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La hausse de l’immigration clandestine en Europe continue en 2022

La hausse de l’immigration clandestine en Europe continue en 2022

par | 21 janvier 2023 | Europe, Exclusivité Polémia, Société

Par S. Quintinius ♦ Les premières statistiques sur l’immigration clandestine en Europe en 2022 viennent d’être publiées. Elles confirment la tendance observée depuis 2020 à l’augmentation continue des flux à destination des pays de l’Union européenne. La réponse tant de Frontex, des pays d’Europe de l’ouest que de la Commission européenne n’apparait absolument pas à la hauteur de ce phénomène qui prend une ampleur considérable. L’arrivée au gouvernement de nouvelles coalitions en Suède et en Italie amorce un changement de cap dans la politique migratoire de ces pays, qui se traduit déjà par une lutte accrue contre l’immigration clandestine.

Les limites du recensement de l’immigration clandestine

Il est important avant de présenter les chiffres retenus sur l’immigration clandestine d’en souligner les limites. Au cours de leur périple, les migrants clandestins cherchent à déjouer les contrôles des autorités des pays qu’ils traversent ou qu’ils souhaitent gagner. Le recensement de leur nombre est donc par nature difficile à réaliser. Plusieurs sources permettent à tout le moins de connaitre les tendances en matière d’immigration clandestine à destination de l’Europe. Celles-ci ne prennent notamment pas en compte les ressortissants de pays tiers arrivés avec un titre de séjour dans un pays de l’U.E. et qui s’y maintiennent à son expiration.

Deux sources statistiques ont été retenues dans le présent article : le recensement des franchissements illégaux des frontières extérieures de l’espace Schengen réalisé par l’agence Frontex et celui du nombre des arrivées de migrants par la mer et par la terre réalisée par le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations Unies.

L’agence Frontex précise sur son site internet que le nombre de franchissements illégaux des frontières extérieures de l’U.E est calculé à partir « de données provenant des États membres (…). Une personne peut tenter de franchir la frontière de manière irrégulière plusieurs fois, soit au même endroit, soit à des endroits différents de la frontière extérieure de l’UE » (1).

Le H.C.R. des Nations Unies alimente également ses statistiques par des informations communiquées par les gouvernements des pays européens. L’institution prend le soin de préciser que les chiffres peuvent être « plus ou moins élevés » et que « les mises à jour d’informations ne doivent pas être considérées comme figées et sont susceptibles de changer » (2).

On peut retenir de ces avertissements que les chiffres disponibles sur l’immigration clandestine ne sont que la partie émergée de l’iceberg.

Les franchissements des frontières extérieures de l’espace Schengen

Le nombre de franchissements illégaux des frontières extérieures de l’espace Schengen détectés par l’agence Frontex explose depuis 2020. Alors qu’il n’était cette année-là « que » de 141 846, il atteignait 200 000 en 2021 et 330 000 en 2022 ! Frontex souligne qu’il s’agit du nombre le plus important depuis 2016, en augmentation de 45% par rapport à 2021 (3). Cette tendance est particulièrement marquée dans les Balkans occidentaux et dans la zone de méditerranée orientale. Les ressortissants de Syrie, d’Afghanistan et de Tunisie sont les plus représentés parmi les nationalités identifiées.

Les arrivées dans le sud de l’Europe par la mer et la terre

Dans le bassin méditerranéen, le recensement réalisé par le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations Unies fait apparaitre que le nombre des arrivées clandestines recensées en Espagne, en Italie et en Grèce continue d’augmenter depuis 2020. Il a atteint en 2022 155 025, ce qui est très supérieur aux années précédentes. En Italie, pays le plus concerné par ces arrivées clandestines, les Égyptiens, les Tunisiens et les Bangladais sont les plus représentés parmi les migrants.

Nombre d’arrivées par la mer et par la terre

  Espagne Italie Grèce Total
2020 41 861 34 154 15 696 91 711
2021 43 197 67 477 9 157 119 831
2022 31 763 104 484 18 778 155 025

Operational Data portal. UN HCR

Face à une immigration clandestine qui croit sans cesse, tant Frontex, la Commission européenne que de nombreux pays européens ne semblent manifestement pas avoir pris la mesure de la situation.

L’agence Frontex entravée

L’agence européenne Frontex pourrait avoir toute son utilité dans un espace Schengen doté de 7 700 kilomètres de frontière extérieure terrestre et 42 600 kilomètres de côtes. Mais le cadre juridique dans lequel elle doit évoluer est un véritable carcan qui obère son efficacité dans la lutte contre l’immigration clandestine. Le droit pour quiconque de demander l’asile prime sur le devoir d’être muni d’un titre de séjour en règle. Pour l’avoir ignoré, l’ancien directeur exécutif de l’agence, Patrice Leggeri, a été poussé vers la sortie en 2022 sous la pression de parlementaires européens, d’O.N.G. et de médias.

Immigration. Le directeur de Frontex jette l’éponge, les No Border jubilent

La nouvelle équipe de direction de Frontex n’a pas tardé à recruter des dizaines d’observateurs des droits fondamentaux supplémentaires, chargés de scruter les pratiques des garde-frontières et des garde-côtes de l’agence. Si la contradiction dans le mandat confié à Frontex reste entière – lutter contre l’immigration clandestine et en même temps, permettre aux clandestins demandant l’asile d’entrer dans l’espace Schengen – cela n’émeut pas sa nouvelle directrice : « le système actuel est un système qui fonctionne », a-t-elle déclaré sur la chaine de télévision Public sénat en novembre dernier (4). Chacun se fera son idée sur le bon fonctionnement de ce « système » au regard des chiffres de l’immigration clandestine en Europe en 2022…

Une Commission européenne tétanisée

Les contradictions ne concernent pas que Frontex. Un projet de nouveau pacte européen sur l’asile et la migration a été présenté par la Commission européenne aux pays membres de l’U.E. le 23 septembre 2020 (5). Actuellement en cours de négociation, ce pacte doit théoriquement permettre de s’adapter au nouveau contexte migratoire et démographique. Mais s’agissant du volet consacré à la lutte contre l’immigration clandestine, les avancées sont rares. On peut même parfois parler de marches arrières.

Des accords bilatéraux ont été conclus avec des pays d’Afrique du nord visant à empêcher les départs de migrants par la mer méditerranée. Ils donnent quelques résultats. Les garde-côtes libyens revendiquent avoir intercepté près de 23 000 migrants en 2022 (6). De janvier à fin octobre 2022, près de 30 000 candidats au départ auraient été interceptés par les autorités tunisiennes (7). Tant la Commission européenne que le nouveau gouvernement italien veulent que davantage de départs clandestins des côtes africaines soient empêchés. Mais si les embarcations des passeurs ne sont pas interceptées par les forces de l’ordre dans les eaux territoriales libyennes, tunisiennes ou marocaines, leur refoulement à l’arrivée en Europe, qu’avait pratiqué Matteo Salvini en 2019 s’agissant des O.N.G., est un tabou persistant.

Une autre timide avancée est le plan d’action destiné à lutter contre l’immigration clandestine sur la route de plus en plus fréquentée des Balkans occidentaux. Présenté début décembre 2022 par la Commission européenne, il prévoit le déploiement de 500 agents de Frontex, la dotation d’équipements de surveillance des frontières, l’harmonisation de la politique de visas dans les pays de cette zone géographique et…l’amélioration des capacités d’accueil des demandeurs d’asile (8). Mais l’impression générale est qu’il s’agit d’une nouvelle rustine bien dérisoire au regard des frontières extérieures de l’U.E. qui prennent l’eau de toute part.

Le nouveau pacte européen sur l’asile et la migration ne remettra absolument pas en cause les fondamentaux qui permettent à l’immigration clandestine d’atteindre son ampleur actuelle en Europe. Les négociations patinent, envenimée par la situation migratoire et les intérêts divergents des pays. Ainsi, l’objectif affiché fin 2021 de créer un cadre institutionnel permettant de lutter efficacement contre l’instrumentalisation de l’immigration clandestine par des pays hostiles s’est heurté en fin d’année 2022 à une absence de consensus lors d’une réunion du Conseil de l’U.E. (9).

Toujours plus d’immigration à prévoir pendant le 2e quinquennat Macron

Une fois de plus, les pays européens partent en ordre dispersé. L’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et très certainement bientôt la France, favorisent l’appel d’air en procédant à des vagues massives de régularisation de clandestins employés dans les métiers dits « en tension ». D’autres, comme la Grèce, la Pologne ou la Hongrie, s’affranchissent des règles communautaires et des conventions internationales pour mener une politique ferme de respect de leurs frontières. Les autorités hongroise ont ainsi annoncé avoir refoulé près de 270 000 clandestins en 2022, soit plus du double qu’en 2021 (10). Mais elles le font en s’exposant aux foudres de la Commission européenne. La Hongrie a été condamné en décembre 2020 par la Cour de justice de l’U.E. pour violation des règles communautaires en matière d’asile et de circulation. Dans la foulée, la Commission européenne a engagé une procédure d’infraction visant à infliger une sanction financière au gouvernement hongrois (11).

La Suède vient de prendre la présidence du Conseil de l’Union européenne, qu’elle occupera jusqu’en juin 2023. Le gouvernement suédois est tributaire pour rester au pouvoir du soutien du parti Les Démocrates suédois, favorable à une politique migratoire résolument restrictive. Il devra en tenir compte dans ses propositions aux pays membres de l’U.E.

Dans un document de présentation de sa feuille de route à la présidence du Conseil de l’U.E., le gouvernement suédois souligne la nécessité de rendre plus effective la coopération avec les pays tiers en matière migratoire, en particulier pour la gestion des retours de leurs ressortissants clandestins (12). Mais avant d’envisager les retours, n’est-ce pas les départs illégaux qu’il faut éviter ? En dépit d’une nouvelle loi sur les sauvetages en mer, la difficulté du gouvernement italien à freiner le nombre des débarquements sur son sol des bateaux des O.N.G. montre toutes les limites des demi-mesures en la matière.

S. Quintinius
21/01/2023

 

(1) https://frontex.europa.eu/about-frontex/faq/situation-at-external-border/#:~:text=How%20does%20Frontex%20count%20the,States%20of%20the%20European%20Union.
(2) https://data.unhcr.org/en/documents/details/55964
(3) cf. (1)
(4) https://www.publicsenat.fr/article/societe/frontex-fait-face-a-une-pression-migratoire-croissante-qui-concerne-l-ensemble-des
(5) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52020DC0609
(6) https://libyaobserver.ly/inbrief/libyan-coast-guard-intercepted-23000-migrants-mediterranean-2022
(7) https://www.infomigrants.net/fr/post/46238/les-dangereuses-interceptions-des-gardecotes-tunisiens-denoncees-par-alarm-phone
(8) https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_7447
(9) https://commission.europa.eu/system/files/2021-11/communication_instrumentalisation_migrants.pdf , https://www.vuesdeurope.eu/reglement-sur-linstrumentalisation-les-inquietudes-subsistent-malgre-labsence-de-compromis/
(10) https://abouthungary.hu/news-in-brief/illegal-border-entry-attempts-more-than-double-in-a-year
(11) https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_21_5801
(12) https://swedish-presidency.consilium.europa.eu/media/nlihve0l/the-swedish-presidency-programme.pdf

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