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Viktor Orbán sur la guerre en Ukraine : apaisement avec la Russie et besoin d’une Europe-puissance

Viktor Orbán sur la guerre en Ukraine : apaisement avec la Russie et besoin d’une Europe-puissance

par | 6 mars 2022 | Europe, Géopolitique

Traduction d’un article paru dans le Magyar Nemzet le 3 mars 2022 réalisée par le Visegrád Post ♦ Dans ce conflit sanglant entre la Russie et l’Ukraine, la position de Viktor Orbán est intéressante. Constatant d’un côté que la Russie intervient à cause de l’OTAN, le Premier ministre hongrois soutient malgré tout le oeuple ukrainien… tout en appelant à la paix et en refusant l’escalade contre la Russie. Une position qui montre que les implications de cette guerre sont loin des déclarations simplistes de certains responsables occidentaux.
Polémia

 

« Le plus important, c’est que la Hongrie reste en-dehors de cette guerre. »

– Le plus important, c’est la vie et la sécurité des Hongrois, y compris de ceux de Subcarpatie [province la plus occidentale de l’Ukraine actuelle, nommée Transcarpatie par les peuples vivant à l’est des Carpates : Ukrainiens etc. – n.d.t.] – a affirmé mercredi, à propos de la guerre russo-ukrainienne, le Premier ministre Viktor Orbán, dans un message vidéo publié sur sa page Facebook. À l’issue d’un conseil de gouvernement, il a déclaré que « nous ne pouvons pas prendre de décisions, et ne prendront pas de décisions de nature à transformer en cible des agglomérations hongroises, ou la population hongroise – y compris celle de Subcarpatie, qu’elle soit ethniquement hongroise ou ukrainienne ».

Et d’ajouter : « Après l’évaluation de la situation à laquelle le gouvernement a procédé au septième jour de la guerre, le cabinet a confirmé que la Hongrie continuera à ne pas envoyer de soldats ou d’armes sur le territoire ukrainien. »

« Le plus important, c’est que la Hongrie reste en-dehors de cette guerre. »

Le Premier ministre a néanmoins fait valoir que l’Ukraine est notre amie, qu’elle est en difficulté, et que nous avons le devoir de porter assistance à ceux qui sont en difficulté. « Nous avons lancé l’une des plus vastes missions humanitaires de l’histoire de la Hongrie. Au titre de sa première phase, nous allons envoyer pour 600 millions de forints d’aliments, de matériel hygiénique et de produits de puériculture » – précise-t-il dans ce message vidéo.

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L’avantage d’un gouvernement expérimenté

Dans l’interview exclusive qu’il a accordée à l’hebdomadaire Mandiner, Viktor Orbán affirme que la guerre en cours est déjà la troisième à se déchaîner dans notre voisinage sous des gouvernements qu’il dirige. Et d’énumérer : en 1999, le lendemain du jour de notre adhésion, l’OTAN est intervenue dans la guerre du Kosovo. En 2014, c’est la crise de la Crimée qu’il a eu à gérer – et maintenant, cette seconde guerre russo-ukrainienne. Il voit cette expérience gouvernementale comme un avantage – l’avantage de disposer du calme stratégique : peu parler, mais, quand on parle, s’exprimer alors avec précision et responsabilité. Dans de telles circonstances, on ne peut pas permettre que des préoccupations de campagne passent devant les intérêts de la nation, car le moindre geste déplacé peut provoquer des dommages. Pour lui, en situation de guerre, un mot est déjà la moitié d’un acte. « – L’opposition voudrait expédier des armes, qui serviraient ensuite à tirer sur des russes, ou même des soldats, qui iraient se battre contre les Russes. Cela montre bien qu’ils n’ont pas d’expérience, pas de méthode, et que le sens des responsabilités leur fait complètement défaut. Leurs déclarations irresponsables ne font que jeter de l’huile sur le feu, chose qui va à l’encontre des intérêts de la Hongrie. Plutôt que d’aventurisme, nous avons besoin d’une politique responsable, de sécurité et de stabilité » – affirme-t-il. Revenant sur son expérience, il explique que « s’il on dresse le bilan de nos gouvernements, on verra que, depuis 2010, on aura tout vu : une crise financière, l’écoulement de boue rouge du site d’Ajka, l’inondation, la guerre de Crimée, la crise des migrants, le coronavirus, et finalement la guerre russo-ukrainienne. « L’époque des crises, que nous vivons aujourd’hui, nous prive de la période de paisible création que nous aurions méritée, et malgré tout, nous avons, nous autres Hongrois, réussi à construire un système d’aide aux familles, et à redresser l’économie » – mais tout cela, d’après Viktor Orbán reste peu au regard de notre potentiel, étant donné que le gros de nos énergies est passé à compenser les conséquences des crises.

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On ne peut pas faire payer aux familles le prix de la guerre

« – Si nous renoncions à notre coopération énergétique avec les Russes, en l’espace d’un seul mois, le budget énergétique de toutes les familles hongroises en serait triplé. Voilà pourquoi je ne suis pas en faveur d’une telle mesure : ce n’est pas aux familles hongroises de payer le prix de cette guerre » – confie Viktor Orbán à Mandiner.

« Les dirigeants de l’Union européenne ont eux aussi précisé que les sanctions de devront pas affecter les livraisons d’énergie en provenance de Russie, chose qui ruinerait l’économie européenne tout entière. »

A la question « D’où vient cette guerre ? », Viktor Orbán répond : « – Nous sommes pris en tenaille, sous le feu croisé d’acteurs géopolitiques majeurs : l’OTAN n’a de cesse de s’étendre vers l’est, ce qui était de moins en moins du goût de la Russie. Les Russes ont alors exprimé deux exigences : que l’Ukraine se déclare neutre, et que l’OTAN s’engage à ne pas accepter l’adhésion de l’Ukraine. Et, comme les Russes n’ont pas obtenu ces garanties de sécurité qu’ils demandaient, ils ont décidé de les extorquer au prix d’une guerre. Leur concept de politique de sécurité, c’est que la Russie, pour pouvoir se sentir en sûreté, doit être entourée d’une zone-tampon de pays neutres. »

« Comme les Russes disposent de la supériorité militaire, le début des négociations de paix n’est qu’une question de temps. »

« Le gouvernement condamne l’agression russe, mais la Hongrie prend le parti de la paix, raison pour laquelle nous avons proposé que les négociations de paix commencent à Budapest. »

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Début d’une nouvelle ère des politiques militaires et de sécurité

Au passage, le chef du gouvernement a aussi déclaré que le déclenchement de cette guerre russo-ukrainienne a rendu évident le fait que la politique militaire et de sécurité de l’Europe doit être redéfinie sur de nouvelles bases : « L’Europe a besoin de disposer de sa propre puissance militaire, et d’une industrie d’armement digne de ce nom. – Nous ne pouvons pas dépendre exclusivement des Américains. »

« L’OTAN est un acquis de grande valeur, qui doit être conservé. Cependant, il existe un déséquilibre entre l’aile européenne et l’aile nord-américaine de l’alliance : les Américains investissent beaucoup plus que nous dans cette alliance. C’est cela qui doit changer : tout en conservant l’alliance américaine, nous devons nous rendre capables d’assurer par nos propres moyens la sécurité de l’Europe. »

« Le fondement de la stratégie américaine, c’est l’idée selon laquelle, quand on organise intelligemment sa politique militaire, les investissements militaires débouchent sur du développement économique, et sont susceptibles de transferts vers l’économie civile, pour peu qu’il se forme des canaux de circulation entre l’industrie d’armement et d’autres secteurs de l’économie ; à ce moment-là, le résultat final est un bond en avant économique et technologique dont tous profitent. – Quand on y réfléchit : la téléphonie mobile, la géolocalisation et Internet – voilà autant de résultats de recherches militaires, dont l’économie civile profite, elle aussi, considérablement. »

« J’ai d’ores et déjà abordé la question d’une coopération militaire franco-centre-européenne, avec Macron et avec des gouvernants d’Europe centrale. »

Le texte (hongrois) complet de cette interview accordée par Viktor Orbán peut être consulté ici.

Traduit par le Visegrád Post
06/03/2022

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