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Des dirigeants hongrois mettent en garde contre « la terreur du politiquement correct »

Des dirigeants hongrois mettent en garde contre « la terreur du politiquement correct »

par | 13 octobre 2015 | Europe, Géopolitique

Boris Kálnoky, correspondant à Budapest pour Die Welt.

♦ Celui qui fait fi de la volonté des électeurs et accueille sans limite des réfugiés verra bien ce qui lui en coûtera, avertissent des proches de Viktor Orbán. Ils prédisent aux partis analogues à la CDU l’échec aux prochaines élections.


Le président du Parlement de Hongrie, László Kövér, est un politicien chevronné. Il dit ce qu’il veut, et même le premier ministre Viktor Orbán ne peut le retenir. Ce dernier aurait dit de Kövér : «  Laissez-le faire, de toute façon nul ne peut l’arrêter. » Les deux hommes se côtoient depuis l’université.

Kövér a une opinion claire des politiciens conservateurs européens : ce sont tous des lâches, qui n’osent pas représenter les intérêts et opinions de leurs électeurs, parce qu’ils ont une peur panique de passer pour politiquement incorrects. Et Kövér parle même ici de « terreur du politiquement correct ». Celui qui s’incline devant cette terreur prend le risque de perdre ses électeurs.

D’autres membres du parti au pouvoir Fidesz sonnent également volontiers le tocsin. Que l’on s’entretienne aujourd’hui avec l’un ou avec l’autre, tous, à commencer par le premier ministre Viktor Orbán, mettent en garde contre une approche trop libérale de la crise des réfugiés.

Dans le détail, voici, exposé par Gergely Gulyás, vice-président de la fraction Fidesz, le parti au pouvoir d’Orbán, ce qui agite les Hongrois. Gulyás pense que la crise actuelle pourrait entraîner la « disparition du politiquement correct » en Europe. Peut-être même de certaines élites politiciennes qui feignent de décider au nom des électeurs. Selon Gulyás, celles-ci auraient soutenu pendant des décennies et sur de très nombreux sujets des positions différentes de celles de la majorité de leurs concitoyens. Cependant, le rejet de cette caste par la population n’a conduit qu’à la passivité et à une baisse de la participation aux élections. Cette relation de passivité insatisfaite a fonctionné en partie, parce que le pouvoir politique a continué à assurer le versement de prestations sociales et une certaine sécurité économique.

« Tout cela a fonctionné, aussi longtemps que les gens n’ont pas eu à ressentir directement les conséquences de cette politique », pense Gulyás. Aujourd’hui, la crise des réfugiés est une question si décisive pour le destin [des peuples], et les mauvaises décisions des élites politiques sont si directement sensibles dans leur vie quotidienne, que les gens ne peuvent supporter plus longtemps une politique avec laquelle ils ne sont absolument pas d’accord.

Selon Gulyás – et il partage en cela l’opinion du gouvernement hongrois – de nouveaux partis vont accéder au pouvoir, précisément dans ces pays où les vieux partis populaires auront fait fi de la volonté de la majorité sur la question des réfugiés. Si les vieux partis voulaient empêcher cela, ils devraient fortement modifier leur politique pour la rendre conforme à la volonté des électeurs. Les sondages trahissent ce que veut le peuple : pas d’immigration de masse incontrôlée.

L’approche selon laquelle il suffirait de mieux expliquer la politique pour que les électeurs la suivent ne provoque à Budapest que des hochements de tête sceptiques : « Les électeurs ne sont pas idiots. » Il ne faut pas les « emmener » mais « aller avec eux ».

Les gens du Fidesz se croient du bon côté de l’Histoire sur la question des réfugiés et voient les partis européens de gouvernement, qu’ils appellent volontiers « partis mainstream », dans une impasse. « Nous croyons que nous avons raison, et que l’avenir le démontrera », dit Gulyás. Pour cette raison, la Hongrie continuera à se battre contre tout système de quotas de répartition des réfugiés. Un tel procédé est inadapté, attirera plus de réfugiés et, fondamentalement, ne peut pas fonctionner, selon lui. Ainsi, les réfugiés dirigés vers la Roumanie se mettraient, sans attendre, en route vers l’Allemagne. Mais l’argument le plus important pour la Hongrie reste que la majorité des électeurs refusent résolument une base de répartition fixe.

Il se dit que la Hongrie est en train d’examiner la possibilité de porter plainte contre la règle des quotas […]. Actuellement, seule la Slovaquie veut ester en justice contre la décision de l’UE. Le petit pays s’est élevé de façon particulièrement véhémente contre l’accueil de réfugiés supplémentaires, singulièrement ceux de confession musulmane.

La Pologne fait figure d’exception – jusqu’ici.

A Budapest, on regarde avec attention en direction de la Pologne. On y votera le 25 octobre prochain ; dans les sondages, le parti de droite nationaliste PiS [Droit & Justice] est en tête. Sa victoire permettrait la reconstitution de l’Alliance de Visegrád (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) sur la politique des réfugiés. Récemment, la Pologne s’était écartée de la ligne commune et avait approuvé à Bruxelles les quotas de répartition.

En Autriche, le FPÖ, parti de droite populiste, progresse fortement. Bientôt, le parti pourrait bouleverser les rapports de forces et contraindre les vieux partis à prendre des positions plus dures. Le chef du FPÖ, Strache, reconnaît lui-même être un fan d’Orbán. Le gouvernement hongrois suit avec intérêt les froissements et craquements qui, brusquement, parcourent également l’Allemagne : CSU contre CDU, maires CDU contre leur propre parti, gain de popularité de l’AfD. Pour le vice-président de la fraction Fidesz, Gulyás, on arrive à ces confrontations parce qu’il n’y a plus d’accord entre les électeurs et les décisions du gouvernement fédéral.

Dans le même temps, toute cette situation est un dilemme pour Budapest : l’on se sent lié à la chancelière Angela Merkel, malgré toutes les tensions, et l’on ne veut en réalité pas lui nuire. Mais son obstination sur la solution des quotas incite manifestement Orbán à l’attaquer. L’apparition remarquée de ce dernier au côté du patron de la CSU, Horst Seehofer, n’a d’autre but, sans doute possible, que d’aggraver les tensions entre CSU et CDU.

Boris Kálnoky
8/10/2015

Source : Die Welt, 8/10/2015
http://www.welt.de/politik/ausland/article147392280/Ungarn-warnen-vor-Terror-der-politischen-Korrektheit.html

Titre original :
Ungarn warnen vor “Terror der politischen Korrektheit”

Traduction : F.S.

Correspondance Polémia – 13/10/2015

Image : à propos de la « crise des migrants » : le premier ministre de la Hongrie, Viktor Orbán, met en garde l’Europe contre les conséquences politiques de l’accueil offert aux réfugiés.

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