escale » : des jeunes gens n’ayant souvent jamais rencontré un électeur ni tenu un bureau de vote. Une « escale » qui s’est révélée une impasse.
Le désastre en chiffres : comment transformer l’or d’une situation en plomb électoral ?
Les tenants de la langue de bois frontiste expliquent que Marine Le Pen a battu le record du FN à une élection présidentielle avec 34% des suffrages exprimés et 10,6 millions d’électeurs. C’est vrai mais ces chiffres doivent être mis en perspective.
- Marine Le Pen affirmait concourir pour gagner et une partie des observateurs croyaient, ou feignaient de croire, que c’était possible. Nous en sommes très, très loin
- La situation était éminemment favorable : inquiétudes liées aux attentats, à l’islamisation, à la vague migratoire ; président sortant atteignant un record d’impopularité et challenger républicain détruit par les affaires ; accès médiatique sans commune mesure avec celui des élections précédentes ; puissants relais conservateurs et identitaires sur les réseaux sociaux.
- Marine Le Pen partait d’un niveau électoral très haut : 25% aux dernières élections européennes, 26% aux dernières élections départementales, 28% aux dernières régionales. Or, sauf « décrochage » comme en 2007 (lorsque Marine Le Pen fut la « directrice stratégique » de la campagne de Jean-Marie Le Pen), le FN vaut 4 points de plus aux élections présidentielles qu’aux élections locales car l’électorat populaire se mobilise davantage. Marine Le Pen a donc commencé la campagne de premier tour aux alentours de 30%. Les premiers sondages la plaçaient d’ailleurs aux alentours de 28%/29%. Mais – et malgré les malheurs de Fillon – elle n’a cessé de décliner, se qualifiant difficilement pour le deuxième tour avec seulement 21% des voix. Un résultat sans doute sauvé par l’attentat islamiste des Champs-Elysées survenu quelques jours avant le premier tour.
- Pour le deuxième tour Marine Le Pen a démarré avec un potentiel de 38% à 40% des voix, montant même à 42% après une bonne première semaine. Pour retomber à 34% après une fin de campagne catastrophique.
- Florian Philippot et Marine Le Pen pensent – ou feignent de penser – que le FN tire Marine Le Pen vers le bas. Et si c’était l’inverse ? Et si le coefficient personnel et la ligne stratégique de Marine Le Pen avait plombé le FN ? de moins 7% au premier tour par rapport au potentiel de départ ? de moins 6% au second tour toujours par rapport au potentiel de départ ?
Et pour 2022 ? MLP, FP, MMLP, NDA ?
Une élection suit l’autre. Raté en 2017 ? Préparons 2022 ! Mais avec qui ? Disons les choses clairement :
- Sur une ligne souveraino-chevénemento-mélanchonniste, une candidature Philippot serait sans doute plus convaincante dans l’argumentation tout en quittant la tunique de Nessus du nom Le Pen. Nul doute que certains y songent.
- Sur une ligne plus identitaire et plus conservatrice sur les valeurs, il est non moins clair que Marion Maréchal Le Pen serait plus crédible et de surcroît capable de susciter l’enthousiasme.
- En dehors du FN proprement dit, Nicolas Dupont-Aignan, qui a fait preuve de persévérance, de cohérence et de courage, mérite aussi d’être pris en considération.
- Difficile de nier qu’aujourd’hui le produit électoral Marine Le Pen est un produit électoral bâtard : les inconvénients du nom sans les avantages des fondamentaux.
Les responsables nationaux devraient ouvrir les yeux.
Et les identitaires devraient réfléchir à d’autres voies de redressement. Après tout, les batailles locales et les batailles culturelles sont sans doute plus porteuses que le simulacre présidentiel.
Jean-Yves Le Gallou
08/05/2017
Voir aussi :
Les douze anachronismes de Florian Philippot
La volonté de sanctuaires
Correspondance Polémia – 08/05/2017
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