Les journalistes Emmanuel Rechberg et Wandrille de Guerpel proposent un livre, Le vrai coût du progressisme. Associations, médias, ONG, institutions, enquête sur un gouffre financier (Éditions L’Artilleur, 298 pages, 22 euros), dans lequel ils s’intéressent aux milliards d’euros dépensés en faveur de la promotion des idées « progressistes » qui « n’ont cessé depuis quarante ans de gagner du terrain dans les sphères dirigeantes et médiatiques françaises ». Cet ouvrage fait écho au récent colloque de Polémia consacré aux dépenses nuisibles qui creusent les déficit publics et l’endettement de notre pays.
L’État comme les entreprises…
En 1981, l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République a marqué la victoire d’une gauche politique acquise aux idées « progressistes ». Depuis lors, l’activisme « des écologistes radicaux, des antiracistes, des wokistes, des adeptes de la théorie du genre, d’une partie des black blocs et d’autres groupuscules anarchistes » ont contribué à les répandre dans toutes les sphères de la société.
« L’État a été profondément atteint par ce virus », de même que de nombreuses entreprises du CAC 40. Le label RSE (responsabilité sociétale des entreprises), qui atteste de leurs engagements vis-à-vis des enjeux sociaux et environnementaux, leur permet notamment de bénéficier de subventions ou d’une commande de l’État.
Les auteurs rappellent que « ce sont les grands patrons français qui ont œuvré dans les années 1960 pour faire venir en France une main-d’œuvre immigrée », au moment où « les industriels japonais investissaient dans leur appareil productif pour se contenter de leurs nationaux. »
Des euros par milliards
L’idéologie progressiste est puissamment financée par des fonds publics. Une pléthore d’associations bénéficient de subventions et d’une défiscalisation des dons privés qui leur permettent de payer des lobbyistes et des activistes.
« Certaines organisations sont devenues spécialistes de la récupération de subventions. Les plus puissantes – comme France Terre d’Asile ou SOS Racisme – ont bataillé pour obtenir que leurs idées deviennent le cadre général. »
Parasitisme, clientélisme… Haro sur les dépenses nuisibles !
Entre 2010 et 2018 [Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron régnant successivement à l’Élysée], SOS Racisme a reçu 4,6 millions des ministères, après avoir antérieurement signé une convention reconductible avec le garde des Sceaux Rachida Dati pour développer des « modules d’enseignement spécifiques » destinés à la formation des élèves magistrats et greffiers. L’association a également signé des conventions avec les ministères de l’Éducation nationale, du Logement, de la Politique de la ville, de la Jeunesse, du Sport, de la Culture, du Droit des femmes, de l’Enseignement supérieur et de l’Intérieur, ainsi qu’avec des collectivités et des opérateurs de l’État tels que l’Agence des territoires, des universités, etc.
De son côté, France Terre d’Asile « a reçu près d’un demi-milliard d’euros de l’État entre 2015 et 2020 ».
Par ailleurs, « il existe plus de quatre-vingt associations en France pour défendre les droits des LGBT. La plupart d’entre elles sont des coquilles vides, hébergées dans le centre LGBT du 63 rue Beaubourg à Paris ». En 2023, la ville de Paris a décidé d’ouvrir un second centre, deux fois plus grand, pour les migrants homosexuels et les transsexuels.
En 2020, les grandes et moyennes villes de gauche octroyaient environ un milliard d’euros aux associations, dont près de 60 % allaient à l’ensemble animation, culture et social, féru de discours progressistes.
En trente ans, « le total des aides cumulées du CNC [le Centre national du cinéma, qui compte 54 commissions !] représente l’équivalent de 7,5 milliards d’euros », une somme qui ne constitue que la partie immergée de l’iceberg selon la Cour des comptes.
Du côté des banlieues, entre 2004 et 2024, plus de 80 milliards d’euros ont été dépensés au titre de la politique de la ville « sans régler le problème ». « Une minorité de gens continuent de pourrir la vie d’autres gens, et une masse grandissante refuse l’assimilation. »
Les auteurs passent également en revue des organismes qui coûtent cher aux contribuables mais dont l’utilité réelle leur paraît très discutable : le Défenseur des droits, la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), l’Arcom, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), le Haut Conseil à l’égalité etc., tout en observant que « chaque gouvernement de droite a endossé les mesures de gauche » en cette matière…
L’ingérence américaine
Dans un rapport rédigé en 2003, les États-Unis ont théorisé la manière d’« intégrer des ONG dans leur appareil d’ingérence dans les pays étrangers ». Ces structures supranationales « agissent comme des “proxys” ou des intermédiaires pour la diffusion de la propagande américaine ».
« Au moins une dizaine [de fondations américaines dont « la porosité avec l’État fédéral est à peine dissimulée »] sont présentes en France. Elles sont tellement actives que plus personne ne les voit. »
De façon opportune, ces fondations peuvent participer au financement d’un mouvement contestataire comme Black Lives Matter ou se spécialiser dans la défense de la cause animale.
Aux États-Unis, la fondation Ford [qui n’appartient plus à la famille du fondateur Henry Ford] a financé en 2016 Black Lives Matter « à hauteur de 100 millions de dollars sur six ans, en partenariat avec des organisations de la galaxie de Georges Soros », avant d’ajouter 180 millions quatre ans plus tard. En France, la fondation Ford soutient, entre autres, SOS Racisme, France Terre d’Asile et le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN).
La direction de l’Atlantic Council, une puissante structure américaine réunissant des politiciens, des hauts fonctionnaires, des banquiers et des hommes d’affaires américains, « s’intéresse à la France ». « Pour eux, les Français sont une brique essentielle pour bâtir une Europe déconstruite et peuplée de migrants, car alors elle sera faible et totalement à la solde de Washington. » Rama Yade, qui a été ministre durant la présidence Sarkozy, dirige le pôle Afrique de ce conseil.
Le haut niveau qualitatif du soft power américain à l’œuvre dans notre pays est sans commune mesure avec l’influence russe en France. Cette dernière fait pourtant l’objet de nombreuses enquêtes journalistiques, ce qui fait dire au géopolitologue Pascal Boniface « que l’hostilité massive des médias français envers Poutine manifeste un défaut dans sa politique d’influence ».
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Pendant que le hard power états-uniens instrumentalise sans états d’âme la pègre et les milices bandéristes en Ukraine, tout en s’accommodant du nouveau régime islamiste en Syrie, son soft power s’appuie résolument sur l’idéologie progressiste, comme l’illustrent Emmanuel Rechberg et Wandrille de Guerpel dans leur livre.
De son côté, la Russie s’affiche comme un pôle majeur du respect des valeurs traditionnelles, en opposition déclarée à un Occident jugé décadent. Selon Vladimir poutine, qui parodie la formule de Lénine sur le gauchisme, « le wokisme est une maladie infantile de la modernité ».
Les tenants du progressisme ont alors beau jeu d’amalgamer les conservateurs à des partisans de la politique étrangère russe, ce qui fait sourire quand on considère les positions des électeurs de Donald Trump sur ce sujet.
Il sera intéressant d’observer si, sous la présidence Trump, le soft power américain infléchit son soutien à l’idéologie progressiste ou si ce qu’on appelle « l’État profond » demeure suffisamment autonome pour en pérenniser la diffusion au sein des nations européennes.
Johan Hardoy
13/01/2025
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