Accueil | Société | Hanouna-Boyard : les médias toujours plus bas

Hanouna-Boyard : les médias toujours plus bas

Hanouna-Boyard : les médias toujours plus bas

par | 17 novembre 2022 | Politique, Société

Par Pierre Boisguilbert ♦ Ça éructe, ça s’insulte. Tout cela finira au tribunal, mais sera vite oublié. Le choc entre l’animateur de « Touche pas à mon poste » et un invité ancien chroniqueur et député mélenchoniste aura été, pour qui veut voir, la preuve par le son et l’image de la dérive du débat médiatique ravalé au rang de spectacle d’affrontement des vulgarités.

L’animateur de C8 a consacré l’essentiel de son émission, lundi, à rejeter sur le député « insoumis » les raisons de son propre emportement. Il a eu le dernier mot mais c’est facile, et il a impudemment tout de même abusé de sa position, même si certaines choses ont été dites. Ce débriefing à décharge signifie bien qu’il a regretté s’être emporté, traitant de tous les noms son invité. Le député Louis Boyard a en effet été traité d’« abruti », de « nase », de « tocard » ou encore de « bouffon » et même pire après qu’il a tenté de faire état des agissements de Vincent Bolloré, premier actionnaire de Vivendi et donc propriétaire du groupe Canal+, sur le continent africain. Il était invité pour parler de l’Ocean Viking. Il avait donc préparé son coup, sans s’attendre à la réaction violente d’Hanouna. L’ancien chroniqueur s’est alors drapé dans son titre de député, demandant d’être respecté comme élu du peuple. Tout cela est surréaliste.

Hanouna a été mis en poste pour capter un public jeune et multiculturel qui ne regardait pas la télévision. Hanouna parle jeune… on a tout compris. Les politiques, constatant le succès de l’émission, se sont mis à se rendre sur le plateau où, paraît-il, tout est libre et permis. C’est de leur responsabilité, et c’est bien sûr leur faute de ramener par pulsion narcissique de notoriété la parole politique au rang de bataille de polochons médiatiques, avec parfois, dans certains polochons, du lourd pour faire mal. « TPMP » est devenue l’un des passages privilégiés d’une partie de la classe politique. Cyril Hanouna invite régulièrement des élus pour évoquer des sujets de société ou des buzz médiatiques. Mais le show quotidien de C8, qui rassemble jusqu’à deux millions de téléspectateurs, s’accompagne régulièrement de controverses. C’est le but du jeu. Mais une ligne rouge a peut-être été franchie.

Hanouna joue gros avec cette affaire. Il est parti à gauche toute pour représenter la diversité de la nouvelle société française voulue par l’idéologie médiatique. Aujourd’hui, il est accusé de faire monter le racisme et de présenter des émissions de plus en plus populistes et réactionnaires. Il faut dire que, circonstance aggravante, sa chaîne C8 fait partie du groupe Canal+ et, comme CNews, est sous la gouvernance de Bolloré, le grand Satan de la bien-pensance médiatique. CNews, la petite chaîne qui monte et a fait monter Zemmour. Pour Libération sa cause est entendue : c’est la mort médiatique qui est demandée : « En s’en prenant violemment au député Louis Boyard qui dénonçait les agissements de l’homme d’affaires et patron de C8, le présentateur outrancier a révélé la vraie nature de la chaîne : non pas un média d’opinions, mais un média prévaricateur… » Dès que le député (ancien chroniqueur de l’émission) a prononcé le nom de Bolloré, un déluge d’insultes s’est abattu sur lui, moins pour l’accabler que pour étouffer le blasphème en direct : « Moi, je ne crache pas dans la main qui m’a nourri et, toi, tu ne devrais pas cracher dans la main qui t’a nourri », a fini par dire Cyril Hanouna. Voilà une phrase de mafieux, d’affidé dépendant, de prévaricateur. En prononçant ces mots qui lui semblaient sans doute frappés au coin de l’évidence, Cyril Hanouna n’a pas fait preuve d’esprit de corps ou de fidélité, il n’est pas apparu « corporate » ou simplement candidat fayot au titre d’employé du mois, mais plutôt porte-flingue d’un homme. « Bolloré t’a donné de l’argent », « c’est nous qui t’avons fait député », s’est aussi insurgé le producteur de « Touche pas à mon poste ».

Louis Boyard, humilié et hué, se sent soutenu « Et je vais porter plainte en ayant une pensée pour les millions de personnes qui ont été insultées. Insultées chaque fois que TPMP a invité l’extrême droite et qu’elle a tenu des propos racistes et islamophobes sur leurs émissions. » Jean-Luc Mélenchon était resté étrangement silencieux. Il a attendu quatre jours avant de s’exprimer publiquement sur le sujet et, s’il n’a pas épargné Cyril Hanouna, il s’en est surtout pris à ceux pour qui « les Insoumis se sont mis dans leur piège ».

« Monsieur Hanouna, je ne vais pas lui jeter la pierre », a ironisé Jean-Luc Mélenchon lors d’un meeting contre la vie chère à Clermont-Ferrand lundi 14 novembre au soir, provoquant quelques huées. « Il est juste à visage découvert. […] Lui, c’est j’t’emmerde, j’m’en bats les couilles », s’est moqué l’ancien candidat à la présidentielle. Mais, au-delà de l’animateur star de C8, il a surtout jugé « incroyables » les commentaires accusant les députés LFI qui acceptent les invitations de « TPMP » de faire le jeu de l’animateur. « Autrement dit, c’est de notre faute ! ». Outre Louis Boyard, les députés LFI Raquel Garrido, Alexis Corbière ou encore David Guiraud ont été ou sont toujours pour certains des réguliers du plateau. Il y a des élus d’autres tendances et même du RN.

Marine Le Pen a estimé « relativement drôle » de « se faire donner des leçons de bienséance par La France insoumise ». « Ils passent leur vie à insulter leurs adversaires politiques de tous les noms. Qu’ils commencent déjà par s’appliquer une forme de courtoisie dans le débat politique, ensuite ils pourront se plaindre d’être maltraités », a fustigé la députée RN du Pas-de-Calais sur France Inter, mardi 15 novembre.

Quant à Louis Boyard, c’est l’exhibitionnisme politique dans sa pire expression. Révolutionnaire nombriliste et donneur de leçons. Pour les journalistes, c’est « un bon client », un type qui fait du buzz et donc de l’audience, et peu importe donc ce qu’il dit. Le système se dévore lui-même. C’est pourquoi il était devenu chroniqueur chez Bolloré. Hanouna n’a pas manqué de détailler le passé de celui qui est aujourd’hui député La France insoumise, en rappelant que Louis Boyard avait été un salarié de Vincent Bolloré en intervenant plusieurs fois sur « TPMP » et dans « Balance ton post ». Cyril Hanouna a même dévoilé les montants perçus par le député lors de ses venues sur le plateau de C8 : « Soit on montre tout, soit on ne montre rien. Il a touché plus de 6 700 euros en piges. »

« Louis Boyard vous a berné, il a été faux, moi j’ai été vrai. Il avait tout prémédité. Louis Boyard est venu dans un seul but, faire du buzz, quitter le plateau et s’attaquer à “TPMP” ». C’est le risque du jeu tout de même, l’émission est faite pour ça. Puis « s’attaquer au groupe et s’attaquer à notre actionnaire », a conclu Hanouna. Défendre Bolloré même sur une de ses chaînes, c’est très délicat… car, bien sûr, nulle part on ne peut tout dire.

En fait ce sont tous les téléspectateurs qui sont bernés quand ils acceptent de devenir des voyeurs pour des histrions politiques exhibitionnistes de plus en plus vulgaires. Oui, les médias sont de plus en plus bas et, hélas ! cela n’est pas fini. C’est le système qui crée les Hanouna et les Boyard mais c’est le public qui les rend rentables. Il faut parfois toucher à son poste pour montrer sa répulsion devant certains programmes.

Pierre Boisguilbert
17/11/2022

Cet article vous a plu ?

Je fais un don

Soutenez Polémia, faites un don ! Chaque don vous ouvre le droit à une déduction fiscale de 66% du montant de votre don, profitez-en ! Pour les dons par chèque ou par virement, cliquez ici.

Voir aussi