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Naturalisations. L’effrayant manque d’exigence des autorités françaises

Naturalisations. L’effrayant manque d’exigence des autorités françaises
Naturalisations. L’effrayant manque d’exigence des autorités françaises

Par Paul Tormenen, juriste ♦ Paul Tormenen poursuit son rigoureux et salutaire travail d’exploration des méandres administratifs français relatifs à la question de l’immigration. Il s’est récemment interressé au dernier rapport de la Cour des comptes rendu public le 5 mai sur la gestion par l’État de l’immigration.
Après avoir fait une présentation générale du rapport, analysé les différents dispositifs étatiques pour gérer l’immigration légale, fait le constat que la France est un pays de cocagne pour les immigrés clandestins et passé en revue la « gestion » de l’immigration illégale, Paul Tormenen conclut son analyse critique du rapport en abordant la gestion de l’intégration des étrangers à la société française.
Un texte édifiant.
Polémia

La naturalisation des étrangers

La personne sollicitant sa naturalisation doit remplir plusieurs conditions (âge, lieu de résidence en France, etc.) posées par le code civil. La naturalisation s’obtient sur décision administrative à partir de l’instruction de la demande et d’un entretien avec l’administration, au cours duquel le respect des conditions requises, l’assimilation du candidat à la société française et la maitrise du français sont (censés être) examinés. Les naturalisations sont encadrées par le Code civil et par des circulaires à destination des services instructeurs.

Constats de la Cour des comptes – Selon les chiffres communiqués par la Cour des comptes, 74 933 étrangers ont acquis la nationalité française en 2019, « à leur demande ou par mariage ».

L’entretien d’assimilation serait selon la Cour des comptes « bref et formel » et essentiellement consacré à un examen des pièces du dossier. Les conseillers de la CC estiment que le contrôle de l’assimilation posé par l’article 21-24 du code civil « n’est respecté que superficiellement ».

Les 3 principales nationalités d’origine des personnes naturalisées sont marocaine (19%), algérienne (17%) et tunisienne (7%).

Préconisations de la Cour des comptes – La Cour des comptes pointe la nécessité de raccourcir les délais d’instruction et d’améliorer l’homogénéité des décisions. Elle souligne qu’une dispersion élevée du taux de rejet selon les préfectures a été constatée par l’Inspection Générale de l’Administration en 2011.

La Cour des comptes préconise de « réformer l’entretien d’assimilation pour lui donner une forme collégiale et rendre plus substantiel le contrôle des conditions posées par le code civil ».

Commentaires – Le chiffre de 74 933 naturalisations en 2019 mis en avant par la Cour des comptes ne rend que partiellement compte du nombre d’étrangers ayant acquis la nationalité française l’année dernière. L’INSEE a dénombré 109 626 personnes devenues françaises en 2019, par déclaration anticipée, mariage, naturalisation, etc.. En 10 ans, ce ne sont pas moins de 1 127 704 étrangers qui sont devenus français (1).

La France se situe dans l’Union européenne parmi les pays qui ont un taux de naturalisation le plus élevé (rapport entre le nombre de personnes ayant acquis la nationalité d’un pays au cours d’une année et le stock de résidents étrangers) (2).

Le nombre de demandes de naturalisation ne fait que croitre, tout comme les moyens financiers et humains dédiés dans les préfectures (3). C’est plus globalement 101 534 demandes d’accès à la nationalité française (demandes de naturalisation + déclarations) qui ont été instruites en 2018 par les services de l’État. Les étrangers dont la demande de naturalisation a été rejetée font très souvent un recours administratif, dans 41 % des cas (4).

Le traitement plus qu’expéditif par la Cour des comptes dans son rapport de la gestion des naturalisations par les services de l’État laisse pantois. N’y a-t-il pas matière à s’interroger non seulement sur le coût mais surtout sur l’efficacité des naturalisations et plus largement de l’acquisition de la nationalité française ?

Notre pays se fragmente et se communautarise chaque jour davantage, une frange croissante de la jeunesse estime que la charia doit primer sur les lois de la République, des français sont allés combattre la civilisation occidentale en Irak et en Syrie. N’y avait-il donc pas lieu de renverser la table et de reconsidérer non seulement le coût et la cohérence des décisions de naturalisation, mais également et surtout l’efficacité des principaux modes d’acquisition de la nationalité française :

  • acquisition de plein droit à la majorité pour les enfants nés en France de parents étrangers (droit du sol) ;
  • naturalisation par mariage ;
  • naturalisation par décret.

De même, si la nationalité française s’acquiert, elle doit pouvoir se perdre si l’individu concerné manifeste un comportement hostile à l’égard de la société française.

L’acquisition de plein droit de la nationalité française à la majorité pour les enfants nés en France de parents étrangers

On peut s’étonner que la Cour des comptes ne s’interroge pas dans son rapport sur l’efficacité du droit du sol, qui permet non seulement d’acquérir un document, la carte nationale d’identité, mais également la nationalité française. Celle-ci ne se limite pas à une collection de droits mais implique des devoirs et l’adhésion à certaines valeurs.

Charles Pasqua, ministre de l’intérieur au gouvernement en 1993, a été à l’origine d’une loi (93-933) conditionnant l’acquisition de la nationalité française à la majorité, pour les enfants nés en France de parents étrangers, à la signature d’une « déclaration de volonté ».

La proposition de loi soulignait à l’époque que « le rôle de la volonté est modeste ou inexistant dans les modes d’acquisition liés à la naissance (…) ». Le ministre de l’intérieur faisait – déjà – le constat que « la fermeture du milieu d’origine sur lui-même a pu faire barrage aux influences extérieures et contrarier l’intégration » du jeune qui atteint sa majorité (5). Qui peut prétendre sérieusement que la fermeture de certains milieux se soit allégée depuis 1993 ?! La gauche s’est empressée de rétablir l’acquisition automatique de la nationalité une fois revenue au pouvoir en 2008.

Pourtant, non seulement les raisons pour lesquelles le droit du sol a été instauré ne sont plus d’actualité, mais on assiste également de façon croissante à une défiance d’une partie de la jeunesse immigrée, qui refuse de se considérer comme française, en faisant primer la deuxième nationalité « de cœur » des parents (6). Le rétablissement d’une véritable démarche visant à acquérir la nationalité française permettrait de sortir de l’ambiguïté et d’éviter que la nationalité française soit donnée à des « français de papier ».

La naturalisation par mariage

Le nombre de mariages mixtes, entre français et étrangers, ne fait qu’augmenter en France (7). Le fait de se marier à un Français ou à une Française permet quasi-automatiquement à un étranger d’acquérir la nationalité française.

Le nombre de décrets d’opposition à l’acquisition de la nationalité française en raison du motif de défaut d’assimilation autre que linguistique est en effet dérisoire. Il s’est élevé à 22 en 2017, 16 en 2018 et 13 en 2019 (8). Ces chiffres sont à mettre en rapport avec les 25 262 naturalisations par mariage prononcées en 2019. Autant dire que les contrôles sont légers, sans compter, comme nous allons le voir, les mairies qui refusent de participer aux contrôles de l’administration.

La possibilité d’attribuer la nationalité française à un individu ne partageant pas les valeurs de notre pays n’est pas le seul écueil possible de la naturalisation par mariage. La régularité du séjour n’étant pas une condition du mariage, celui-ci est parfois le précieux sésame qui permet la régularisation (9).

Plusieurs parlementaires de l’opposition ont déposé en février 2018 une proposition de loi visant à lutter contre les mariages frauduleux. Les élus faisaient le constat que « par peur, pour des raisons idéologiques ou même par simple méconnaissance du droit, beaucoup de mairies d’ailleurs ne procèdent pas à (l’audition des futurs époux …) afin de détecter le défaut d’intention matrimoniale réelle et libre des candidats au mariage (…). Les enjeux financiers de ces mariages frauduleux sont tels que certains individus n’hésitent pas à menacer l’officier d’état civil qui aurait le malheur de s’opposer à leur union » (10). Les 7 propositions de bon sens des élus de l’opposition ont bien évidemment été balayées par les députés LREM.

La naturalisation par décret

Il est totalement effarant qu’en 2020, alors que la « machine à fabriquer des français » est largement grippée, on puisse encore, à l’instar de la Cour des comptes, constater que le contrôle de l’assimilation posé par l’article 21-24 du code civil « n’est respecté que superficiellement ». Ceci alors que des candidats ont élaboré une véritable stratégie visant à bien répondre à un nombre limité de questions lors de l’entretien d’assimilation (11). Il y a d’autres raisons de s’indigner. La comparaison des conditions de naturalisation entre pays européens montre que la France est bien moins exigeante que ses voisins, notamment en ce qui concerne :

  • La maitrise de la langue du pays. L’Italie, la Pologne et le Royaume-Uni exigent le niveau B1 non seulement à l’oral, comme la France le pratique, mais également à l’écrit.
  • La durée de présence. Le temps de séjour pour prétendre obtenir la nationalité est beaucoup moins long en France (5 ans) qu’en Allemagne et en Italie (8 ans) ainsi qu’en Pologne et en Suisse (10 ans).

Des entretiens d’assimilation parfois superficiels, un faible niveau d’exigence en matière de maitrise de la langue française, des conditions de durée de séjour moins exigeantes que chez nos voisins : les constats sont accablants et dévalorisent les naturalisations des citoyens adhérant sans réserve aux valeurs et à la culture de notre pays.

La déchéance de nationalité, autre angle mort de la Cour des comptes

La Cour des comptes passe totalement sous silence dans son rapport un autre aspect de la politique migratoire : la déchéance de nationalité. Et pour cause ! Rappelez-vous, c’était en 2015. Le Président Hollande, sous le choc des attentats islamistes, promettait aux Français devant les parlementaires de faciliter les déchéances de nationalité. Il ralliait une large frange des Français pour qui la nationalité française n’est pas qu’une addition de droits, mais implique également des devoirs et une adhésion active. Las, sous la pression de la gauche, la promesse de faciliter la déchéance de nationalité des Français qui ont ouvertement pris parti contre leur pays, en allant notamment combattre dans les rangs de l’État islamique, a fait long feu.

En 2020, le ministère de l’intérieur nous informe sobrement dans un rapport annuel sur les étrangers que seules 5 déchéances de nationalité ont été prononcées depuis 2015 pour des actes de terrorisme commis entre 1995 et 2004. Après avoir vu leur recours contre cette décision rejeté par le Conseil d’État en juin 2016, les intéressés ont formé un nouveau recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui a confirmé la décision des autorités françaises. La lecture du rapport nous apprend également qu’aucune déchéance de nationalité n’a été prononcée en 2016, en 2017 et 2018 (12). Le gouvernement français semble avoir des difficultés non seulement à identifier les ennemis de l’intérieur, mais surtout à en tirer les conséquences. Circulez, il n’y a rien à voir…

L’immigration en France est facilitée par une accumulation de droits de toutes natures. L’importance de diasporas étrangères dans notre pays auto-alimente une immigration familiale, comme en témoigne le nombre de titres de séjour délivrés pour ce motif. L’immigration croissante qui arrive en France est de moins en moins Européenne et de plus en plus éloignée de la culture de notre pays. Cette augmentation de l’immigration va de pair avec une augmentation des demandes de naturalisation.

Or, les différents constats faits tant par la Cour des comptes que par des spécialistes de la question font ressortir un singulier manque d’exigence dans l’accès à la nationalité française. Ce manque d’exigence se manifeste par l’acquisition automatique de la nationalité française par les enfants nés en France de parents étrangers. Ce sont également des entretiens d’assimilation « essentiellement consacrés à un examen des pièces du dossier », comme le relève la Cour des comptes. Ce sont des conditions de naturalisation beaucoup plus laxistes en France que chez nombre de nos voisins européens. Ce sont des déchéances de nationalité qui ne sont plus prononcées alors que des Français sont partis combattre dans les rangs de l’État islamique. Oui, il y avait effectivement lieu de renverser la table. Il ne fallait pas compter sur la Cour des comptes pour nous y aider.

Paul Tormenen
20/08/2020

(1) « Acquisitions de la nationalité française. Données annuelles de 199 à 2019 ». INSEE. 28 juillet 2020

(2) « Acquisitions de la nationalité dans l’UE ». Eurostat. 30 mars 2020

(3) Rapport de Monsieur Jacques Genest sur le projet de Loi de finances 2020. Assemblée nationale

(4) « Les étrangers en France. Année 2019 ». Ministère de l’intérieur

(5) « Proposition de loi tendant à réformer le droit de la nationalité ». Charles Pasqua. 7 juin 1990

(6) « Supprimer le droit du sol ». Le Drenche.fr. 4 juillet 2017

(7) « Proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les mariages frauduleux ». Assemblée nationale. 21 février 2018

(8) « Les demandes de nationalité françaises sont rarement refusées ». Le Figaro. 10 juillet 2020

(9) « Mariage blanc : quand les étrangers sont prêts à tout ». Valeurs actuelles. 5 février 2017

(10) cf. (7)

(11) « Propositions pour refonder la politique migratoire française. Analyse comparative de 10 pays européens ». Institut Thomas More. 2017

(12) cf. (4)

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