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Selon Goldman Sachs, la crise économique est improbable. Analyse d’Olivier Piacentini

Selon Goldman Sachs, la crise économique est improbable. Analyse d’Olivier Piacentini

par | 16 septembre 2019 | Économie, Exclusivité Polémia

Par Olivier Piacentini, essayiste ♦ Dans une récente interview pour le journal Les Échos, David Solomon, nouveau patron de Goldman Sachs, annonce qu’il ne craint pas de crise financière pour au moins un an et demi à venir. Et insiste surtout sur les tensions politiques en Europe (comprendre Brexit et populismes) et la guerre commerciale Chine/US comme facteurs de ralentissement de la croissance mondiale. Si risque de récession il y a, cette fois, les banques sont innocentes, ce sont les populistes les coupables. Olivier Piacentini revient sur cette position pour le moins contestable.


Un endettement gigantesque

Le monde n’a jamais été aussi endetté, avec 225 % de taux d’endettement général par rapport au PIB.
L’excès de dettes multiplie les risques de faillites bancaires, et d’ailleurs plusieurs grandes banques (Deutsche Bank, Monte Paschi…) sont au bord de la faillite, avec des actifs surévalués figurant dans leur bilan sous forme de créances irrécouvrables. L’émission de liquidités par les banques centrales (avec, entre autres, la politique de quantitative easing de la BCE, initiée en 2014 par Mario Draghi) soutient artificiellement la croissance depuis des années, et désamorce la spéculation qui s’abattrait sur les dettes souveraines française, italienne ou espagnole sans cela.
Les taux d’intérêt historiquement bas devraient susciter, en plus de tout cela, un sursaut de la croissance, mais on ne voit rien venir. Notre croissance européenne s’enlise encore d’avantage, alors qu’elle est soutenue à bout de bras.

Comme l’histoire l’a toujours démontré, cette pléthore de liquidités qui inondent les marchés et gonflent les actifs des banques finira infailliblement par créer des bulles, aujourd’hui d’ailleurs largement identifiées (immobilier en général, et en particulier chinois, marché de l’art, actions, etc.). Et lorsque ces bulles éclatent, c’est le monde de la finance dans son ensemble qui vacille sur ses bases.
Les théories de Solomon ne tiennent pas la route à moyen terme. Même Mme Christine Lagarde le dit : un ouragan se prépare, on ne sait exactement quand il s’abattra sur le monde, mais la situation générale de l’économie, noyée sous des capitaux issus d’un excès de création monétaire et d’endettement, qui alimentent une spéculation échevelée, rend cette hypothèse quasi inévitable. Et la hausse spectaculaire du cours de l’or, valeur refuge s’il en est, devrait mettre la puce à l’oreille de nos commentateurs officiels, qui n’y voient qu’un réflexe nourri par un vague sentiment de crainte.

La fiabilité et l’honnêteté de Goldman Sachs

Mais peut-on faire confiance à Goldman Sachs quand son PDG nous dit de ne pas nous inquiéter ?
Ce sont les banques privées qui évidemment, poussent à l’endettement, poussent aussi les banques centrales au maintien d’une politique de quantitative easing qui crée de la liquidité artificielle, qui finit par être retraitée par elles-mêmes.
Cette politique de la BCE devait à l’origine s’étaler sur 18 mois, jusqu’en 2016, le temps que les principales nations concernées engagent les réformes nécessaires au retour de la confiance. On sait ce qu’il advint, et l’exception s’installe depuis dans la durée. Pour le plus grand bonheur de Goldman Sachs, dont il faut le rappeler, Mario Draghi fut l’un des plus éminents collaborateurs.
Comme Monti, ou encore Barroso, embauché lui dès son départ de Bruxelles : la banque sait infiltrer les hautes sphères du pouvoir. La Grèce, et les autres pays occidentaux d’ailleurs, avaient fait confiance à Goldman Sachs il y a quelques années. On a vu avec quel cynisme elle avait remercié les états de l’avoir sauvée de la faillite : à peine renflouée grâce au contribuable américain en 2010, elle spécula en attaquant les dettes souveraines des états. Or cette dette avait augmenté considérablement depuis 2007 essentiellement pour remettre à flot un monde de la finance naufragé !
En Grèce, elle n’hésita pas à révéler les manipulations comptables du gouvernement Caramanlis, pour spéculer sur la dette du pays, manipulations qu’elle avait elle-même suggéré quelques années auparavant dans le cadre d’une mission d’audit !

Quand Goldman Sachs nous dit de dormir tranquille, il y aurait tout lieu de rester aux aguets, tant ses intérêts divergent des nôtres. Et tant sa rapacité de vautour, sa capacité à s’abattre sur des économies en perdition, s’est déjà avérée dans le passé. Jusqu’à trahir ses clients, les états qui en plus ont contribué à son sauvetage.

Les Echos manquent de curiosité

Et peut-on, d’ailleurs, faire confiance au journal Les Échos, qui semble prendre les propos de David Salomon pour argent comptant, et en fait sa « une », comme s’ils étaient parole d’évangile ?
À titre indicatif, vous retrouverez facilement, sur Internet, un article de ce journal, en date du 27 juillet 2007. Son titre ? « Le méga-krach n’aura pas lieu ».
On devrait savoir, aujourd’hui, quel crédit on peut accorder aux prévisions de ce « journal économique de référence », et qui l’est resté, malgré de telles erreurs d’appréciation…

« Les Echos » sont la propriété du groupe LVMH, mastodonte dont les intérêts sont largement imbriquée dans ceux du monde de la finance. Pour qui sait lire entre les lignes, et connait le langage subtil des banquiers de haut vol, l’interview de Solomon a valeur de plaidoyer « ante crimen » : la finance se serait débarrassée de ses vieux démons, remise aux normes de l’orthodoxie la plus stricte.
Si, par extraordinaire, crise il devait y avoir, allez plutôt la chercher du côté des populistes qui s’attaquent au libre-échange.
Et d’ailleurs, beaucoup de commentateurs officiels de plateaux télé insistent sur le risque que la guerre commerciale menée par Trump fait peser sur l’économie mondiale.

Vers une nouvelle crise financière ? La revue de presse de Radio Courtoisie

Trump, coupable idéal

Mais creusons un peu la chose, au-delà de ce que l’on nous assène quotidiennement. La fameuse guerre commerciale, ce sont 500 milliards de dollars d’importations chinoises taxées par Washington, à raison de 10 %. Et quelques dizaines de milliards de dollars de produits américains taxés par la Chine en représailles.
Cela peut paraître énorme, mais qu’est- ce que cela pèse au vu de l’endettement mondial, qui s’élève lui à 185 000 milliards de dollars ? Le surendettement est à lui seul estimé par les spécialistes à 20 000 milliards de dollars, au bas mot. L’activité financière mondiale est estimée à 6 500 milliards de dollars.
Selon l’avis de spécialistes, comme Luigi Zingales, de l’université de Chicago, Timothy Taylor, du « Journal of economic perspectives », ou Stephen Cecchetti de la Banque des règlements Internationaux de Bale, elle serait surévaluée d’environ 1 500 milliards de dollars au vu des besoins de l’économie réelle.

Au vu des chiffres, c’est évidemment à ce niveau que se situe le risque majeur pour l’économie mondiale, et la guerre commerciale comme le Brexit ne servent, dans la bouche de Solomon, et des commentateurs bien en cour, que de bouc-émissaires pour endosser avant l’heure la responsabilité d’un désastre attendu.

Olivier Piacentini
16/09/2019

Source : Correspondance Polémia

Crédit photo : Domaine public

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