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La « désobéissance civile » violente cautionnée par la justice administrative ?

La « désobéissance civile » violente cautionnée par la justice administrative ?

Par Eric Delcroix, juriste, essayiste et écrivain, auteur de Droit, conscience et sentiments ♦ La République ne parvient pas à se départir de sa détestable propension à donner des leçons de morale au monde entier. Catherine Colonna, notre ministresse des Affaires étrangères, vient ainsi de protester contre la dissolution du Centre Sakharov de Moscou, certainement regrettable comme le fut celle de Mémorial (qui se vouait à la recherche historique sur le Goulag). Mais de quoi madame Colonna, ès qualité, se mêle-t-elle et surtout qu’est-ce qui lui permet de se présenter en parangon de la Liberté ?

Poutine agit certes en Soviétique impénitent, mais au moins n’a-t-il pas protesté, que l’on sache, contre la dissolution du mouvement français Génération identitaire (2021) et il ne se préoccupera certainement pas davantage de celle annoncée de Civitas, que couvre pourtant notre ministresse en tant que membre du gouvernement. Gouvernement qui, de plus, se trouve empêtré dans l’affaire de la dissolution du collectif Soulèvements de la terre…

Vers un statut de la « désobéissance civile »

À cet égard, l’observation des récentes décisions des juges administratifs peuvent laisser pantois les lecteurs. En effet, si les militants de Génération identitaire agissaient symboliquement et sans violence ni casse, il n’en va pas de même pour le mouvement millénariste[i] (c’est-à-dire qui prétend nous sauver de la fin du monde !) Soulèvements de la terre.

En effet, dissous par décret du 21 juin 2023, cette mouvance a obtenu du juge des référés du Conseil d’État la suspension (dans l’attente d’une décision au fond), le 11 août, de ce décret, en esquissant une jurisprudence ahurissante, puisque reconnaissant un statut de légitimité à la subversion. En effet, on lit ceci dans l’exposé des motifs de cette décision :

S’agissant des violences alléguées à l’égard des biens, il ressort … que les actions promues par les Soulèvements de la Terre ayant conduit à des atteintes à des biens se sont inscrites dans les prises de position de ce collectif en faveur d’initiatives de désobéissance civile et de « désarmement » de dispositifs portant atteinte à l’environnement, dont il revendique le caractère symbolique, et ont été en nombre limité. (…) les actions reprochées au collectif ne peuvent être pas qualifiées de provocation à des agissements troublant gravement gravement l’ordre public …

Les agriculteurs de Sainte Solines aux cultures saccagées, comme les gendarmes blessés là-bas le 25 mars pour empêcher la destruction de leur réservoir agricole (de simples « biens ») devront s’y faire ! Les militants de Génération identitaire, qui pourtant ne recherchaient pas les « violences », pas même à l’encontre « des biens », faute d’être dans la mode millénariste, ne pouvaient pas se faire reconnaître comme légitimes à la « désobéissance civile ». La défense du climat est légitime, aussi permet-elle tout ; la défense du peuple français contre le grand remplacement est peccamineuse et justifie donc censures et interdictions.

Du droit ? Non de la morale qui, au nom d’une vérité métaphysique pauvre (la Vérité), prétend distinguer le Bien du Mal. Les tristes heures de l’Inquisition sont peut-être aussi devant nous, feu Milan Kundera nous avait mis en garde sur le retour des terreurs du passé, dans une vision cyclique de l’histoire qu’il évoquait[ii]

Gouvernement, affaires Intérieurs et Affaires étrangères

Le décret a été signé par le président de la République, en conseil des ministres, à l’initiative du Gouvernement et sur rapport de Gérald Darmanin. Ce gouvernement ne voit les atteintes aux libertés que là-bas et ailleurs, alors que Macron est tout de même le champion de telles dissolutions, devant De Gaulle (une trentaine en six ans). Mais ces politiciens finiront bien par donner raison à la subversion contre laquelle ils n’ont, il est vrai, aucune doctrine ou volonté certaine à opposer.

Mais, ici et maintenant, on s’y fera, puisque les lieux communs sur le climat sont partagés sans débat par le pouvoir et les Soulèvements de la Terre. L’absence de débat sur ce sujet réduit malheureusement la question à l’état de superstition commune couverte par l’autorité lustrale des Nations-Unies. Au gouvernement comme au Conseil d’État, nul ne disconvient que la fin du monde menace (car c’est de cela dont il s’agit dans les esprits enfiévrés de la classe politico-médiatique) , alors on en vient à la « désobéissance civile ». Au gouvernement, on ne sait que faire, à l’Élysée « en même temps » non plus. Mais, ça s’arrangera, le Conseil d’État donne des pistes, c’est même son rôle !

Pour nous autres qui ne sommes pas chiliastes (nom historique des millénaristes des grandes terreurs chrétiennes), nous n’aurons pas droit à cette « désobéissance civile », question de mobile et donc de partialité institutionnelle : tous les droits pour les bien-pensants ainsi sanctifiés, aucun pour les mal-pensants voués à la malédiction. Saint-Just l’avait déjà dit : « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Ce ne sont pas les actes qui comptent, mais les intentions comme l’annonçait George Orwell…

Il est vrai que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 prévoit dans son article 2 le droit à la « résistance à l’oppression », laquelle n’est opérationnelle que si on est du côté du plus fort. Alors le droit c’est la force ? Peut-être… mais c’est alors donner raison à l’héritier de l’URSS contre qui on prétend fulminer !

Jadis, au Quai d’Orsay, on était tout en finesse. Ça s’appelait la diplomatie…

Éric Delcroix
01/09/2023

[i]       Voyez du même auteur « Climat. La grande peur de l’an deux mille », mis en ligne sur Polémia, le 14 septembre 2022.
[ii]      Voyez son avant propos de l’Insupportable légèreté de l’être.

Éric Delcroix

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