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L’Humanisme c’est la guerre (III/VI)

L’Humanisme c’est la guerre (III/VI)

par | 31 janvier 2017 | Politique, Société

L’Humanisme c’est la guerre (III/VI)

♦ Cette longue étude est présentée par Frédéric Villaret en six parties, qui sont publiées au jour le jour afin de rester dans les normes générales de Polémia. Voici, la troisième partie.

 III / VI – L’humanisme, c’est la guerre ! – L’Ecologie au service de la pensée politique

Frédéric Villaret, chercheur indépendant, essayiste

La vocation d’un écosystème est de favoriser la perpétuation des lignées le composant.


Ecologie thermodynamique

 L’écosystème est la pierre angulaire de l’écologie, discipline scientifique portant sur l’étude des êtres vivants dans leur milieu et les interactions entre eux. Comme toute science, celle-ci cherche à révéler les lois fondamentales de la Nature, regroupées dans son cas sous l’égide de principes de fonctionnement des écosystèmes. Pour cela, elle s’alimente à de nombreuses disciplines dont la thermodynamique, la science de l’énergie. Depuis, l’écosystème est envisagé comme l’espace (au sens multi-factoriels) où les lignées le constituant optimisent leur perpétuation, même si ces relations entre ces constituants sont des relations trophiques. Ces transferts d’énergie se font par cette prédation avec comme principe fondamental que les écosystèmes les plus stables sont ceux utilisant le mieux l’énergie. Dans cette perspective, la vocation d’un écosystème est de favoriser la perpétuation des lignées le composant. Donc, toutes les parties ne participant pas à cela sont condamnées. Or, dans nos écosystèmes artificiels modernes ces ‘nettoyages’ sont impossibles au nom de l’humanisme, mal compris. Donc, les crises le font.

Sadi Carnot et les autres

Quelques grandes figures de la science contemporaine ont contribué à l’émergence de cette vision écosystémique alimentée par la circulation de l’énergie. En thermodynamique, ce parcours fut balisé par Sadi Carnot, Josiah Willard Gibbs, Pierre Duhem, Théophile de Donder, Lars Onsager, Ilya Prigogine et d’autres tout aussi importants. Ce dernier a rendu compte de ces mutations dans un de ses livres majeurs: La Nouvelle Alliance (1978).

Commençons avec le père de la thermodynamique. Sadi Carnot (1796-1832) était aussi passionné d’économie. Ingénieur, il fut un des premiers à envisager des calculs économiques monétaires, mais aussi des estimations en termes énergétiques. Ainsi, rompant avec les fondamentaux de l’économie, des auteurs ont recherché ailleurs que dans la physique mathématique mécaniste d’autres concepts pour penser l’économie. L’année 1971 est retenue comme une date importante dans ce mouvement. Nicholas Georgescu-Rœgen publie ‘ The entropy law and the Economic Process’ dans lequel il exprime que l’énergie n’est ni consommée ni produite dans un processus économique et que chacun d’entre eux est le résultat d’une augmentation de l’entropie totale. Ce faisant, il marchait dans les traces laissées par Sadi Carnot. Il y a aussi Erwin Schrödinger -l’homme qui aurait aimé enfermer un chat dans une boîte – suggérant (1945) que les organismes importaient de l’entropie négative et exportaient de l’entropie positive. Gœrgescu-Roegen percevait l’activité économique comme un transformateur de ressources naturelles à bas niveau d’entropie (Low entropy) en déchets à haut niveau d’entropie (High entropy). Selon lui, le Second principe de la thermodynamique est la limite absolue de l’économie de la rareté (Georgescu-Rœgen, 1976).

Avant que Gœrgescu-Roegen réanime une approche systémique de l’économie, dans les années 1920, Alfred Lotka suggéra que l’évolution résultait de l’augmentation des flux d’énergie dans les organismes biologiques et de l’efficacité de conversion énergétique dans les processus biologiques. Connue comme le ‘principe de maximisation de l’énergie’, cette approche établit que : “la sélection naturelle tend à maximiser les flux d’énergie dans les systèmes aussi loin que les contraintes du milieu dans lequel le système évolue le permet”. Dans le prolongement de la théorie darwinienne de l’évolution, cette sélection passe par la recherche de l’efficience énergétique et de l’innovation. Ces idées ont été généralisées, puis appliquées à l’étude des systèmes vivants et au développement des systèmes économiques à partir des concepts de la thermodynamique. Ainsi, les lois de Lotka fondées sur l’augmentation de l’énergie, d’une part, et sur l’efficacité biologique, d’autre part, ont été transférées aux lois générales de l’évolution, puis à l’économie. Les développements des concepts d’auto-organisation, de structures dissipatives sont alors intégrées aux lois de Lotka pour exprimer de nouveaux modèles de fonctionnement des écosystèmes associant les étapes d’évolution d’un écosystème aux lois de la thermodynamique. Un système est équilibré lorsqu’il y a un équilibre entre la population d’une espèce, sa contribution à la biomasse totale de l’écosystème et sa consommation de biomasse. Les éléments de l’écosystème prennent et fournissent de la biomasse pour maximiser le ‘net energy intake’. Un organisme est donc un maximisateur d’énergie arbitrant en permanence entre l’énergie dépensée pour se nourrir (le prix à payer) et l’énergie utile produite (Cf: General equilibrium of an ecosystem (1)).

Le théorème de Prigogine- Glansdorff

A côté de ce principe de maximisation de l’énergie libre dans les systèmes vivants est associé un principe d’efficience énergétique fondé sur le théorème de production minimum d’entropie de Prigogine-Glansdorff (1955). Ce théorème s’applique aux systèmes où les relations linéaires (relations de Onsager) entre constituants dominent les relations non-linéaires. Celui-ci énonce qu’un système en non-équilibre thermodynamique tend vers un minimum de production d’entropie. Tout écart sensible aux seuils tolérables engendre une rétroaction négative ramenant le système vers ces constantes d’équilibre. Trop d’entropie crée les conditions de survenance d’états marginaux. Tout ceci a débouché sur une nouvelle conception de la valeur en économie résumée par la notion de valeur écosystémique. Cette situation est caractéristique des organismes vivants en équilibre stationnaire. Ces deux principes (maximum d’énergie (maxE) et minimum d’entropie (minS)) constituent la base de nombreux discours élaborés à partir de l’énergie.

De ces réflexions est issu un modèle valable pour tous les systèmes en non-équilibre thermodynamique, – qu’il soient biotiques ou abiotiques -, où une structure dissipative se maintient en non-équilibre thermodynamique en dissipant des flux néguentropiques associant matière, énergie et information, et dont le niveau d’entropie (grandeur scalaire) est inférieur à celui du milieu dont elle se singularise, mais au prix d’une production d’entropie (grandeur vectorielle) dissociée, – conformément à l’équation du bilan entropique -, entre production d’entropie réversible, à évacuer; et production d’entropie irréversible.

Enfin l’écosystème

Simultanément, l’Ecologie alimentait les progrès de la thermodynamique dont elle se servait pour peaufiner sa conception de l’écosystème. Arthur G. Tansley aurait créé le terme ‘écosystème’ dans les années 1930. Dans son sillage, en 1941, l’apport fondamental de Raymond Lindemann fut d’avoir conçu l’écosystème comme une entité dont la productivité est susceptible d’être évaluée par un bilan des “entrées” et des “sorties” d’énergie, faisant appel à des notions de thermodynamique jusqu’alors appliquées aux systèmes thermiques. Puis, les frères Howard et Eugène Odum, écologues américains, publient en 1953 « Fundamentals of Ecology ». Leur apport repose sur une analyse de la circulation de l’énergie et de la matière dont la conclusion est que les écosystèmes les plus stables sont ceux qui utilisent le mieux les flux d’énergie. Se pose alors la question de l’incidence de l’abondance énergétique de nos sociétés modernes.

Sur ces fondements, une estimation de l’énergie par habitant montre que celle-ci aurait augmenté d’un facteur 60 entre une économie de cueillette et nos économies modernes (Buenstorf , 1999). Cela signifie que l’énergie par capita aurait augmenté d’un facteur 60 entre l’âge des chasseurs-cueilleurs et celui de l’ère industrielle. A la fin du XXème siècle, l’écart entre les Etats-Unis et l’Asie du Sud était de 20. Dans le même ordre d’idée, le moteur de Savery (1695) avait un rendement nul. Celui de Newcomen: 1%; Watt: 4,5 %; les moteurs modernes: 47 %, ce qui correspondrait à 88 % du rendement théorique calculé à partir des écarts de température.

Les écosystèmes artificiels modernes ont la faculté grâce à la techno-science de recourir à des énergies inaccessibles naturellement. Il en est ainsi du pétrole ou du gaz extraits à des profondeurs inatteignables il y a peu; ou du nucléaire ou même de l’hydraulique ou de l’éolien grâce aux barrages et à ces jolies hélices animant l’horizon ; d’où conformément au Second principe de la thermodynamique une production d’entropie corrélativement proportionnelle à l’usage de l’énergie utile. Une conséquence envisagée est l’apparition de la guerre industrielle à l’origine d’hécatombes inconnues avant. Près de 500.000 morts pour la bataille de la Somme (1916); des millions de victimes dus aux bombardements de la seconde guerre mondiale. Mais à côté de ces massacres d’ampleur inégalée, cette orgie énergétique permet l’explosion démographique et l’artificialisation forcenée de l’écosphère à l’origine de la crise écologique.

Depuis, nourri des apports de la biosociologie, l’écosystème est envisagé comme l’espace où les lignées constitutives optimisent leur perpétuation sur le fondement de l’efficience énergétique. Toute transgression de la vocation d’un écosystème suscite des crises, faisant disparaître l’écosystème concerné devenu inadapté à sa vocation, ou le recentrant sur ses fondamentaux, conformément au Second principe de la thermodynamique.

Le fameux équilibre de la nature n’est que la stabilisation permanente des écosystèmes autour de l’optimum énergétique dont la conséquence la plus manifeste est que les individus n’ayant plus aucune fonction écosystémique, c’est-à-dire ne contribuant plus à la perpétuation des lignées, sont éliminés par la prédation. C’est assez cruel au regard de nos conceptions humanistes, mais il en était de même, il y a encore peu, chez les humains. Cela n’a qu’un but: limiter l’entropie à des seuils garantissant la viabilité des entités dont elle est consubstantielle.

Frédéric Villaret
27/01/2017

(1) http://warrington.ufl.edu/centers/purc/purcdocs/papers/9903_tschirhart_general_equilibrium_of.pdf

Correspondance Polémia – 31/01/2017

Image : Voici un écosystème. C’est un milieu naturel dans lequel interagissent entre eux, avec ce milieu, avec de la matière organique ou inorganique, des organismes vivants.

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