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Avec Emmanuel Macron, l’impôt absurde est mort, vive l’impôt (encore plus) absurde !

Avec Emmanuel Macron, l’impôt absurde est mort, vive l’impôt (encore plus) absurde !

par | 21 novembre 2017 | Économie

Par Emmanuel Mary, économiste ♦ Cet article, présenté ci-après, nous a été signalé par un contributeur/lecteur de Polémia : Jean-Maurice Parnet, International Business Advisor. Nous le remercions.


Tout a été dit sur la contribution de 3%, cet impôt sur les revenus distribués qui a vécu ses premières heures au début du quinquennat de François Hollande, et ses dernières au commencement de la présidence Macron. Soulignons simplement, car cela a été très peu rappelé, que son instauration visait certes à faire face dans l’urgence aux conséquences financières de la perte d’un contentieux communautaire (déjà), mais répondait aussi à une promesse électorale du candidat socialiste. « Une distinction sera faite entre les bénéfices réinvestis et ceux distribués aux actionnaires », annonçait ainsi le futur chef de l’État avant son élection. Et son successeur n’est autre que celui qui fut son principal conseiller économique, aussi bien pendant la campagne présidentielle de 2012 qu’à ses débuts à l’Élysée. Il fait donc évidemment partie, lui aussi, des acteurs clés de cette déplorable histoire.

Première absurdité

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Il y a même pire, puisque le gouvernement vient de décider dans la précipitation la création, absurde à de multiples égards, de deux nouvelles taxes directement assises sur l’IS… pour lui permettre de rembourser aux sociétés la contribution de 3% qu’elles ont indument payée depuis cinq ans. Première trace éclatante de l’ubuisme en marche ! On en dénombre au moins sept autres que voici :

Deuxième absurdité

On savait depuis le mois de juillet que le Conseil constitutionnel rendrait sa décision début octobre au plus tard et que le risque était grand que l’État se trouve condamné à verser aux entreprises une somme très importante dans la foulée de cette décision. C’est donc avec un immense étonnement que l’on apprit, lors de la présentation du PLF le 27 septembre, que le gouvernement n’avait provisionné à cet égard que 300 millions d’euros au titre de 2018. La moindre des prudences exigeait de prévoir une dépense bien supérieure et d’augmenter en conséquence les recettes fiscales (c’est d’ailleurs ce que Bercy proposait de faire initialement, comme l’ont relaté les articles de presse qui se sont intéressés au sujet durant l’été) ou, mieux, de diminuer les dépenses publiques. Mais il est vrai que d’un strict point de vue politique aucune de ces solutions n’était satisfaisante au vu des promesses de campagne de la nouvelle majorité…

Troisième absurdité

Puisqu’il va donc très rapidement manquer plus d’argent qu’escompté dans les caisses de l’État sur la base des prévisions budgétaires retenues dans le PLF 2018, et même énormément plus (une dizaine de milliards d’euros en comptant les intérêts de retard au taux de 4,80% par an), une première loi de finances rectificative contenant un seul article, s’ajoutant à la loi de finances pour 2018 et précédant une seconde loi de finances rectificative pour 2017, sera votée hardiment dans les prochains jours. Voilà qui n’est assurément pas banal, y compris au pays de l’instabilité fiscale et de la frénésie législative. Le but de cette loi « express » : récolter 5 milliards d’euros de recettes nouvelles dans les plus brefs délais.

Quatrième absurdité

Seules quelques entreprises « happy few » seront ainsi priées de passer à la caisse (ce que le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire appelle « faire preuve de civisme » de la part des intéressées), et pour ne pas accentuer l’image de « président des riches » dont le chef de l’État peine à se défaire, ce sont les plus grandes d’entre elles selon le chiffre d’affaires qui devront payer. Peu importe, à cet égard, qu’il en soit parmi elles dont les droits à restitution au titre de la contribution de 3% sont inférieurs aux nouvelles taxes qu’elles devront acquitter, voire théoriquement nuls (s’agissant de celles qui n’auraient pas distribué de dividendes depuis juin 2012 par exemple).

Cinquième absurdité

Dans la France jupitérienne, celle du « nouveau monde », le taux de l’IS pourra atteindre… 44,43% en 2017 du fait des nouvelles contributions, soit 20 points de plus que la moyenne européenne ! Pas sûr que l’image de notre pays en sorte grandie aux yeux des agents économiques du monde entier.

Sixième absurdité

Pour la même raison, loin d’être uniforme comme c’est le cas dans de très nombreux pays, le barème de l’IS 2017 verra le nombre de taux qui le composent passer de quatre à six (sans tenir compte des taux propres à certains produits immobiliers et de la propriété industrielle) : 15%, 28%, 33 1/3%, 34,43%, 39,43% et 44,43%. Certainement le record mondial, et en tout cas l’exact contraire de ce qu’il faut faire dans un pays se voulant « business friendly » et offrant par conséquent une fiscalité intelligible.

Septième absurdité

Ces nouvelles taxes décidées « à la va-vite » en toute fin d’année s’appliqueront aux exercices en cours et devront être versées en quasi-totalité par anticipation le 20 décembre prochain, soit avant même la fin de l’exercice. Les entreprises concernées ont donc un tout petit peu plus d’un mois pour se préparer. Et le message envoyé au monde est limpide : chez nous, l’IS à payer au titre d’un exercice peut fort bien excéder de 10 points celui que l’entreprise retient dans son budget au début de ce même exercice, voire déclencher un décaissement au cours de celui-ci très supérieur à ce qu’il est possible de prévoir à l’ouverture. Il s’agit là d’une façon très particulière – la « French Touch » en somme – de promouvoir l’attractivité de notre territoire national.

Huitième absurdité

Les entreprises redevables n’auront pas même le droit d’imputer leurs crédits d’impôt sur la nouvelle dette fiscale ainsi mise à leur charge. Voilà qui ne manque pas de surprendre (si tant est que l’on puisse encore s’étonner à ce stade), notamment pour ceux de ces crédits d’impôt qui trouvent leur fondement juridique dans les dispositions d’une convention internationale visant à éviter les doubles impositions.

Le moins que l’on puisse dire est que l’impression générale laissée par la création de ces nouvelles contributions est absolument désastreuse, et c’est finalement le principal reproche que l’on peut formuler à l’encontre du gouvernement d’Edouard Philippe dans cette affaire. Décidément, le « nouveau monde » promis par la majorité LREM peine à enchanter. Après avoir « pensé printemps » à la suite du candidat Macron, voici venir l’hiver.

Emmanuel Mary
13/11/2017

Source : IREF

L’IREF (Institut de recherches économiques et fiscales) est un « think tank » européen fondé en 2002 dans le but de développer la recherche indépendante sur des sujets économiques et fiscaux.

Correspondance Polémia – 19/11/2017

Crédit photo : © Adobe Stock / Polémia

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