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Retour sur les vœux de M. Dassault à ses lecteurs, ou Les bons vœux d’un oligarque

Retour sur les vœux de M. Dassault à ses lecteurs, ou Les bons vœux d’un oligarque

par | 6 janvier 2017 | Politique

Serge Dassault, en sa qualité de président du Groupe Figaro, a adressé aux lecteurs de ce quotidien ses vœux pour la nouvelle année, le 1er janvier dernier, sous la forme d’un éditorial. Au-delà du caractère conventionnel de l’exercice, sa lecture est des plus édifiantes sur la façon dont l’oligarchie voit notre avenir. Relisons donc cette carte de vœux patronale à tête reposée.

Des mots ou des maux ?

Qu’écrit M. Dassault, en effet ? Que le futur gouvernement issu des élections de 2017 devra affronter en même temps tous les maux qui menacent la France.

Fort bien, mais voyons maintenant quels « maux » identifie M. Dassault. Il en nomme quatre : le chômage, la faillite de notre système éducatif, la lutte contre le terrorisme et la dette publique.

De vrais maux, mais s’il est certes difficile de se montrer exhaustif dans un éditorial, on ne peut qu’être surpris du caractère limité, sinon réducteur, de cette énumération.

Ainsi l’insécurité croissante, l’immigration, l’islamisation, la crise des migrants clandestins, la dégradation des services publics, l’alignement atlantiste et belliciste de la diplomatie française ou l’impasse de l’Union européenne – pour ne citer que ces questions – ne seraient pas de vrais « maux » selon M. Dassault ?

Tout le monde sait, il est vrai, que l’immigration est une chance pour notre pays… du moins pour son patronat. Dont acte.

Fâââcile !

En outre, pour M. Dassault, le chômage, l’école et le terrorisme sont facilement solubles car « ils n’exigent finalement que du courage ». Le courage étant, comme l’on sait, une denrée très répandue dans la classe politicienne, on comprend son optimisme.

Si l’on s’arrête au surplus sur les solutions qu’il préconise nous allons encore plus nous rassurer.

Le chômage ? Fâââcile !

Ainsi le chômage sera résolu d’après lui si l’on introduit cette « flexibilité sans laquelle les chefs d’entreprise n’embaucheront jamais faute de pouvoir licencier » et si l’on généralise les contrats limités à la durée d’un projet.

Donc pour lutter contre le chômage il faut pouvoir licencier et précariser encore plus facilement. M. Dassault n’innove pas : il se borne à répéter ce que dit le patronat depuis le XIXe siècle. Fâââcile !

L’école ? Fâââcile !

Sur l’école, M. Dassault propose de rétablir le certificat d’études, de supprimer le collège unique et de « rebâtir une filière d’apprentissage digne de ce nom ». C’est fou comme les grands patrons sont favorables à l’apprentissage pour… les enfants des autres, mais bon…

Cependant M. Dassault ne nous dit pas pourquoi la droite a jusque-là été incapable de réformer quoi que ce soit à l’Education nationale, sinon dans le mauvais sens.

Incriminer les « idéologues qui ont mis par terre » notre système éducatif est un peu court et permet de passer sous silence le fait que la droite s’est totalement désintéressée de l’école publique, une fois assurée la survie de l’école libre.

Pourquoi en irait-il autrement demain ?

Le terrorisme ? Fâââcile !

Quant à la lutte contre le terrorisme, il suffit d’expulser les « imams prêcheurs de haine » et de déchoir de la nationalité française les djihadistes. Du moins « le cas échéant » (sic). Il faudra aussi rétablir un contrôle sévère aux frontières (M. Dassault ne nous dit pas comment) et « accepter de restreindre certaines de nos libertés afin de garantir notre sécurité ».

Manifestement la réduction constante des libertés publiques dans notre pays ne suffit pas à M. Dassault. Mais il ne nous dit pas quelles autres libertés nous devrions sacrifier. Dommage…

Passons aux choses sérieuses

Une fois résolus aussi facilement ces trois « maux », M. Dassault se consacre à ce qui apparaît comme son propos principal : la lutte contre la dette souveraine, par la réduction des dépenses publiques évidemment. Ce sujet lui tient à cœur, comme à François Fillon dont il salue le « courage » en la matière.

Pour diminuer les dépenses il suffit, nous écrit M.Dassault, de réduire le nombre de fonctionnaires, de diminuer les dépenses sociales, de réduire les niches fiscales et de lutter contre les fraudes sociales.

Bon sang mais c’est bien sûr ! Pourquoi n’y avoir pas pensé auparavant !

Et ne croyez pas que cela soit du néo-libéralisme : non, c’est tout simplement pour rétablir « notre indépendance et notre souveraineté » – une indépendance et une souveraineté qui, comme l’on sait, sont chaque jour mieux défendues au sein de l’Union européenne (sujet que M. Dassault n’aborde pas, prudemment).

M.Dassault adepte du renversement dialectique

Dassault a cependant conscience qu’une telle politique pourrait « en cette période de faible croissance (…) avoir un effet récessif sur l’économie ». C’est qu’on sait cultiver l’art de la litote au Figaro !

Mais rassurez-vous, chers lecteurs, la solution est toute trouvée pour M. Dassault : une « vigoureuse baisse des impôts ».

Car de même que pour lutter contre le chômage il faut faciliter les licenciements, pour réduire les déficits il faut réduire… les recettes fiscales.

Cela semble, certes, difficile à comprendre pour un Français cartésien d’en bas, mais sans doute parce qu’il n’est pas assez libéral. Car sinon il comprendrait d’évidence, comme les marxistes, les vertus du renversement dialectique ! Fâââcile…

Les bons remèdes du docteur Dassault

 Et comment réduire les impôts ? Grâce à une réforme fiscale, nous répond M. Dassault, qui remplacera l’IR par une flat-tax inspirée de la CSG. Une réforme, tenez-vous bien, chers lecteurs, qui permettra « même » (sic) de diminuer la contribution des foyers modestes.

Grâce à ces remèdes, le bon docteur Dassault nous promet que « l’initiative sera encouragée, l’investissement stimulé, l’emploi relancé. Le cercle vertueux de la croissance sera enfin amorcé ».

Bref, en invoquant in fine les mânes de Tony Blair – qui, comme chacun le sait, est un puits de science –, il nous promet des lendemains qui chantent. Il souhaite donc ardemment que « l’alternance qui se dessine nous permette enfin de mettre en œuvre cette bonne politique ».

Les ultras en bandes molletières

Nul doute que les papys et mamies qui lisent habituellement Le Figaro se réjouiront des audaces convenues de ce beau programme, d’autant que pour l’essentiel elles ne les concerneraient pas.

Mais, à l’évidence, les oligarques de 2017, comme les ultras de 1815, n’ont rien compris ni rien oublié. Ils continuent de vouloir nous assener la potion libérale, envers et contre tout : une potion qui ne fonctionne que dans leur imagination mais peu importe. L’essentiel n’est-il pas de se faire élire en 2017 pour conserver le pouvoir ?

Ils continuent de nier les défis identitaires et civilisationnels qui nous menacent et qui préoccupent de plus en plus les Européens. Mais peu importe : l’essentiel n’est-il pas de conserver les contrats qataris, émiratis ou saoudiens ?

Dassault nous montre en tout cas que la pensée politique du grand patronat en 2017 se trouve au même niveau que la pensée militaire française en 1939 : ringarde et dépassée avant même de commencer l’affrontement.

Les ultras portent des bandes molletières et ils ne le savent pas.

Leur réveil s’annonce brutal.

Michel Geoffroy
05/01/2017

Michel Geoffroy

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