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Vers une nouvelle crise financière ? La revue de presse de Radio Courtoisie

Vers une nouvelle crise financière ? La revue de presse de Radio Courtoisie

par | 10 juin 2019 | Europe, Géopolitique, Société

Par Michel Leblay et Laurent Artur du Plessis ♦ La revue de presse du Libre journal de Dominique Paoli sur Radio Courtoisie du 10 juin 2019 portera sur les questions économiques et financières et quelques conséquences de celles-ci.


Les crises financières sont récurrentes

La précédente revue de presse du 13 mai 2019 était consacrée à l’éventualité d’une crise financière. Les crises sont récurrentes dans l’histoire dans des espaces de temps très variables. Néanmoins, la révolution industrielle et l’un de ses corollaires, le développement des mouvements de capitaux ont conduit à une extension substantielle du nombre de ces crises. Cependant, toutes, loin s’en faut, n’ont pas les mêmes ampleurs et les mêmes conséquences. Outre ses conséquences politiques, la crise de 1929 s’est traduite par une évolution majeure du système dit capitaliste non seulement parce qu’elle conduira à la mise en place d’organes de régulation monétaire mais surtout parce qu’elle a représenté dans l’histoire de la révolution industrielle une rupture qui prélude à un changement de paradigme économique où se profile le basculement dans la société de consommation et l’apogée des Trente glorieuses.

Deux autres crises, par la suite, ont occupé une place majeure : la décision américaine du 15 août 1971 de suspendre la conversion du dollar en or et la crise de 2007-2008. Beaucoup a été écrit sur cette dernière mais le recul n’est pas encore suffisant pour en mesurer toutes les conséquences.

Depuis lors, la croissance quasi exponentielle des liquidités internationales dues à la montée des dettes publiques et aux politiques monétaires permissives des banques centrales sans compter les problèmes propres à la zone euro interpellent sur l’éventualité d’une nouvelle crise financière et sa dimension.

Vers une nouvelle crise financière ?

Dans un entretien publié sur le site Figarovox, le 7 juin 2019, Patrick Artus argumente sur la possibilité d’une nouvelle crise financière, ces prochaines années. L’article, riche d’informations, n’aborde pas la question de l’euro.

A cet égard, deux articles publiés sur le site Les Crises.fr suscitent un intérêt particulier. L’un de Jean Luc Baslé, du 28 mai 2019, Pour en finir avec l’euro, dresse un bilan peu prometteur pour l’avenir après vingt ans de fonctionnement de la monnaie unique. En écho, si l’on peut dire, toujours sur les Crises.fr, Jacques Sapir analyse la décision des autorités italiennes de créer des Bons Ordinaires du Trésor qui pourraient constituer une forme de monnaie parallèle à l’euro.

Les périls économiques encourus par certains pays membres de la zone euro, plus particulièrement la Grèce et l’Italie, les incitent à se tourner vers des apporteurs de capitaux, investisseurs dans leur économie. La Chine et son projet eurasiatique ne peut que saisir les occasions possibles. Il s’agit là, pour celle-ci de l’un des moyens de pénétration économique. Plus largement, vis-à-vis des pays membres de l’Union européenne avec lesquels elle privilégie la relation bilatérale, la Chine représente un investisseur, source de croissance économique. A cet égard, le deuxième forum de l’Initiative de la Ceinture et de la Route (Nouvelle route de la soie), tenue à Pékin du 25 au 27 avril 2019 n’est pas sans enseignement.

Les éventuels facteurs d’une nouvelle crise financière

Dans l’article de Figarovox du 7 juin 2019, Patrick Artus : « Une nouvelle crise financière est possible dans les prochaines années », l’économiste observe que : Une crise financière est certainement possible dans les prochaines années puisque la taille de la finance continue à augmenter (si on ajoute actions, obligations et crédits, on parvient à 400 000 milliards de dollars pour la taille de la finance). Les facteurs d’une éventuelle crise doivent alors être considérés en fonction de la masse de capitaux qu’ils représentent et de leur évolution depuis la crise de 2008.

Trois facteurs sont ainsi isolés :

  • la dette privée des pays de l’OCDE
    Celle-ci a reculé depuis la crise de 2008, ainsi que la taille du crédit bancaire dans ces pays ;
  • les dettes intérieures et extérieures des pays émergents autres que la Chine qui ont progressé ;
  • la dette intérieure de la Chine et la dette publique des pays de l’OCDE ont énormément progressé.

S’agissant des pays émergents, Patrik Artus remarque que cette crise existe depuis 25 ans. Ces pays subissent une alternance continuelle de période où ils attirent des capitaux étrangers et des périodes où ces capitaux se retirent, ce qui conduit à des oscillations totalement déstabilisantes des taux de change et des taux d’intérêt de ces pays.

En fait, la menace la plus grave tient aux dettes publiques des pays de l’OCDE s’il y avait un retour de l’inflation. La hausse de celle-ci conduirait à une augmentation des taux d’intérêt qui aboutirait à une crise de solvabilité budgétaire des pays ayant des dettes publiques élevées (États-Unis, Royaume-Uni, France, Italie, Espagne, Japon…).

En revanche, La dette de la Chine est en réalité peu inquiétante, car elle est la contrepartie de l’énorme épargne des chinois.

Dans son entretien publié à l’occasion de la parution de son dernier essai Discipliner la finance aux éditions Odile Jacob, Patrick Artus avance une constatation particulièrement intéressante qu’il appelle la « déglobalisation » de l’économie réelle au sens où nous assisterions de la part des entreprises à un mouvement inverse à la tendance qui prévalait jusqu’à maintenant. Les chaînes de valeur globales, mondiales (la production est éclatée entre tous les pays de la planète) régresseraient au bénéfice des chaînes de valeur régionales. Il s’agirait alors d’une première forme de retour à des processus de production plus locaux même s’ils s’inscrivent en l’occurrence dans des ensembles régionaux.

La situation de l’euro

Au regard d’un contexte qui demeure préoccupant, deux articles méritent donc d’être relevés publiés sur le site Les Crises.fr, respectivement le 28 mai 2019 et le 1er juin 2019. Le premier a pour auteur Jean-Luc Baslé, ancien directeur de Citygroup New-York (Pour en finir avec l’euro) ; le second est de Jacques Sapir (L’Italie va-t-elle entamer en toute discrétion le processus de sortie de l’Euro ?).

Jean-Luc Baslé présente une analyse très complète portant à la fois sur l’historique de l’euro, un état économique des principaux pays membres, les mesures prises par Mario Draghi pour enrayer une crise possible, les critiques émises par le FMI et les options offertes à l’Allemagne face aux déséquilibres présents.

Techniquement, à travers la notion de soldes Target, l’auteur met en exergue la base du fonctionnement de la monnaie unique. Celle-ci ne repose pas sur une banque centrale unique comme en Angleterre ou au Japon, voire la Réserve fédérale aux Etats-Unis avec ses caractéristiques propres, mais sur un Système européen de banques centrales auquel participe les banques centrales des vingt-huit pays membres de l’Union européenne dont celles des dix-neuf Etats de la zone euro. Pour ceux-ci, la BCE de Francfort pilote la politique monétaire propre à l’euro, l’exécution relevant de la responsabilité des banques centrales nationales. Pour l’exécution des flux numéraires quelle que soit leur nature, chaque transfert de fonds au sein des pays et entre les pays de la zone est effectué par les banques centrales nationales. Dans le second cas (transferts entre pays de la zone euro), les comptes des deux banques nationales concernés sont mouvementés au regard des opérations en débit et en crédit des banques commerciales de leur ressort. Ces opérations sont réalisées au moyen d’un système automatique interbancaire européen Target 2 (il existe de plus des systèmes de compensation dits nets qui se déversent dans celui-ci). Les opérations portent non seulement sur des biens et des services mais sur des transferts de capitaux. Ces transferts se font pour beaucoup d’entre eux au détriment des pays économiquement les plus fragiles de la zone. Il en résulte ce que l’auteur appelle des soldes Target. Ainsi, la Bundesbank disposait en février 2019 d’un solde créditeur de 878 milliards d’euros soit près du tiers du PIB allemand. En face, à cette date, parmi les principaux débiteurs figuraient l’Italie, 487 milliards d’euros et l’Espagne 399 milliards d’euros.

Jean-Luc Baslé remarque qu’au rythme d’accroissement actuel, le solde Target créditeur de l’Allemagne atteindrait 1000 milliards d’euros en mai 2020. Ce chiffre devrait provoquer une forte réaction négative de l’Allemagne. Il en conclut que l’avenir de l’euro est entre les mains de l’Allemagne.

Bien entendu, celle-ci se refuse, comme le souhaite Emmanuel Macron, à la création d’un véritable budget de la zone euro qui se traduirait par des transferts des pays du nord de l’Europe vers ceux du sud.

L’Allemagne pourrait décider de sortir de la zone euro. Sans parler de l’opposition des Etats-Unis, l’une des questions qui serait posée, majeure, porterait sur ses créances vis-à-vis des pays d’Europe du sud. Pour obliger ceux-ci à honorer leurs dettes, elle n’aurait d’autre recours que de germaniser leurs économies en imposant des mesures d’austérité et en s’appropriant leurs actifs industriels et immobiliers. Mais l’effet d’une telle politique serait catastrophique.

L’Allemagne se trouve donc confrontée à un dilemme. Elle ne peut ni quitter la zone euro, ni « germaniser » les économies de ses partenaires. Plus grave pour elle, son avenir est à l’est (Russie, Chine, Inde) ce qui la place dans une position conflictuelle avec les Etats-Unis dont elle est le pilier en Europe depuis 1945. Elle ne peut s’émanciper de cette tutelle sans provoquer une crise grave dans les relations transatlantiques.

Pour Jean-Luc Baslé, l’euro est un projet économique au service d’une cause politique : l’Union européenne. C’est sa première faiblesse. Et il constate qu’une monnaie suit la constitution d’une nation, elle ne la précède pas.

L’Italie et l’euro

Troisième puissance économique de l’Union européenne et de la zone euro, l’Italie se trouve dans une situation économique difficile (voir L’inquiétante dérive des comptes publics italiens – Le Monde 23 mai 2019). Le déficit public qui devrait atteindre 2,5% du PIB en 2019 serait de 3,5% du PIB en 2020 avec un taux de croissance faible (0,1% en 2019 et 0,7% en 2020). L’endettement public prévisionnel égal à 133,7% du PIB en 2019 atteindrait 135,2% en 2020. L’Italie pourrait donc être visée par une procédure de déficit excessif, engagée par la Commission européenne.

Dans ces conditions l’information commentée par Jacques Sapir dans son article du 1er juin sur le site Les Crises.fr L’Italie va-t-elle entamer en toute discrétion le processus de sortie de l’Euro ? s’avère particulièrement importante.

En vertu d’une motion votée à l’unanimité par le parlement italien, le gouvernement serait autorisé à créer des Bons Ordinaire du Trésor de faible montant nominal (dits « Mini-BoTs»). Dans un premier temps, ces bons pourraient être utilisés par les entreprises pour régler leurs arriérés d’impôts. Mais par la suite, selon les dispositions que pourraient prendre les autorités italiennes, il est envisageable, qu’au moyen de ces bons, des entreprises puissent régler leurs dettes vis-à-vis d’autres entreprises. Un processus de circulation des bons entre acteurs économiques serait alors engagé, prémisse d’une monnaie parallèle à l’euro au sein de l’Italie.

Et la chine ?

Du 25 au 27 avril derniers, les autorités chinoises ont tenu à Pékin le deuxième forum de l’Initiative de la Ceinture et de la Route. Plusieurs articles de presse y ont été consacrés. L’un des plus complets relatant l’événement est celui publié le 4 juin 2019 sur le site Les Crises.fr, La Chine accueille le deuxième forum de l’Initiative de la Ceinture et de la Route par Peter Symonds (traduction d’un article publié le 1er mai 2019 sur World Socialist Web Site). Il met en exergue la volonté d’expansion économique de la Chine en recherche de débouchés pour ses produits, l’Europe étant un objectif essentiel.

Les difficultés économiques des pays de l’Europe du sud au sein de la zone euro amènent certains d’entre eux à se tourner vers les investisseurs chinois. Il faut donc remarquer la présence des premiers ministres d’Italie (premier pays du G7 à s’être joint au projet de Nouvelle route de la soie), de Grèce, du Portugal. Mais il y avait aussi Sles dirigeants de l’Autriche et de la Hongrie, pays en position économique favorable mais ne négligeant pas l’apport chinois. Il faut observer que l’Empire du milieu investit aussi en Bulgarie, en Roumanie et dans les Balkans.

S’agissant de la Grèce, il faut souligner l’importance pour la Chine d’avoir obtenu la concession du port du Pirée (la cession d’actifs publics par la Grèce est liée à la crise financière qu’elle traverse au sein de la zone euro). En effet comme l’écrit l’auteur de l’article, parmi les projets clés de l’Initiative qui sont accélérés, figure   celui du port pakistanais de Gwadar, point de départ du corridor économique Chine-Pakistan vers le sud-ouest de la Chine et le port grec du Pirée, que la Chine considère comme une tête de pont clé pour l’Europe.

Par ailleurs L’autre grand projet est le China Railway Express – un réseau de chemins de fer reliant Londres à la ville chinoise de Chongqing et devant être emprunté par plus de 14.000 trains de marchandises par semaine. Ces liaisons d’infrastructure devraient permettre de réduire les coûts, mais du point de vue de la Chine, cela lui permettra également d’éviter de dépendre trop fortement du transport maritime à travers le détroit de Malacca, qui pourrait être bloqué par la marine américaine en temps de guerre.

Les Etats-Unis étaient absents du Forum. Pour l’Europe, il se pose la question des relations avec ces derniers au regard de celles qui s’établissent économiquement avec la Chine. C’est l’objet d’un article paru sur le site Atlantico, le 8 juin, Europe – Etats-Unis : vers la fracture de l’Occident face à la Chine ? Michael Lambert y écrit : Il y a de manière générale une déconnexion qui est en train de se réaliser entre les Etats-Unis et l’Europe, en partie à cause de l’économie. La Chine est en train de prendre le dessus. Il y a donc plus d’intérêts à coopérer avec la Chine économiquement.

Certes la relation avec les Etats-Unis soulève bien des difficultés, l’affaire Alstom, entre autres, en témoigne. Pour autant, le rapport qui s’établit avec une puissance comme la Chine doit être vu dans son ensemble et il ne saurait se réduire à la seule relation commerciale. Privilégiant les relations bilatérales avec les Etats européens, la Chine place l’Europe en situation de faiblesse. Si l’Union européenne veut avoir au moins une utilité, c’est bien celle de défendre l’intérêt du continent en étant conscient des risques, à terme, d’assujettissement.

Michel Leblay et Laurent Artur du Plessis
10/06/2019

Source : Correspondance Polémia

Crédit photo : Domaine public

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