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Les conséquences possibles de la crise du Coronavirus

Les conséquences possibles de la crise du Coronavirus

Par Michel Leblay, patron d’émission sur Radio Courtoisie ♦ La France, comme l’ensemble de la planète, subit une épreuve encore inimaginable il y a quelques semaines. Apparue en Chine à la fin de l’année 2019 et s’y étant développée, l’épidémie dite du Covid-19 s’est rapidement diffusée à travers les continents. Si l’Europe a paru la région la plus affectée, au vu des dernières évolutions la situation des États-Unis pourrait devenir critique ; quant à l’Afrique, si elle est gagnée par la maladie, aucune prévision n’est encore possible.


Trois quarts de siècle après la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors que les fléaux collectifs avaient disparu du continent européen, laissant penser que tout était possible face à la nature, nos peuples se retrouvent confrontés à une adversité vis-à-vis de laquelle ils n’ont aucune maîtrise. Certes, heureusement, nous sommes pour l’instant loin des hécatombes que provoquaient les épidémies passées, peste, choléra, jusqu’à la grippe espagnole de 1918-1919. Il n’empêche que le bilan des morts progresse quotidiennement, là et ailleurs en Europe, particulièrement en Italie. Il est bien évident que l’affichage médiatique permanent, qui ne saurait se concevoir autrement dans notre monde présent, donne au phénomène, au-delà de la détresse humaine des malades et de leurs proches, une ampleur qui accapare l’esprit de chacun. Ceci dans une ambiance de mesures de confinement de la population tout à fait nécessaire, assorties de toutes les recommandations d’hygiène sanitaire qui bouleversent le rapport à l’autre.

Aujourd’hui, telle la vague déferlante du raz de marée, l’épidémie s’abat sur la population, emportant des vies et étouffant le tissu économique du pays. Cette comparaison a cependant ses limites puisque l’État dans ses structures politiques et administratives continue à agir, le système de santé qui assure la ligne de défense face au péril sanitaire fonctionne au maximum de son potentiel et les services collectifs comme les activités marchandes nécessaires à la vie de la population répondent aux besoins.

Ce drame aura un bilan :

  • humain, celui des morts, de ceux dont la santé aura été altérée provisoirement ou plus longuement, mais aussi ce qui résultera des effets psychologiques et sociaux du confinement ;
  • économique, en affectant de manière substantielle les conditions d’existence matérielle d’une part probablement importante de la population.

Ce bilan aura des conséquences politiques, bien sûr, mais il pourra affecter aussi, compte tenu de l’ampleur qu’il aura prise, la mentalité de la population.

Les premières leçons de l’épidémie de Coronavirus, par Jean-Yves Le Gallou

L’épidémie et sa gestion

Son apparition et sa propagation en Europe

L’épidémie est apparue en décembre 2019 dans la ville de Wuhan, capitale de la province chinoise du Hubei. Elle aurait pour origine la contamination de l’homme par des animaux (le pangolin, lui-même contaminé par la chauve-souris) au marché de Huanan, district de la ville de Wuhan, où l’insalubrité est totale. Les autorités chinoises ont tardé à réagir ce qui a permis la propagation du virus. Du fait de l’intensité des échanges entre la Chine et le reste du monde, le virus s’est propagé rapidement en Europe. Il atteint les États-Unis, bien sûr, mais aussi l’Afrique. Dans un article publié sur le site Les-Crises, [RussEurope-en-Exil] « Le coronavirus, la crise et “l’effet Blanche-Neige” », Jacques Sapir remarque que, s’agissant de l’Italie et de l’Allemagne, ce sont les régions économiquement les plus développées qui sont les plus touchées par l’épidémie, où les échanges avec la Chine étaient les plus importants. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il faille attribuer à la mondialisation des échanges, la diffusion de l’épidémie mais certainement la rapidité de celle-ci, inévitable au vu des transports modernes.

En Italie, le premier cas est décelé à Rome le 31 janvier 2020 – il s’agit d’un touriste chinois – puis 16 nouveaux cas sont constatés en Lombardie le 21 février (selon une publication de médecins italiens – Le Monde, 26 mars 2020, « Le COVID-19 en Italie dès le 1er janvier 2020 » –, l’épidémie serait apparue en Italie au début du mois de janvier). L’épidémie ne cessera alors de s’étendre, le nord de l’Italie se trouvant dans une situation sanitaire catastrophique. L’Italie selon les dernières informations s’approche des 10 000 morts. En Espagne, plus de 5 000 décès ont été déjà enregistrés.

La France face à l’épidémie

En France, les trois premiers cas sont apparus le 24 janvier ; il s’agissait en l’occurrence de Chinois passés par Wuhan. Le 31 janvier débutèrent des rapatriements de Français séjournant en Chine par le transport aérien militaire. Si les avions atterrissaient à la base d’Istres, l’escadron de transport auquel étaient rattachés les appareils avait pour base Creil dans l’Oise où un homme y travaillant fut déclaré contaminé le 27 février.

À partir de la fin du mois de février, l’épidémie s’est diffusée, deux zones géographiques étant particulièrement touchées, l’Oise et la région de Mulhouse.

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Alors que la maladie s’étendait, que les références ne manquaient pas – la Chine et surtout l’Italie qui jouxte notre pays –, ce n’est que le 12 mars au soir que le président de la République annonça les premières mesures de prévention au niveau national. En l’espace de 96 heures, trois discours se succédèrent, deux du président, un du Premier ministre, pour aboutir le 17 mars au confinement de la population. Entre-temps, s’est déroulé le premier tour des élections municipales, le dimanche 15 mars.

Dans un pays parmi les premiers du monde pour sa puissance économique et son niveau de développement, face à une situation dont l’évolution à l’étranger laissait prévoir depuis plusieurs semaines un risque particulièrement élevé pour la population, le pouvoir politique a paru saisi par l’événement, le subissant. À cet égard, devant la gravité des faits, les propos du précédent ministre de la Santé, Mme Agnès Buzyn, publiés par Le Monde sont accablants : « Je pense que j’ai vu la première ce qui se passait en Chine : le 20 décembre, un blog anglophone détaillait des pneumopathies étranges. J’ai alerté le directeur général de la santé. Le 11 janvier, j’ai envoyé un message au président sur la situation. Le 30 janvier, j’ai averti Édouard Philippe que les élections ne pourraient sans doute pas se tenir. Je rongeais mon frein. » Accablants, certes, mais pas stupéfiants au regard d’un pouvoir qui n’a jamais su prendre la mesure des événements auxquels il était confronté et dont le premier souci était encore au mois de février de faire adopter une réforme du système de retraites aussi confuse que mal préparée.

Très vite, l’incurie du gouvernement a été mise en évidence par la pénurie de matériels de protection, s’agissant d’une maladie transmise par les voies respiratoires. Le personnel médical, le plus exposé à contracter la maladie, n’a pas disposé, pour beaucoup parmi lui, de masques de protection, distribués avec parcimonie. Pour le reste de la population, le discours tenu était que le port du masque était inutile, voire dangereux du fait de sa manipulation.

Dans les interpellations qui ne manqueront pas, la crise sanitaire passée, la question des masques pourrait prendre une dimension emblématique puisqu’elle met en cause des choix politiques de longue date. Comme l’indique un article publié par Le Monde le 24 mars 2020 (« Coronavirus : “La pénurie de masques, incompétence logistique de l’État français”. »), en 2009, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, face au risque d’une épidémie due au virus H1N1, avait décidé de stocker massivement des masques. La France disposait alors d’un stock de « 723 millions de masques FFP2, et de 1 milliard de masques chirurgicaux, stockés dans les plates-formes logistiques de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) ». En outre, Mme Bachelot avait commandé 94 millions de doses de vaccin, seules 6 millions furent utilisées. L’acquisition de ces doses avait fait l’objet en 2011 d’une observation de la Cour des comptes qui en soulignait le coût : 382,7 millions d’euros (Paris Match, le 25 septembre 2011, « La grippe H1N1 finit en coûteuse fumée » par Virginie Le Guay).

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Dans ce contexte de critiques à l’encontre du principe de précaution appliquée par Mme Bachelot et d’austérité budgétaire, le 16 mai 2013, sous l’égide du ministre de la Santé du moment et sur recommandation du secrétariat général de la défense et de la sûreté nationale (SGDSN), il est décidé de « transférer la responsabilité d’une partie du stock de masques aux employeurs. […] la décision est donc prise d’enlever à un organisme spécialisé (l’Eprus) la gestion centralisée d’un stock stratégique, et d’externaliser pour partie les stocks à des milliers d’acteurs », précise Le Monde. Si bien que la France ne détenait plus en ce domaine de stocks stratégiques. Pour sa défense, Mme Touraine affirme qu’entre 2012 et 2017, les stocks de masques chirurgicaux ont régulièrement augmenté. Il y aurait eu 730 millions de masques chirurgicaux en 2012 et 754 millions en 2016-2017. Où sont-ils passés en moins de trois ans, sachant que, dans le propos, il n’est nullement question des masques FFP2.

S’il s’est agi d’économies budgétaires, il faudrait comparer celles-ci aux budgets consacrés à la politique de la ville et à leur évolution. Ces masques ne constituent que l’une des failles parmi celles qui apparaîtront, et qui expliquent la situation présente.

Si la responsabilité première est celle du décideur politique, elle ne saurait occulter celle d’un certain journalisme médiatique prompt à jeter l’opprobre sur la femme ou l’homme politique. Ce journalisme médiatique y cherche une mise en valeur personnelle et contribue ainsi à la paralysie de l’action politique par la peur d’une désignation à la vindicte publique. C’est La Tyrannie médiatique, fort bien démontrée par Jean-Yves Le Gallou. Dans ce contexte d’épidémies et de carences constatées, l’entretien mené, le 31 mars 2010, par la journaliste Élise Lucet avec Roselyne Bachelot en est une parfaite illustration. Voici, rapportés par Valeurs actuelles, les propos qu’Élise Lucet lançait à la figure de son interlocutrice : « Mais le matin, quand vous vous regardez dans la glace, vous ne vous dites pas, je me suis un peu trompée ? » De tels propos diffusés par des médias à large audience concourent, du fait de leur influence, à la décision politique. À défaut d’être juridique, la part de responsabilité est morale.

Le choc économique

Sa nature

En premier lieu, il convient de définir la nature du choc économique subi. Il ne s’agit pas d’une crise financière où un brusque déséquilibre au sein de la sphère financière – marchés financiers, institutions bancaires – affecte par répercussion le domaine de la production physique qualifiée d’économie réelle. La comparaison avec la guerre n’est pas adéquate car, dans ce cas, la totalité des ressources économiques est mobilisée pour répondre aux besoins des armées et à ceux, essentiels, de la population.

Les mesures prises par le gouvernement pour endiguer l’épidémie frappent directement la production de biens et de services, restreignant l’offre globale. Cette action sur l’offre agit sur l’emploi quel que soit son statut. Même si l’effort d’indemnisation est élevé, la demande solvable en sera affectée, comme la capacité de remboursement des emprunteurs, touchant le crédit bancaire. C’est pour cette dernière raison que le président de la République a annoncé l’octroi de garanties par l’intermédiaire de la Banque publique d’investissement à hauteur de 300 milliards d’euros.

Les conséquences immédiates seront un recul de la production intérieure pour l’année 2020 et un fort déficit budgétaire du fait de l’action de la puissance publique pour tenter de circonscrire les effets de la crise.

Déficit budgétaire et politique monétaire de la Banque centrale européenne

Ce déficit budgétaire, qui pourrait être de l’ordre de 5 % selon certains experts, à condition que la durée du confinement ne dépasse pas six à huit semaines, devra être financé par l’emprunt. Compte tenu des besoins de financement considérables des pays de la zone euro, afin de circonscrire la hausse des taux d’intérêt, la Banque centrale européenne a d’abord décidé le 12 mars un achat de titres de 120 milliards d’euros. Le montant annoncé ayant été jugé totalement insuffisant, une opération complémentaire de 750 milliards d’euros a été décidée. Au total, compte tenu des 20 milliards mensuels déjà prévus, le montant des achats de la BCE sur le marché secondaire des obligations s’élèvera, pour les trois derniers trimestres de l’année, à 1 050 milliards d’euros. Il faut rappeler que ces achats sur le marché ont pour contrepartie une création monétaire. Par rapport aux opérations dites non conventionnelles décidées par Mario Draghi en 2015, qui contrevenaient aux règles initiales fondant la BCE, celle-ci, pour son nouveau programme, a décidé deux mesures d’assouplissement complémentaires : le montant des achats effectués de dettes des différents États de la zone ne sera plus limité pour chacun de ces États à leur proportion dans le capital de la BCE ; celle-ci a annoncé le 26 mars qu’elle supprimait la borne de 33 % par ligne d’émission d’obligations d’État pour ses rachats.

Les risques qui pèsent sur l’euro

Néanmoins, il n’existe encore aucune mutualisation des dettes ce qui limite la portée de l’euro comme monnaie unique et obère son avenir. Contrairement à ce que fut la Banque de France au temps du franc, unique institution monétaire centrale, la Banque centrale européenne est organisée en un système de banques centrales avec, à sa tête, la Banque centrale européenne de Francfort qui fixe les règles, et les banques centrales nationales responsables de l’exécution des opérations à l’intérieur de chaque État. Ceci est important à souligner quant à la mise en œuvre des interventions de la BCE sur le marché secondaire des titres d’État décidés par Mario Draghi. Les risques liés à ces achats qui se poursuivent à raison de 20 milliards d’euros par mois sont assumés à 80 % par les banques centrales nationales ; la BCE elle-même n’assure que 8 % des risques encourus ; les 12 % restants concernent le rachat de titres d’institutions de la zone euro déjà mutualisés. Pour le moment, aucune décision n’a été prise modifiant cette disposition essentielle. Il faut observer qu’aucune suite n’a encore été donnée à la demande de l’Italie d’une émission commune par les États de la zone euro de « coronabonds ». Au contraire, de vives tensions apparaissent au sein de la zone puisque le 26 mars au soir, le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, a rejeté le projet de propositions du Conseil des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne pour répondre aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Il a même « donné dix jours à l’Union pour apporter des solutions adéquates mais n’a pas précisé ce que ferait l’Italie si ses exigences n’étaient pas satisfaites » (dépêche Reuters du 26 mars 2020 à 20 h 32).

Pour compléter ces quelques recensements des risques qui pèsent sur la zone euro, liés à son fonctionnement et au fait qu’il ne s’agit pas d’une projection à un niveau supranational d’une monnaie nationale et ses caractéristiques, il est nécessaire d’évoquer les balances Target 2 au regard desquelles la situation présente est une autre menace pour la zone euro. Target 2 est le système de paiement brut (à l’inverse d’un système de compensation) entre les banques centrales de la zone qui permet le règlement d’un pays à l’autre de transactions entre des acteurs opérant au sein de la zone. Ainsi, l’ordre donné par un acteur A de la zone à sa banque au bénéfice d’un acteur B situé dans un autre État implique un premier mouvement sur le compte de l’acteur A dans sa banque, le compte de cette banque à la banque centrale de son État dont elle doit obligatoirement disposer sera mouvementé, puis le compte de cette banque centrale dans le système Target 2 au bénéfice du compte de la banque centrale du pays destinataire, laquelle mouvementera le compte de la banque de l’acteur B. Le problème tient aux déséquilibres qui se sont développés au sein de la zone euro après la crise financière de 2007-2008 et celle de la zone euro qui s’est ensuivie. Si bien qu’aujourd’hui le système Target 2 laisse apparaître d’importantes asymétries. Selon les dernières statistiques de la Banque centrale européenne pour le mois de janvier 2020, au sein de Target 2 l’Italie et l’Espagne avaient un déficit respectif de 383,2 milliards d’euros et de 390,3 milliards d’euros, la France enregistrait un déficit de 20,9 milliards d’euros. Au contraire, l’Allemagne avait un excédent de 811,4 milliards d’euros et le Luxembourg de 217,1 milliards d’euros. Il faut préciser que les déficits ne sont assortis d’aucune garantie.

Si ces explications sont techniques et, il est nécessaire d’en convenir, souvent rébarbatives pour le lecteur, il n’empêche que ces éléments sont à la source de risques majeurs avec leurs répercussions économiques, y compris sur la vie de chacun. Pour affronter le choc économique qui s’annonce, la France est liée par son engagement dans la zone euro, qui déterminera pour partie sa capacité de réaction.

À moyen et long terme

Dans la réflexion sur les conséquences économiques de l’épidémie de Covid-19, il paraît nécessaire de distinguer les effets immédiats, largement prévisibles, et ceux à moyen et long terme qui relèvent d’hypothèses. Certains économistes évoquent une décennie perdue, cela est possible. Pourtant, l’optimisme est permis. En premier lieu, il faut constater que, à la veille de l’épidémie, l’état des économies occidentales, vu globalement, n’était pas particulièrement brillant. En Europe, la croissance était souvent atone, avec un affaiblissement du taux de croissance de la productivité particulièrement inquiétant. Ainsi, pour la France en 2019, ce taux de croissance a été quasiment nul, la croissance du PIB tenant aux seuls emplois créés. Si la croissance de la production intérieure était sensiblement plus élevée aux États-Unis, les déficits étaient en revanche colossaux.

À moyen ou long terme, cette crise sanitaire, tragédie humaine, pourrait être économiquement une opportunité. Au niveau des États, degré macroéconomique, des réflexions ne manqueront pas et, il faut le souhaiter, des décisions seront prises pour que des productions à caractère stratégique pour la collectivité comme pour la vie de la population soient localement développées. Compte tenu des économies d’échelle, ces productions, s’appuyant sur des bases déjà existantes, pourraient être fondées sur des ensembles industriels européens.

Le niveau de décision microéconomique aura aussi une importance essentielle. Il apparaîtra à nombre d’entreprises, c’est déjà le cas, qu’elles sont dépendantes dans leur processus de production de fournisseurs géographiquement éloignés, susceptibles d’interrompre à tout moment leurs livraisons. Est ainsi en cause l’internationalisation des chaînes de valeur. Pour des produits qui entrent dans la composition du produit final issue du processus de production, des entreprises seront tentées de rechercher des fournisseurs plus rapprochés. En parallèle, des créateurs d’entreprises pourraient saisir l’occasion de développer des productions qui, pour être compétitives, reposeraient sur des usines à forte intensité capitalistique néanmoins créatrices d’emplois, à valeur ajoutée élevée pour certains d’entre eux. Globalement en matière d’emplois, l’effet serait positif. Cela suppose aussi un système éducatif performant. Il apparaît ainsi que l’idée de taxer les robots, formulée notamment par l’un des candidats à la dernière élection présidentielle, est un non-sens économique.

Certes, il est toujours contestable d’affirmer que l’histoire se reproduit, mais la France de 1945 aurait-elle pensé que dans la décennie suivante débuterait la plus forte période de croissance de son histoire, celle des Trente Glorieuses.

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Les conséquences politiques en France

Depuis l’automne 2018, Emmanuel Macron est confronté à une succession de crises. Après deux crises sociales, celle des Gilets jaunes et celle de la réforme du système de retraites, il est face à l’ébranlement le plus inattendu qui puisse être, une épidémie mondiale, phénomène qui paraissait ne plus appartenir qu’à l’histoire. Jusqu’à maintenant, Emmanuel Macron dont la base électorale, limitée au vu des résultats du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, ne s’est pas élargie, bénéficiait pour les perspectives électorales futures de la division de l’opposition et d’un manque de crédit de celle-ci. Cela n’empêchait pas de considérer sa réélection comme aléatoire. L’empilement d’une crise sanitaire ayant engendré un nombre de décès encore inconnu mais qui sera malheureusement élevé et d’une crise économique et sociale la plus importante depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale mettra à mal le président, son gouvernement et leur majorité parlementaire. Tout cela dans un environnement de commissions parlementaires et de procédures judiciaires multiples, où les failles, voire les fautes, seront égrenées au fil des jours avec l’amplification des médias audiovisuels toujours avides de fixer le téléspectateur devant l’écran. À ce jour, au sein des différentes oppositions parmi lesquelles le Rassemblement national occupe la première place avec une base électorale qui n’est pas très supérieure à celle du président, aucune personnalité ne dispose d’une dynamique suffisante. Pour autant, ceci n’offre aucune assurance à Emmanuel Macron sur son avenir électoral, compte tenu de la défiance pour les uns et du rejet pour les autres dont il est déjà l’objet et qui vont croître inévitablement. L’hypothèse d’un candidat de substitution pour défendre l’idéologie qu’il représente s’avère d’autant plus plausible, mais cela suffira-t-il ?

Au-delà des joutes partisanes qui reflètent un état de l’opinion, il faut s’interroger sur l’évolution de celle-ci et sa sociologie. Christophe Guilluy en France ou David Goodhart au Royaume-Uni ont analysé les fractures profondes qui traversent la société dans leurs pays respectifs. Jérôme Sainte-Marie, dans un essai de novembre 2019, distingue les deux blocs qui s’opposent, le bloc élitaire et le bloc populaire. Le mouvement des Gilets jaunes en fut une illustration, l’élite dirigeante fustigeant un mouvement incompréhensible pour elle et qu’elle considérait comme venu des perdants de la mondialisation. Était-il possible d’être plus méprisant lorsque nous connaissons la dévotion de cette élite, élite des métropoles, pour cette mondialisation.

Or aujourd’hui, si 17 % des habitants du Grand Paris, ont fui la capitale dans les heures et les minutes qui ont précédé les restrictions de circulation, c’est, pour beaucoup, cette France dite d’en bas qui permet aux activités essentielles à la vie de la population de fonctionner : personnels soignants, au péril de leur santé comme les membres des forces de l’ordre, personnels des centres commerciaux, les routiers qui assurent le ravitaillement… Quel pourra être demain le sentiment de cette France profonde qui a servi avec courage, pour certains avec abnégation ? Dans sa dernière livraison de mars 2020, Le Monde diplomatique offrait à ses lecteurs un article intitulé « Quand les grandes villes font sécession », au demeurant fort intéressant. Un tel titre, reflet d’un état d’esprit dans ces grandes villes, est-il pensable dans les années qui viennent ?

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Les possibles répercussions dans l’ordre international

À court terme, si l’épidémie devait prendre une grande ampleur aux États-Unis, voire évoluer vers une situation à l’italienne, la réélection de Donald Trump pourrait être très compromise.

Au-delà, la question porte sur les mutations qui pourraient intervenir par rapport aux positions présentes dans le jeu géopolitique mondial. Les puissances seront toutes affectées par un recul de leur production et des enchaînements qui s’ensuivront. Selon leurs caractéristiques, les réactions seront différentes et la crise plus ou moins profonde, les facteurs explicatifs, liés aux circonstances, ne sont pas à ce jour tous identifiables. La Chine, dont les réserves de change s’élevaient à plus de 3 000 milliards de dollars en janvier 2020, pourra-t-elle être le bénéficiaire de cette situation nouvelle ou devra-t-elle consacrer une partie de ses ressources au redressement d’une économie dont certaines failles seraient mises au jour ?

L’Europe pourrait être l’un des grands enjeux. La Chine y a développé des liens importants. L’Italie a adhéré au projet de nouvelles routes de la soie en mars 2019. L’empire du Milieu a créé aussi en 2012 avec seize pays d’Europe centrale et orientale, courant des pays Baltes à la Grèce, le format « 16 + 1 » qui se réunit annuellement et qui permet de développer les liens économiques. Il pourrait être un apporteur de capitaux pour les pays les plus demandeurs de prêts parmi lesquels figurera en bonne place l’Italie. Si l’Union européenne en tant qu’institution supranationale sortira probablement affaiblie de l’épreuve, dans l’intérêt de l’Europe, le tort des pays qui la composent serait pour certains d’entre eux, les plus riches, de refuser leur aide à ceux qui seront les plus en difficultés, la Chine pourrait en profiter.

Enfin, le moment présent, s’il est d’abord une tragédie humaine, ne doit pas pour autant amener à verser dans le pessimisme quant à l’avenir. Assurément, les mois qui viennent seront problématiques, une partie importante de la population sera affectée dans ses conditions de vie par le choc économique subi. Mais dans ce contexte où nous assistions depuis de nombreuses années à l’affaiblissement continuel de notre économie malgré les promesses électorales et les déclarations récurrentes des dirigeants politiques, rompant avec le conformisme de nouvelles voies pourraient s’ouvrir en réaction au traumatisme éprouvé. Des capacités nouvelles pourraient éclore, développant l’outil de production. Malgré les errements du gouvernement durant les semaines écoulées, nous assistons pour les produits indispensables aux soins des malades à une mobilisation très importantes des ressources productives, pour des masques comme pour des appareils respiratoires à forte valeur ajoutée. Ceci montre la dynamique potentielle.

Tout dépendra donc des Français et de ceux qui les dirigent, quel que soit le niveau où ils se situent.

Michel Leblay
03/04/2020

Source : Correspondance Polémia

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