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L’auteur de l’attentat à Rambouillet venait d’être régularisé : le scandale doit cesser

L’auteur de l’attentat à Rambouillet venait d’être régularisé : le scandale doit cesser

Par Paul Tormenen, juriste et spécialiste des questions migratoires ♦ Le 23 avril 2021, un Tunisien récemment régularisé s’est introduit dans le commissariat de police de Rambouillet et a tué à coups de couteau une fonctionnaire désarmée aux cris de « Allah Akbar ». Selon des investigations menées par des journalistes, le terroriste s’était radicalisé avant que les autorités lui octroient un nouveau titre de séjour. Ces événements doivent nous amener à nous interroger sur la procédure de régularisation, qui aboutit à pérenniser chaque année le séjour de dizaines de milliers d’extra-Européens en situation irrégulière en France.

Jamel G., un chauffeur livreur un peu fragile psychologiquement

Peu après l’attentat contre une employée du commissariat de police de Rambouillet le 23 avril, les médias de grand chemin ont multiplié les analyses psychologisantes du geste meurtrier de son auteur, Jamel G., un Tunisien récemment régularisé. Mais certains faits ont été passés sous silence par l’immense majorité d’entre eux, alors qu’ils constituent potentiellement un véritable scandale.

Selon un article paru le 30 avril sur le site Mondafrique, Jamel G aurait rejoint à son arrivée en France un certain Mohamed Lahouaiej Bouhlel, installé à Nice depuis cinq ans. Ce triste individu, originaire de la même ville que Jamel G., s’est fait connaître en 2016 en commettant un attentat qui a coûté la vie à 86 personnes sur la promenade des Anglais (1).

Mohamed Lahouaiej Bouhlel et Jamel G. ont un point commun : ils sont originaires de la ville de M’Saken en Tunisie, une ville dont un imam aurait, dix jours avant le triple meurtre à la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption, diffusé sur Facebook une vidéo prêchant la décapitation de tous ceux qui offensent le prophète Mahomet. Ces informations restent à confirmer, mais d’autres éléments communiqués par certains médias sont tout aussi troublants.

Le compte Facebook de Jamel G. comporterait, selon certains journalistes, plusieurs indices de sa radicalisation à partir d’avril 2020. Sur son profil, on ne trouverait à compter de cette période que des prières et des versets coraniques. Jamel G. se serait mis à suivre un imam salafiste (2). En octobre, il s’associe à une campagne appelée « Je suis Mohamed », incitant au boycott de produits français (3). Après la mort de Samuel Paty et deux mois avant l’octroi d’un titre de séjour, il écrit sur sa page Facebook : « Ô les musulmans, maintenant nous allons répondre aux insultes de la France et de Macron contre notre prophète Mahomet » (4).

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Une radicalisation inconnue des services de renseignement

Le procureur de la République antiterroriste chargé de l’affaire a indiqué lors d’un point presse le 25 avril que « l’auteur de ce crime était inconnu des services de renseignement et que son casier judiciaire ne faisait état d’aucune condamnation » (5).

Il rappelle pour l’occasion la situation administrative de Jamel G. Fin 2019, le Tunisien aurait bénéficié d’une autorisation exceptionnelle au séjour, puis, le 28 décembre 2020, d’une carte de séjour valable jusqu’en décembre 2021 (6).

La radicalisation de Jamel G. serait donc, selon ses messages postés sur Facebook, postérieure à sa régularisation. Mais l’octroi d’une carte de séjour en décembre 2020 est intervenu après sa radicalisation, dont les signes ont commencé à devenir visibles en avril 2020.

L’admission exceptionnelle au séjour

Le droit pour un extra-Européen de solliciter son admission au séjour après son arrivée en France est encadré par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers. L’application de ces dispositions est explicitée aux services instructeurs par une circulaire du 28 novembre 2012 signée par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Manuel Valls (7). Ce dernier justifiait l’existence de cette procédure par la nécessaire « prise en compte de certaines réalités humaines ». À la décharge de Manuel Valls, la possibilité juridique de régularisation des clandestins, qui s’est étendue au fil du temps, est antérieure à sa circulaire (8).

Le ministre de l’Intérieur de l’époque y écarte de l’admission exceptionnelle au séjour « les étrangers dont la présence en France constituerait une menace à l’ordre public ou qui se trouveraient en situation de polygamie sur le territoire national ».
Les très nombreux motifs pouvant justifier une régularisation sont ensuite déclinés : enfant scolarisé, conjoint étranger en situation régulière, mineur devenu majeur, « talents exceptionnels ou services rendus à la collectivité », circonstances humanitaires particulières, travail en France, etc.
Puis les conditions de l’admission exceptionnelle au séjour au titre du travail sont exposées : ancienneté dans le travail (au minimum 8 mois dans les 24 derniers mois) et ancienneté du séjour en France (au moins 5 ans).
L’étranger dont la demande est acceptée se voit délivrer une carte de séjour temporaire. Les services instructeurs sont invités à examiner la situation professionnelle des intéressés lors de l’examen de son renouvellement.
La décision de régularisation revient au préfet, en vertu de son pouvoir discrétionnaire d’interprétation des dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et de ladite circulaire Valls.

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La régularisation de Jamel G., des failles béantes

Le séjour en France des ressortissants tunisiens est régi par des dispositions dérogatoires au Code de l’entrée et du séjour des étrangers, contenues dans l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988. La circulaire Valls et certains jugements de tribunaux administratifs ont posé le principe que le préfet pouvait, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, prendre une décision de régularisation d’un ressortissant d’un pays concerné par un accord dérogatoire (Algérie, Tunisie). Cela a été le cas pour Jamel G.

Jamel G. a été régularisé fin 2019, alors que les signes extérieurs de sa radicalisation n’étaient, selon les informations disponibles, pas perceptibles. Aucun élément attestant une insertion défaillante dans la société française et un risque de menace à l’ordre public n’avait été détecté. En revanche, on peut s’interroger sur le contrôle du respect d’une autre condition posée par la circulaire Valls, le domicile effectif dans le département de dépôt de la demande. Jamel G. a en effet déclaré habiter dans le Val-de-Marne. Or son domicile réel était à Rambouillet, dans la commune où il a commis son attentat.

L’octroi d’un nouveau titre de séjour à Jamel G. fin 2020 est plus problématique. Il a, selon plusieurs journalistes, montré des signes de radicalisation à partir du mois d’avril 2020 et a proféré sur son compte Facebook des menaces envers le pays qui l’accueillait. Lors du renouvellement d’un titre de séjour, le préfet doit s’assurer qu’il n’y a pas de motif d’ordre public s’y opposant. Dans une autre affaire, des propos anti-Occidentaux et dirigés contre la société française sur Facebook ont en juillet 2018 motivé un non-renouvellement de titre de séjour. La décision du préfet de police a été confirmée en appel (9).

Il est pour le moins étonnant que, à l’occasion de l’octroi d’un titre de séjour après une régularisation, deux critères prévus pour une demande de régularisation par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et par la circulaire du 28 novembre 2012 n’aient visiblement pas été examinés :

  • Critère de menace à l’ordre public – La circulaire Valls précise que « sont exclus du bénéfice de la présente circulaire les étrangers dont la présence en France constituerait une menace à l’ordre public ». La Cour des comptes précise dans un rapport publié en mai 2020 que « tous les dossiers d’admission exceptionnelle au séjour font l’objet d’une communication aux services de police ou de gendarmerie, et lorsque la personne est connue défavorablement, même pour des faits non jugés ou pouvant apparaître comme mineurs, la demande est généralement rejetée » (10).
    En très peu de temps et quelques « clics », des journalistes ont pu retracer la chronologie de la radicalisation du terroriste visible sur Internet, une radicalisation certes postérieure à sa régularisation en 2019, mais antérieure au renouvellement de son titre de séjour fin 2020.
  • Critère de l’insertion de l’étranger dans la société française – Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers pose cette condition à l’octroi d’un titre de séjour. Or, si Jamel G. était inséré professionnellement car il disposait d’un emploi, on ne peut pas en dire autant de son insertion dans la société française, envers laquelle il a manifesté des signes d’hostilité jusqu’à commettre un attentat au commissariat de Rambouillet.

Bien que les conditions qui ont conduit à régulariser fin 2019 le séjour de Jamel G aient changé entre sa régularisation et l’octroi d’un titre de séjour fin 2020, selon de nombreux indices, sa situation n’a pas fait l’objet d’un réexamen approfondi quand il a été autorisé à rester sur le territoire français. Mais, au-delà, c’est le principe même des régularisations qui doit être remis en cause.

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La théorie et la pratique

La Cour des comptes a mené en 2019 et 2020 une enquête auprès de différents services de l’État compétents en matière d’asile et d’immigration. À la suite de celle-ci, la juridiction a publié un rapport paru en mai 2020, qui a fait l’objet de plusieurs articles publiés sur le site de Polémia durant l’été 2020 (11).
Les conseillers de la Cour des comptes font, dans leur rapport, le constat que, concernant l’instruction des demandes de régularisation, « la vérification approfondie des conditions légales d’éligibilité [par l’administration, NDLR] n’a pas d’autre substance que celle de la recevabilité des dossiers ». Les conseillers soulignent également que la « connaissance des valeurs de la République » posée par l’article L.313-1 du CESEDA « ne peut être vérifiée ». En l’absence de réception des requérants, il n’est pas vérifié non plus leur connaissance du français.
L’existence de cette possibilité de régularisation contribue, en raison des nombreux recours, à engorger les tribunaux administratifs, où le droit des étrangers représente 40 %, voire 50 % de l’activité (12).

Chaque année, près de 37 000 extra-Européens en situation irrégulière sur le territoire se voient délivrer un titre de séjour. Comme la Cour des comptes l’a pointé dans son rapport, les examens de ces demandes sont uniquement réalisés à partir des documents fournis par les intéressés.
En décembre 2020, le directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration faisait le constat que « la difficulté, c’est que l’écart entre les pays d’émigration et le nôtre n’a cessé de s’agrandir, au sens où on n’a pas les mêmes comportements sociétaux, le même rapport à l’autre, à la diversité » (13). N’y a-t-il pas dans ce cadre nécessité de « resserrer les boulons » ?!

On savait que les régularisations créaient un appel d’air considérable à l’immigration clandestine. En reconnaissant le travail dissimulé comme critère de régularisation, ce dispositif constitue en outre une acceptation tacite de la fraude sociale et fiscale. On sait maintenant que les modalités d’instruction des demandes de régularisation et de renouvellement des titres de séjour font peser de lourdes menaces sur les Français et leur sécurité.

Paul Tormenen
03/05/2021

Notes

(1) « Terrorisme, le terroriste Jamel Gorchene n’est pas un loup solitaire ». Mondafrique. 30 avril 2021.
(2) « Attentat de Rambouillet : régulariser un terroriste, c’est (hélas) possible ». Marianne. 29 avril 2021.
(3) « La lutte antiterroriste au défi de la radicalisation individuelle ». La Croix. 25 avril 2021.
(4) cf. (2)
(5) « Rambouillet : l’enquête montre des signes de radicalisation, selon le procureur de la République ». Reuters. 25 avril 2021.
(6) « Attentat de Rambouillet : ce dispositif qui a permis à l’assaillant d’obtenir une carte de séjour temporaire ». Le Figaro. 25 avril 2021.
(7) Circulaire du 28 novembre 2012 sur les conditions d’admission au séjour déposées par des ressortissants en situation irrégulière. Ministère de l’Intérieur.
(8) « L’admission exceptionnelle au séjour par le travail ». GISTI. Avril 2009.
(9) « Des posts sur Facebook peuvent justifier le non-renouvellement d’un titre de séjour ». Next INpact. 23 juillet 2019.
(10) « L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères ». Cour des comptes. 5 mai 2020.
(11) Série de cinq articles sur le rapport de la Cour des comptes précité. Polémia. 20 août 2020.
(12) « Simplifier le contentieux des étrangers, dans l’intérêt de tous ». Conseil d’État. 9 octobre 2020.
(13) Émission « Bercoff dans tous ses états ». 17 décembre 2020.

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