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Quelle politique migratoire pour la France ? – Les filières incontrôlées de l’immigration

Quelle politique migratoire pour la France ? – Les filières incontrôlées de l’immigration

Par André-Victor Robert, économiste ♦ Dans une étude précieuse – que Polémia publie en 6 parties tant elle est importante et complète – André-Victor Robert analyse en profondeur la politique migratoire que devrait adopter la France. Dans cette cinquième partie, ce haut fonctionnaire étudie les filières incontrôlées de l’immigration. Retrouvez l’intégralité de l’étude au format PDF en cliquant sur ce lien.
Polémia

Au total donc, les flux d’immigration sont hors de contrôle, l’assimilation n’est plus qu’un lointain souvenir, et la France échoue même plus basiquement à intégrer ses immigrés. Comment en est-on arrivé là ? C’est évidemment le résultat de lâchetés et d’aveuglements à tous les niveaux[1], face à des filières migratoires souvent bien rodées et parfois armées par des réseaux criminels.

1. La lourdeur et la lenteur des procédures bénéficient aux fraudeurs

Seule l’immigration de main d’œuvre est à peu près contrôlée en France depuis cinquante ans, il y a d’ailleurs eu une volonté sous Nicolas Sarkozy de définir des métiers en tension et de canaliser l’immigration vers ces seuls métiers. En dehors de cela, la législation française nourrit par son laxisme les  filières migratoires « familiale » et « humanitaire » :

  • en autorisant le séjour pour des motifs familiaux appréciés de manière très large et souvent subjective,
  • en autorisant le séjour pour motif médical à des personnes qui ne pourraient bénéficier dans leur pays de soins de la qualité de ceux dispensés en France,
  • en accordant la nationalité française, en vertu du droit du sol, à tout enfant d’immigré né sur le sol français, lorsqu’il atteint sa majorité, voire dès l’âge de 13 ans par simple déclaration, ce qui nourrit ultérieurement de manière mécanique le flux d’entrée pour motifs familiaux (cf. le paragraphe supra sur les mariages mixtes),
  • en accordant la nationalité française au bout de quatre ans de mariage au conjoint d’un français sans exiger de preuve de son assimilation (même effet),
  • ou encore en octroyant aux préfets la faculté de régulariser de manière discrétionnaire tout étranger en situation irrégulière, sans que l’exercice de cette faculté ne soit contingenté. En pratique, il est hélas beaucoup plus simple pour un préfet de régulariser un étranger que d’organiser son éloignement du territoire…

Nous avons également évoqué l’évolution de la jurisprudence – française comme européenne – dans un sens de plus en plus favorable aux migrants, au point que s’est quasiment créé un droit à l’immigration, en lieu et place du droit de l’immigration.

Mais ce ne sont pas seulement la législation et la jurisprudence qui sont de plus en plus accommodantes avec l’immigration : les migrants en situation irrégulière peuvent aussi tirer parti de la lourdeur des procédures, qu’il s’agisse du traitement des demandes d’asile, des procédures d’expulsion, ou encore de la reconnaissance de la qualité de mineur non accompagné. Charlotte d’Ornelas (2021) l’analyse de manière particulièrement brillante dans le numéro hors série de Valeurs Actuelles (« L’immigration en France »), s’agissant de l’expulsion des déboutés du droit d’asile placés en centre de rétention administrative (CRA).

Patrick Stefanini (2020) dresse un constat analogue pour ce qui est du traitement des demandes d’asile : la durée de l’instruction par l’OFPRA est en règle générale de quatre mois, la procédure devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) prend 6 mois supplémentaires, et au terme de cette procédure, une demande de réexamen permet de tout reprendre à zéro… Entre temps, le demandeur d’asile a commencé à faire sa vie en France, les enfants – le cas échéant – sont scolarisés, et l’expulsion (après exercice de toutes les voies de recours) en est rendue plus difficile.

L’éloignement d’un clandestin suppose l’obtention d’un laisser-passer consulaire auprès de son pays d’origine. Or de nombreux pays africains sont réticents à délivrer ces laisser-passer, parfois même lorsqu’il s’agit de pays avec lesquels la France a conclu des accords préférentiels en matière migratoire et que la France aide largement dans le cadre de l’aide au développement (Stefanini 2021). L’éloignement est encore plus compliqué lorsque le clandestin a détruit ses papiers d’identité, car sa nationalité est difficile à prouver. De nombreux arrivants détruisent d’ailleurs délibérément leurs papiers d’identité pour pouvoir mentir sur leur pays d’origine (dans le cas d’une demande d’asile) et / ou leur âge (pour ceux qui sollicitent le statut de mineur non accompagné). Mais il n’y a pas en droit français de présomption (simple) de fraude dans un tel cas de figure.

Le traitement des mineurs non accompagnés est du ressort des départements, au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Dès lors, un faux mineur dont le dossier est rejeté dans un département peut très bien tenter sa chance dans un autre département. Des associations (souvent subventionnées par l’État ou les collectivités locales…) s’efforcent d’aiguiller les impétrants au statut de MNA vers les départements où leur chance de succès est la plus élevée. Il existe bien un traitement de données biométriques concernant les demandeurs, partagé entre tous les départements, mais un « mineur » demandeur a la faculté de refuser la prise de ses empreintes, ce qui rend alors le traitement informatique inopérant.

2. La générosité du système social français

Nous traitons dans le présent paragraphe des prestations suivantes (pour l’essentiel) : assurance maladie et accidents du travail, retraite, assurance chômage, prestations familiales, prestations sociales (minima sociaux, aides au logement,…). Nous y inclurons l’attribution d’un logement social, qui constitue un avantage financier indéniable.

L’accès à ces prestations est traditionnellement conditionné à quatre types de critères, intervenant dans des proportions variables selon les prestations considérées :

  • un critère d’activité professionnelle,
  • un critère de résidence en France,
  • un critère de ressources et de charges de famille,
  • un critère de nationalité.

On pourrait résumer l’évolution du système de protection sociale français depuis cinquante ans, à grands traits, en disant que :

  • le critère d’activité professionnelle s’est progressivement effacé, au profit du critère de ressources, on est ainsi passé progressivement d’un système de protection sociale à dominante « bismarckienne » à un système « beveridgien » :
    • Les aides au logement sont emblématiques de cette évolution (Calcoen et Amzallag, 2015) : l’allocation de logement familiale (ALF), créée en 1948, s’adressait à sa création aux seules familles avec enfants et aux couples récemment mariés ; en 1972 est créée l’allocation de logement à caractère social (ALS), destinée aux travailleurs à faibles ressources ; en 1977, avec la réforme Barre dont l’objet est de substituer des « aides à la personne » à une partie des « aides à la pierre », est créée l’aide personnalisée au logement (APL), versée à toute personne qui occupe un logement conventionné, sous seule condition de ressources ; durant les vingt années qui suivent est mis en œuvre le « bouclage des aides au logement », qui consiste à étendre le droit à l’ALS à toute personne, sous conditions de ressources, sans considération de son statut professionnel,
    • la création du Revenu minimum d’insertion (RMI) par le gouvernement de Michel Rocard en 1988, puis la création de la Couverture maladie universelle (CMU) en 1999 sous Jospin, ont constitué deux étapes importantes supplémentaires matérialisant l’effacement du critère d’activité professionnelle pour l’octroi des prestations sociales,
    • cet effacement du critère professionnel n’a pas eu pour motivation de mieux traiter les immigrés (voir Damon et Ferras, 2015 pour une analyse des évolutions ayant affecté la Sécurité sociale, et Damon 2006 pour un examen particulier de la politique familiale), mais il leur a bénéficié dans la mesure où : la part des inactifs au sein de la population immigrée est plus forte qu’au sein de la population autochtone, elle n’a cessé de croître au sein de la population immigrée, et les immigrés actifs sont employés à des niveaux de salaire en moyenne inférieurs à ceux des autochtones puisqu’ils sont en moyenne moins qualifiés,
    • Ainsi, l’Insee (2018) observe qu’en 2015 « les prestations sociales représentent une part plus importante des revenus des ménages immigrés : 16,9 % contre 4,8 % pour les ménages  non immigrés et 7,8 % pour les ménages mixtes. Selon l’origine de la personne de référence du ménage, la part des  prestations sociales va de 23,7 % pour les personnes nées  en Afrique à  7,2 % pour les personnes natives d’Europe, soit un niveau plus proche de  celui des ménages non immigrés »,
    • L’effacement des critères professionnels au profit des conditions de ressources (et aussi de taille de la famille en l’occurrence) est également très visible en matière d’attributions de logements HLM. 31 % des ménages immigrés[2] sont locataires HLM en 2017, à comparer à 13 % chez les non-immigrés. La part des locataires HLM monte à 50 % chez les immigrés originaires d’Algérie, 45 % chez ceux du Maroc, 38 % chez ceux de Tunisie, et 48 % chez ceux des autres pays d’Afrique (Ministère de l’intérieur, 2020c). L’économie de loyer, lorsqu’on habite en HLM, par rapport à un logement comparable dans le parc privé, se chiffre à 261 € / mois en 2006 en moyenne sur l’ensemble de la France, et grimpe à 394 € / mois en île-de-France (Trévien, 2014) ;
  • le critère de nationalité n’a jamais vraiment eu beaucoup d’importance dans notre pays, le critère de résidence a toujours été prépondérant – mais il y a cinquante ans le poids de la population immigrée dans la population française était bien moindre.

3. L’absence de volonté d’intégrer et d’assimiler

La politique d’intégration à la française pourrait se résumer par la formule : « Venez comme vous êtes ». Le rapport de Roger Karoutchi de 2017 pointait notamment que la formation linguistique proposée dans le cadre du « contrat d’intégration républicaine » est d’une durée minimale de deux-cent heures, avec une simple obligation d’assiduité mais sans réelle obligation de réussite sanctionnée par un examen, alors que celle mise en œuvre en Allemagne est de six cent heures, sans possibilité d’obtenir un titre de séjour en cas d’échec à l’examen final. En France, donc, il faut croire que l’essentiel est de participer… Le gouvernement d’édouard Philippe a certes porté à 600 h le volume maximal de cette formation, mais sans instaurer d’obligation de résultat. Quant à la formation civique, elle est d’une durée totale de 24h, ce qui est bien modeste (à comparer avec 100h en Allemagne, cf. Stefanini 2021).

à la différence de l’Allemagne et du Danemark, la France n’impose pas un lieu de résidence à ses immigrants, laissant ainsi s’accentuer des concentrations ethniques en certains points du territoire, compte tenu de la tendance naturelle des migrants à se localiser à proximité de leur diaspora. Au Danemark par exemple (Stefanini 2021), là où les concentrations de populations immigrées sont les plus élevées, les parents sont tenus d’envoyer leurs enfants à la crèche dès l’âge de 1 an afin qu’ils y apprennent le danois, et la proportion d’enfants immigrés est limitée à 30 % dans tout collège et lycée.

Comme le note Yves Mamou (2018), ces échecs sont le résultat d’un « grand abandon », d’une démission collective face à l’islamisme, de la part :

  • de la justice, qui réprime mollement le terrorisme et criminalise toute critique de l’islam,
  • des grands corps de l’État (Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Défenseur des droits, Observatoire de la laïcité, Cnaf…),
  • des médias, obnubilés par la diversité et le politiquement correct,
  • de la classe politique (la population française est mise en concurrence sur son propre territoire, et la politique de frontières ouvertes n’a jamais été soumise à l’approbation du peuple, si ce n’est à l’occasion du référendum de 2005, dont il n’a pas été tenu compte),
  • de l’éducation nationale, soucieuse de ne jamais faire de vagues (voir aussi à ce sujet Ravet, 2018),
  • de l’église catholique (à l’exception notable de Benoît XVI, à l’occasion du discours qu’il a prononcé en 2006 à Ratisbonne),
  • des intellectuels, experts et « people ».

Pourtant, ainsi que le rappelle Jean Sevilla (2021), dès la fin des années soixante-dix, l’intégration des immigrés – notamment africains – commençait à poser des problèmes. En outre, ajoute-t-il, « c’était le moment post-68 où toutes les institutions, de l’école aux partis et de l’armée à l’entreprise, étaient en crise, plongeant les vecteurs traditionnels d’intégration dans l’esprit du temps : plus de normes obligatoires, plus d’identité collective, priorité aux droits de l’homme, méfiance à l’égard des frontières. Dès lors qu’on n’apprenait plus aux Français à aimer la France, pourquoi l’aurait-on appris aux étrangers ? »

André-Victor Robert
17/11/2022

[1] Parfois même, la lâcheté ou l’aveuglement cèdent la place à la compromission, pour ne pas dire à la complicité : Céline Pina (2016) a ainsi documenté les tractations électorales sordides dans certaines banlieues islamisées entre des élus cherchant à se faire réélire (ou élire) et les potentats musulmans locaux. À certains endroits, nous en sommes arrivés au stade où le vote musulman s’achète, et cela ne va pas sans contreparties bien entendu. Un sondage de l’IFOP nous apprend qu’à l’occasion du 1er tour des dernières élections présidentielles, 70 % des électeurs musulmans ont voté pour JL Mélenchon. Compte tenu du fait que les musulmans représentent environ 10 % de la population dans notre pays, cela signifie que les musulmans représentent environ 1/3 de l’électorat de Mélenchon : il devient de plus en plus difficile dans ces conditions pour La France Insoumise de prendre des orientations qui mécontenteraient cette frange de la population…
[2] Il s’agit plus précisément des ménages dont la « personne de référence » est immigrée. Dans le cas d’un couple (avec ou sans enfants), la personne de référence est l’homme, par convention.

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