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Complexe d’infériorité, revendication sur le Sahara… vers une guerre Algérie-Maroc ?

Complexe d’infériorité, revendication sur le Sahara… vers une guerre Algérie-Maroc ?

par | 14 novembre 2021 | Géopolitique

Complexe d’infériorité, revendication sur le Sahara… vers une guerre Algérie-Maroc ?

Par Pierre Boisguilbert ♦ La psychose de la guerre avec l’Algérie est permanente au Maroc. Mais ces dernières semaines, cela va bien au-delà de la psychose. Le Maroc se prépare à un incident monté et exploité par les Algériens, qui pourrait déboucher sur un conflit armé.

L’impasse algérienne

Pour les analystes marocains, le régime algérien dans l’impasse politique et dans la crise économique n’a qu’un moyen, au-delà de la culpabilisation des Français, de prolonger sa gérontocratie : unir son opinion contre le Maroc. Les évolutions récentes favorisent cette stratégie de l’aventure et de la fuite en avant. Le roi Mohammed VI a joué, pour les médias marocains, un coup diplomatique de maître en rejoignant les accords d’Abraham. Le rétablissement de rapports quasi normaux avec Israël a débouché sur une reconnaissance par la présidence Trump de la marocanité du Sahara ex-espagnol. Inacceptable pour Alger. Biden est resté sur la même ligne.

Le Sahara est l’Alsace-Lorraine du Maroc depuis le coup d’éclat de la marche verte du roi Hassan II. Pour l’Algérie, c’est une occupation postcoloniale. Ce conflit cristallise en fait l’affrontement, depuis l’indépendance de l’Algérie, entre les deux pays qui veulent chacun être le premier au Maghreb et le plus attractif pour le monde africain. Le Maroc, pendant des décennies sur la défensive à cause du Sahara – le pays a quitté un temps l’Organisation de l’union africaine –, ne cesse depuis quelques années de marquer des points face à un rival qui a perdu son aura révolutionnaire.

C’est vrai même dans la presse française, ce qui n’est pas peu dire quand on connaît la soumission de celle-ci au régime algérien et son hostilité de principe à tout ce qui est dynastique.

 

Un complexe d’infériorité

Si la menace algérienne est une psychose marocaine, le Maroc est une obsession algérienne. Cela est dû fondamentalement à un complexe historique d’infériorité.

Le Maroc est une nation historique incontestable dans une succession de dynasties.
Le Maroc n’a jamais été une colonie française ni divisé en départements français, mais a été un protectorat respecté dans sa foi et ses spécificités.
Le Maroc a été indépendant avant l’Algérie et a soutenu la cause indépendantiste algérienne.
Le Maroc a réussi mieux que l’Algérie sur le plan de la diversification économique. Le pays a toujours été et plus ouvert et plus libre, avec un tourisme important. La misère réelle y est plus douce.

Tout cela est insupportable au pouvoir algérien qui considère les Marocains comme de mauvais musulmans acceptant les vices des mécréants, de l’alcool à la prostitution. Pour Alger, la qualité de vie d’une classe moyenne marocaine est comme la preuve de l’échec de ses propres choix. Il faut donc punir les Marocains et surtout les humilier.

Une guerre perpétuelle ?

Il y a déjà eu de chaudes alertes. La guerre des Sables d’octobre 1963 est un conflit militaire opposant le Maroc et l’Algérie (aidée par l’Égypte et Cuba), peu après l’indépendance de celle-ci.
Après plusieurs mois d’incidents frontaliers, la guerre ouverte éclate dans la région algérienne de Tindouf et Hassi Beïda, puis s’étend à Figuig au Maroc. Les combats cessent le 5 novembre, et l’Organisation de l’unité africaine obtient un cessez-le-feu définitif le 20 février 1964, laissant la frontière inchangée.

Le Maroc n’a jamais accepté des frontières issues de la décolonisation et favorables à l’Algérie structurée en trois départements français, sans parler de l’immense Sahara ex-français, lui, et non espagnol, devenu, on ne sait pas trop pourquoi, algérien.
S’il y a un problème d’appartenance illégitime d’un Sahara à un pays du Maghreb, c’est bien celui-là. Mais qui en parle ?

Les Algériens, si friands de victimisation, ne parlent jamais de l’exode imposé aux Marocains d’Algérie. L’expulsion de 1975, appelée également la « Marche noire » par les expulsés marocains, a été lancée le 18 décembre 1975 par le président algérien Houari Boumédiène, afin d’expulser en 48 heures des dizaines de milliers de Marocains résidant en Algérie, parfois depuis plusieurs générations. La décision est intervenue en réaction à la Marche verte décrétée par Hassan II. C’est, depuis, la justification d’une haine fratricide qui ne s’arrête que lors de compétitions de football où l’un des deux pays est en lice contre des tiers.

Un nouveau conflit aux conséquences incertaines

Aujourd’hui, un conflit limité est possible. Cinquante-huit ans plus tard, la guerre des Sables qui mit aux prises l’Algérie et le Maroc en octobre 1963 risque-t-elle de reprendre ?

Les deux pays d’Afrique du Nord, qui achètent à eux deux la grande majorité (61 %) des importations d’armes en Afrique, s’affrontent à nouveau après la mort le 1er novembre de trois Algériens tués par un tir marocain contre un convoi routier au Sahara occidental.
Des deux côtés de la frontière, fermée depuis 1994, la question d’une reprise des hostilités est évoquée. Les Algériens sont persuadés que leurs forces terrestres sont supérieures à celles des Marocains.
Ces derniers ont des armes plus modernes et une armée en état de guerre au Sahara depuis des décennies.

Mais ce qui a changé, c’est le contexte international. Plus rien ne garantit un conflit limité.
Le Maroc peut compter sur les USA et éventuellement Israël et a les moyens de frapper fort les ports pétroliers et les infrastructures gazières algériennes. L’économie algérienne est très sensible aux frappes contrairement à celle du Maroc.
L’Algérie compte sur la Russie et peut-être la Turquie, notamment pour la livraison de missiles et de drones.

On sait comment un conflit régional peut déborder et se muer en conflit international délocalisé. Tout serait donc aussi possible qu’imprévisible. On voit les conséquences possibles sur les prix du pétrole et du gaz.

Quant à la France, une guerre serait pour elle catastrophique. Dans l’impossibilité politique de choisir son camp, elle n’aurait qu’à gérer les afflux de réfugiés venant des zones de combat. Déjà l’immigration algérienne clandestine a repris devant l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays. Une guerre avec le Maroc pourrait déclencher une nouvelle migration massive.

On ne sait qui gagnerait, mais on connaît déjà la victime collatérale : la France.

Pierre Boisguilbert
1311/2021

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