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Expulsion de l’imam Hassan Iquioussen : l’État en échec

Expulsion de l’imam Hassan Iquioussen : l’État en échec

Par Paul Tormenen, juriste et spécialiste des questions migratoires ♦ Le ministre de l’intérieur souhaitait en faire un symbole : l’expulsion du prédicateur marocain Hassan Iquioussen devait montrer la détermination de l’État à combattre l’islamisme en France. Pourtant, ce qu’il faut désormais appeler « l’affaire Iquioussen » a permis aux Français de suivre en direct les multiples entraves à l’expulsion effective des étrangers jugés indésirables dans notre pays. Le présent article revient sur quelques-unes de ces entraves auxquelles il y a urgence à remédier.

« L’islamisme est en fuite »

Gérald Darmanin n’a pas été avare en commentaires tout au long des différentes étapes de la procédure visant à expulser l’imam Hassan Iquioussen. Récemment, le 1er septembre, s’exprimant sur son absence lors d’une perquisition à son domicile, le ministre de l’intérieur déclarait : « l’islamisme est en fuite ». Rien que cela. Le lendemain, il s’enorgueillissait d’avoir expulsé 780 étrangers radicalisés depuis 5 ans.

Cet autosatisfecit du premier flic de France est-il justifié ? Plusieurs raisons permettent d’en douter.

Une procédure d’expulsion longue et complexe

Le prosélytisme islamiste d’Hassan Iquioussen en France depuis de (trop) longues années n’est plus à démontrer. Considérant sa présence dans notre pays indésirable, le préfet du Nord n’a pas renouvelé son titre de séjour en mai 2022. Deux mois plus tard, le 29 juillet, le ministre de l’intérieur prenait un arrêté d’expulsion à son encontre, motivé par le fait qu’il ferait courir une « menace grave à l’ordre public ». Le prédicateur marocain n’est pas resté inerte : il a engagé coup sur coup deux recours contre cette décision, qui auraient pu être plus nombreux s’il n’avait pas finalement fui les forces de police venues l’interpeller à son domicile.

Afin de suspendre la mesure  prise à son encontre, Hassan Iquioussen a d’abord saisi le 3 août la Cour européenne des droits de l’homme dans le cadre d’une procédure d’urgence. Le lendemain, la CEDH rejetait sa requête, au motif que son expulsion ne risquait pas de causer pas de dommage irréparable.

Contentieux des étrangers : une justice administrative proche de l’embolie

Hassan Iquioussen a rapidement engagé une autre procédure d’urgence, devant le tribunal administratif de Paris, cette fois. Celui-ci a par jugement du 5 août suspendu la mesure d’expulsion prise à son encontre, au motif qu’elle risquait de « porter une atteinte grave et manifestement disproportionnée à (son droit à ) mener une vie familiale normale ».

Le ministre de l’intérieur a répliqué en saisissant le Conseil d’État. Dans un arrêt du 30 août, cette juridiction annulait l’ordonnance du tribunal administratif de Paris et permettait ainsi l’expulsion de l’imam marocain. Elle motivait sa décision par deux éléments majeurs :

  • « ses propos antisémites, tenus depuis plusieurs années lors de nombreuses conférences largement diffusées, ainsi que son discours sur l’infériorité de la femme et sa soumission à l’homme constituent des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine (et justifient) la décision d’expulsion ».
  • ses 5 enfants sont majeurs, son épouse est marocaine, son expulsion ne l’empêcherait donc pas de vivre une vie familiale normale au Maroc.

Signalons au passage que la décision du Conseil d’État aurait pu être différente si les enfants du prédicateur marocain avaient été plus jeunes, le droit individuel à une vie familiale normale primant en l’état actuel du droit sur d’autres considérations qui concernent la société dans son ensemble.

Le ministre de l’intérieur s’est empressé de se déclarer satisfait d’un tel jugement. Était-il au bout des procédures que pouvait engager le prédicateur marocain ? Rien n’est moins sûr. Dès la communication de l’arrêt du Conseil d’État, l’avocate d’Hassan Iquioussen annonçait saisir sur le fond le tribunal administratif de Paris et envisager de saisir également – une nouvelle fois – la Cour européenne des droits de l’homme.

Le nombre limité de places en Centres de Rétention Administrative

Hassan Iquioussen en a finalement décidé autrement  à l’annonce de son jugement : il a tout simplement pris la poudre d’escampette. Quand bien même il aurait été placé dans un centre de rétention administrative, la suspension par les autorités marocaines du laisser passer consulaire nécessaire à son retour au Maroc lui aurait très probablement permis d’être libéré rapidement.

L’absence de perspective d’éloignement motive en effet de nombreuses décisions de libération d’étrangers placés en CRA. C’est notamment pour ce motif que seulement 42% des personnes retenues en CRA ont été éloignées en 2021.

Autre problème : il aurait fallu trouver de la place dans l’un des centres de rétention administrative, alors qu’ils sont fréquemment saturés. Si depuis qu’Emmanuel Macron est au pouvoir, le nombre de places d’hébergement des migrants a doublé pour atteindre 110 000, le nombre de places en CRA est resté ridiculement faible, 1 762 en métropole. A chacun ses priorités.

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La mauvaise volonté des États tiers à délivrer des laisser passer consulaires

La volte-face des autorités marocaines met en lumière la mauvaise volonté des États tiers, en particulier ceux d’Afrique du nord, à délivrer des laisser passer consulaires. Afin de faire pression pour qu’ils délivrent ces précieux sésames en plus grand nombre, Gérald Darmanin annonçait en septembre 2021 limiter le nombre de visas délivrés aux ressortissants de pays du Maghreb.

Force est de constater que dans l’affaire Iquioussen, le gouvernement marocain s’est montré peu coopératif et qu’il utilise le laisser passer consulaire nécessaire au retour du prédicateur comme un  moyen de pression « diplomatique ».

Plus largement, les premiers chiffres disponibles sur les éloignements des étrangers en situation irrégulière en 2022 ne montrent pas d’infléchissement notable dans l’effectivité des décisions d’éloignement : durant le premier trimestre de l’année, 32 900 décisions de quitter le territoire français (OQTF) ont été notifiées à des étrangers en situation irrégulière présents en France. Mais, dans la même période, seuls 3 175 retours effectifs de clandestins ont été comptabilisés par les autorités françaises. L’amélioration de la situation dans ce domaine annoncée par Gérald Darmanin tient donc pour le moment de la méthode Coué.

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L’absence de surveillance constante des islamistes fichés S

Plusieurs commentateurs se sont étonnés qu’Hassan Iquioussen ait pu échapper aux forces de l’ordre une fois son arrêté d’expulsion confirmé par le Conseil d’État. C’était oublier un peu vite la difficulté de surveiller de façon étroite tous les individus « fichés S » pour islamisme. Alors qu’ils étaient en 2016 au nombre de 12 000, la tâche des services de renseignement intérieur s’est complexifiée avec la libération progressive de prison de nombreux terroristes islamistes. Si les effectifs du ministère de l’intérieur chargés de la surveillance des fichés S ont augmenté, cela s’est accompagné d’une augmentation exponentielle du nombre de personnes à surveiller. Voilà qui devrait interroger plus largement sur les mesures à prendre pour traiter à la racine ce phénomène.

Un pays qui n’expulse que les clandestins délinquants

Car, avant même d’identifier, de surveiller et d’expulser, quand cela est possible, les islamistes étrangers prosélytes présents en France, n’est-ce pas un filtrage très strict des étrangers qui entrent sur le territoire national qui doit être réalisé ? Or, alors que les frontières de la France, comme celles de l’Italie et de l’Espagne, sont de véritables passoires, le ministre de l’intérieur se fixe désormais comme priorité d’expulser les seuls étrangers délinquants. Cette politique traduit non seulement un manque total d’ambition, elle est également un très mauvais signal envoyé à tous migrants qui aspirent à venir clandestinement s’installer en France.

La France, pays de Cocagne pour les Frères musulmans ?

Gérald Darmanin a voulu avec l’affaire Iquioussen montrer l’efficacité des nouvelles dispositions de la loi du 24 août 2021 sur le séparatisme, adoptée dans le contexte de la décapitation de Samuel Paty. Mais des spécialistes de l’islam radical comme Alexandre Del Valle ou Joachim Veliocas ne manquent pas de souligner que, contrairement à de nombreux pays, la France n’a pas interdit les Frères musulmans. L’Observatoire de l’islamisation souligne en illustrant ses propos par une vidéo que « Iquioussen est l’arabe qui cache la forêt des Frères musulmans étrangers non expulsés par Gérald Darmanin ».

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Les soutiens au prédicateur marocain

Un autre aspect important de la société française qu’aura révélé l’affaire Iquioussen est l’importance du soutien dont bénéficie le prédicateur musulman. De la cagnotte en ligne pour payer ses frais de justice à la manifestation en sa faveur et contre « l’islamophobie » organisée à Paris le 3 septembre en passant par les témoignages de nombreux imams, cette vague de solidarité illustre la pénétration de l’idéologie frériste en France dans une frange importante de la population et les accommodements déraisonnables et clientélistes de certains leaders d’extrême gauche.

A l’heure où ces lignes sont écrites, Hassan Iquioussen est en cavale. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen. Si à l’annonce de l’arrêt du Conseil d’État permettant son expulsion, Gérald Darmanin a rapidement annoncé qu’il serait placé en rétention et expulsé, son expulsion n’est pas envisageable tant que les autorités marocaines n’auront pas renouvelé le laisser passer consulaire nécessaire à son admission au Maroc. Et le prédicateur peut d’ores et déjà exercer de nouveaux recours sur le fond contre son expulsion et, s’il venait à être placé en centre de rétention, contre son placement dans ce type de structure.

Des décisions d’éloignement et d’expulsion qui n’aboutissent que rarement, des centres de rétention administrative à saturation, une absence de volonté d’éloigner tous les étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire, les Frères musulmans qui ont pignon sur rue en France, une nombre si important d’islamistes fichés S qu’ils ne peuvent pas tous être surveillés efficacement : non, cette affaire Iquioussen ne nous aura pas montré que « l’islamisme est en fuite ». Elle nous a au contraire montré que les plus hautes autorités du pays n’ont toujours pas pris la mesure de la situation. Et qu’il y a urgence à le faire.

Paul Tormenen
04/09/2022

Crédit photo : Capture YouTube [CC BY-SA 4.0]

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