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La légende noire des troupes marocaines en Allemagne

La légende noire des troupes marocaines en Allemagne

par | 12 février 2020 | Exclusivité Polémia, Société

Par André Posokhow, consultant ♦ La parution récente d’un article dans le média marocain Zamane dénonçant les exactions commises par les soldats maghrébins de l’armée française à la fin de la Seconde Guerre mondiale a motivé la publication d’un article sur Polémia par Pierre Boisguilbert.
Aujourd’hui, c’est André Posokhow, autre fidèle contributeur de notre site, qui étudie cette question en apportant un regard plein de nuances sur cette période extrêmement dure de l’histoire européenne. Polémia, fidèle à son esprit de respect et de promotion du libre débat, laissera le lecteur se faire son avis sur un épisode extrêmement trouble d’une histoire, elle-même faite de violences en tous genres.
Polémia


Dans un mensuel marocain de bonne tenue, Zamane, un journaliste : Adnan Sebti, a signé un article jugé iconoclaste dans lequel il est dit : « Quand l’armée française a pénétré dans le sud de l’Allemagne, les soldats marocains ont été utilisés comme arme de terreur dans plusieurs villes et villages du Bade-Wurtemberg avec des viols collectif, des enlèvements et des meurtres. » Tels auraient été les crimes de guerre des soldats coloniaux de la 1re Armée française. Ceux-ci auraient été auraient été utilisés, mais par qui ? Des exactions en Allemagne, lors de cette fin d’une guerre qui avait duré six années, il y en eut, entre autres, de la part de soldats de l’Armée française. Il faut cependant, avant de sombrer dans une nouvelle repentance, leur donner leur juste dimension et les placer dans leur contexte.


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Ces Marocains étaient des soldats de l’Empire français et ont été en pointe des combats de la libération

Les tirailleurs marocains, comme les Tunisiens ou les Algériens, étaient des soldats de l’Armée d’Afrique. Après le désastre de 1940, ils ont été recrutés ou mobilisés pour reconstituer, sous l’égide du général Weygand, puis des généraux Juin et Giraud, les régiments qui ont formé la nouvelle Armée française.

Soldats de l’Empire français, encadrés par des officiers et sous-officiers compétents et avides de revanche, ils ont joué un rôle décisif dans les combats de la libération : Italie, Corse, Provence, Alsace, Allemagne.

Combattants d’élite, ils étaient craints de l’ennemi. En revanche leur origine d’Afrique du Nord les conduisait à concevoir la guerre comme source de trophées et de profits de nature diverse, voire de rapines. C’était encore plus vrai des goumiers, blédards irréguliers, guerriers implacables pratiquant une impitoyable cruauté tribale, formés en unités par le général Guillaume. Leurs faits d’armes ne peuvent qu’avoir la priorité au sein de la mémoire que nous devons garder d’eux.

On ne peut nier qu’il y eut des exactions

Disciplinés sur un sol français, beaucoup de ces troupiers ne comprenaient pas qu’on les prive, en terre ennemie, d’une récompense qu’ils jugeaient méritée.

En Italie, il y eut certes des vols, surtout de bétails abandonnés pour se nourrir. Ce ne fut rien à côté de ce qu’avaient réquisitionnés les Allemands. Quant aux autres exactions, notamment les viols, si l’on en croit le livre sur la campagne d’Italie de J.C. Notin, elles furent beaucoup plus circonscrites que la légende noire, exagérée par des Italiens oublieux du 10 juin 1940 et répandue par nos bons alliés américaines, l’ont proclamé. En particulier, les chefs, Juin, Guillaume, Monsabert exercèrent une répression sévère.

Rappelons-nous qu’à Naples en 44, tout, toutes et tous étaient à vendre : voir La peau de Malaparte. A Rome, les troupes françaises furent acclamées dans un délire de joie. Et comme l’a dit dans un documentaire, avec un fin sourire, le général Beaufre qui n’était pas un soudard : « Nous en avons bien profité ».

En Allemagne, il y eut également entre le franchissement du Rhin en mars 44 et peu après la capitulation allemande des vols, des actes de pillage et certainement des viols c’est-à-dire des coucheries non consenties, certaines autres étant d’ailleurs parfaitement consenties, et pas seulement de la part de tirailleurs et de goumiers mais aussi de Français métropolitains.

Mais affirmer qu’il y eut une volonté d’utiliser d’une manière délibérée tirailleurs et goumiers comme arme de terreur constitue une pure calomnie. A qui faire peur ? Aux unités de la Wehrmacht qui continuaient à combattre ? Elles en avaient vu d’autres.

A la population ? Mais celle-ci était plate comme une limande devant les arrivants ce qui avait marqué beaucoup de militaires Français qui avaient été des occupés pendant 4 ans.

Le cadre d’un continent européen d’une extrême violence

En Europe, en 1944- 1945, régnait un chaos fait de misère, d’horreurs et d’une extrême violence qui a constitué l’arrière-plan quotidien des opérations militaires.

Bornons nous à évoquer les centaines de milliers de viols, les migrations forcées et les massacres d’Europe de l’Est des Soviétiques.

Pour ce qui est de Britanniques, un seul nom : Dresde. Mais l’on peut également citer les bombardements inutiles de villes françaises comme le Havre ou Caen ainsi que les aveux extorqué par la torture aux prisonniers nazis.

Quant aux hypocrites Américains, ils ont pratiqué allègrement le massacre de prisonniers, la soûlographie et les viols, même en France. Chez nous, il s’était créé autour du Red ball Express, un négoce de matériels volés qui relevaient du pur gangstérisme. Il fallut qu’Eisenhower, lui-même, y mit un terme.

Une vengeance à l’égard des Allemands ?

Très certainement, il y eut chez beaucoup de Français un esprit de revanche, voire de vengeance bien compréhensible après 4 ans d’occupation.

Un pays ravagé, 600 000 morts. Une partie de la population réduite en esclavage en France ou en Allemagne par le STO.

Des persécutions politiques et raciales. Des millions de Français affamés.

Un pillage gigantesque (Voir Le festin du Reich de Fabrizio Calvi)

Des Allemands qui, à l’instant de leur départ, ont envoyé en chemin de fer des centaines de résistants emprisonnés vers les camps de déportation comme à Lille ou les ont massacrés comma à Saint Genis Laval en août 44.

Enfin, la découverte par nos unités au fil de notre avance du spectacle traumatisant de camps de travail et surtout de charniers au milieu desquels on trouvait des corps de nombreux Français, a exacerbé leur fureur.

En réalité, les exactions de troupiers de l’Armée française en 1945 ne représentent que des faits divers face à cette somme écrasante de crimes qui expliquent la haine française mais surtout européenne qui était, alors, vouée à leurs auteurs allemands.

Un phénomène dont il faut prendre la juste mesure

Tout d’abord, il faut souligner le rôle des Américains, dont certains n’ont eu de cesse de manifester leur arrogance à l’égard de la France et de l’Armée française de 43 à 45 et d’amplifier tout dérapage dont eux-mêmes étaient loin d’être exempts. Ce fut le cas lorsque les Français, sur ordre de de Lattre, s’emparèrent de Stuttgart et s’y maintinrent malgré les ordres. Là, comme ailleurs, les Américains lancèrent de graves accusations pour discréditer l’Armée et nous culpabiliser. Plus tard, Paxton a repris le même procédé, comme pour déstabiliser une France indocile.

La lecture du livre de J.C.Notin Les vaincus seront les vainqueurs est édifiante. Les exactions furent, au début, en nombre significatif. Elles résultèrent de l’esprit de revanche et surtout de l’euphorie de combats victorieux qui entraînèrent désordres et indiscipline. Sous l’impulsion du général du Lattre de Tassigny, rendu furieux car il avait des ambitions de séduction envers les Allemands, et de ses généraux, la répression fut sévère à l’égard des coupables dont certains furent fusillés et des officiers qui n’avaient pas été à la hauteur de leur tâche. Il en résulta une accalmie des dérives et une stabilisation de la situation.

Conclusion

En définitive, ces exactions, bien réelles, qui, en Allemagne, ne furent pas que le fait des tirailleurs et des goumiers, peuvent être relativisées tant du point de vue de leur nombre que de celui de la gravité réelle de beaucoup d’entre elles.

Elles ne constituent qu’un très modeste incident face au déferlement indicible de violences et de crimes qui s’abattit sur l’Europe en 44-45.

Le traitement de ces faits par les arrogants tartuffes anglo-saxons devrait conduire à leur rappeler la parabole de la paille et de la poutre.

Enfin, on ne peut que s’étonner après 4 années d’occupation, de famine, de persécutions de meurtres que cette revanche française ait été, en réalité, aussi bénigne. Il n’en fut pas de même avec les Russes plus à l’Est.

André Posokhow
12/02/2020

Source : Correspondance Polémia

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