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Sortir de l’euro… et le plus vite possible ! (2/2)

Sortir de l’euro… et le plus vite possible ! (2/2)

par | 11 mai 2014 | Europe

« Changer l’Europe »… Quand, le temps d’une campagne électorale, la priorité du moment est d’éviter que l’électeur ne vote mal, tout, ou presque, peut être osé par des représentants des partis du système en place depuis quelques décennies : même demander la sortie de Schengen, ou le rétablissement du protectionnisme. Il est pourtant une ligne rouge à ne pas franchir : demander la sortie de l’euro.
Pourtant, certes cela ne résoudrait pas tous les problèmes de la France, mais, en la remettant au plan monétaire sur un pied d’égalité avec l’immense majorité des nations de la planète, cela lui donnerait une chance de s’en sortir. Dans l’immédiat le problème de la dette serait désamorcé, et une dévaluation lui apporterait une extraordinairement précieuse bouffée d’oxygène.
De plus il ne tient qu’à la France de décider, seule s’il le faut, de retrouver sa souveraineté monétaire, et cela peut être fait du jour au lendemain.
Mais n’est-ce pas justement pour éviter qu’une majorité de Français n’en prennent réellement conscience que tout débat sur l’euro est interdit ?
C’est ce qu’explique J. d’Antraigues, polytechnicien et auteur de précédentes contributions à Polémia. Deuxième partie.

Deuxième partie : La sortie de l’euro

1. Mais qu’y aurait il donc à redouter d’une sortie de l’euro ?

Il ne pourrait y avoir que des problèmes de transition, vers une situation qui ne pourrait être que très supérieure, et qui serait simplement celle de l’immense majorité des autres pays de la planète.

D’ailleurs, personne n’osant plus aujourd’hui invoquer les bénéfices de l’euro, sa défense se réduit effectivement à nous asséner que de toute façon sortir de l’euro est impossible. Les pires catastrophes en résulteraient : mise de la France au ban des nations, hyperinflation, explosion de la dette, qui devrait être remboursée en monnaie forte, le franc n’étant plus qu’une monnaie de singe, etc…

Mais qu’en est il donc réellement ?

Tout d’abord, un point essentiel : il ne tient qu’à la France de décider de reprendre sa souveraineté monétaire, et elle n’a besoin de personne pour mener à bien cette opération.

Certes, l’UE dispose actuellement de prérogatives qui sont ordinairement celles de nations, mais elle n’en dispose que parce que ces dernières le veulent bien : les constitutions nationales se situent toujours au-dessus du Traité Fondateur de l’Union européenne (dit « Traité de Lisbonne »).

Cette supériorité des lois nationales sur les directives européennes a au demeurant été affirmée dans l’arrêt du 30 juin 2009 de la Cour de Karlsruhe, qui a stipulé que seuls les États nations restaient dépositaires de la légitimité démocratique.

Notons au passage que les grands médias ont alors présenté cet arrêt comme étant un feu vert donné par la Cour de Karlsruhe à l’acceptation par l’Allemagne du traité de Lisbonne en l’état, en occultant totalement ce qui précède qui, en définitive, revenait à dire que ce traité ne pouvait être que compatible avec la constitution allemande, puisque que les conséquences qui en seraient tirées devraient de toutes façon respecter cette dernière.

La démarche de la France a été différente : par la modification de la Constitution du 4 février 2008, elle a rendu constitutionnelle l’application du traité de Lisbonne (ce qui revenait à introduire dans la Constitution ce qui n’était pas constitutionnel, ou risquait de ne pas l’être.). Mais, là encore, c’est toujours la Constitution française qui prime, et de nouvelles modifications pourraient parfaitement annuler en tout ou partie les conséquences de celles du 4 février 2008. Notons en outre l’existence dans cette Constitution d’un article parfaitement adapté à la mise en œuvre dans le timing approprié d’une opération telle que la sortie de l’euro : son article 16, qui donne au président de la République des pouvoirs exceptionnels, notamment lorsque l’indépendance nationale est menacée (et il y a peu de doute que l’on soit effectivement dans ce cas).

Une autre démarche consisterait à sortir de l’UE, ce que permet son article 50 : la sortie de l’euro en résulterait de facto.

Au plan du droit international, la France est donc parfaitement en situation de revenir sur les dispositions qui font que sa monnaie est l’euro, ainsi que sur celles qui seraient de nature à compromettre le succès de sa sortie de l’euro (par exemple cette dernière impliquerait un contrôle temporaire des mouvements de capitaux, et le contrôle des mouvements de capitaux est pratiquement interdit par le traité de Lisbonne).

« Sortir de l’euro », cela signifie donc simplement que la France, qui avait décidé que sa monnaie nationale n’était plus le franc, mais l’euro, décide que ce n’est plus l’euro, mais à nouveau le franc, en fixant en même temps le taux de conversion de l’ancienne monnaie dans la nouvelle (le plus simple techniquement étant probablement 1€ = 1F).

Remplacer une monnaie par une autre est en soi une opération qui, comme on l’a vu, n’a rien d’exceptionnel, et il n’y a pas d’exemple où elle ait conduit à un échec. La France dispose toujours des institutions, moyens et compétences permettant de mener à bien une telle opération, en la conduisant de façon totalement isolée si elle le juge nécessaire.

Notons qu’il s’agit d’une action avant tout immatérielle, et ceci d’autant plus qu’aujourd’hui la monnaie est pour l’essentiel dématérialisée. A l’échelle nécessaire pour qu’il y ait réellement déstabilisation d’une nation, des mouvements de capitaux spéculatifs ne peuvent se faire que par le canal de jeux d’écriture effectués par des opérateurs bien identifiés, et qu’il est donc aisé de contrôler: nul besoin de verrouiller les frontières pour éviter qu’elles soient franchies par des valises de billets.

Il devrait y avoir ensuite une importante dévaluation du franc : c’est justement l’un des buts essentiels de la sortie de l’euro, dont personne ne conteste plus aujourd’hui qu’il s’agit d’une monnaie beaucoup trop forte pour la France.

Forte dévaluation ne signifie absolument pas forte inflation. En fait il n’y a guère que dans le cas des importations d’hydrocarbures que la répercussion est mécanique: pour le reste les mécanismes sont beaucoup plus complexes, et un certain nombre d’études donnent à penser qu’une dévaluation de 20% ne devrait entraîner dans le cas de la France, dans le contexte actuel, qu’une inflation d’environ 2%.

La Grande Bretagne, dont la structure des importations et la situation générale ne sont pas fondamentalement éloignées des nôtres, a dévalué de 30% fin 2008. Si cela a du jour au lendemain amélioré sa compétitivité de 30%, il n’en est résulté qu’un supplément d’inflation très modéré : 1 à 2% .

Notons que, inversement, lorsque l’euro, dans les premières années de son existence, est passé de 0,85 $ à 1,4$, il n’en est résulté aucune baisse du coût de la vie. (mais cela a alors mécaniquement fait s’effondrer d’autant la compétitivité de la France vis-à-vis de la plupart des pays de la planète).

Les dettes en euros résultant de contrat de droit français sont réputées être des dettes en monnaie nationale, et sont donc à rembourser en monnaie nationale, c’est-à-dire en francs. Tel est le cas de 97% de la dette publique française. Son montant nominal restera donc pratiquement inchangé.

La situation des créanciers de la France sera très voisine de celle des créanciers de la Grande Bretagne après sa dévaluation de 2008, les volumes des dettes étant en outre très proches, à la fois en montant et en pourcentage du PIB.

Il n’en est résulté nulle réaction de rétorsion ou de défiance vis-à-vis de la Grande Bretagne : même pas une augmentation du taux de ses emprunts, dont il faut noter qu’ils sont toujours restés très bas, très voisins de ceux de l’Allemagne, et inférieurs à ceux de la France. La raison en est toute simple : la Grande Bretagne ayant gardé sa souveraineté monétaire, le risque de défaut de sa part est structurellement nul. Personne ne s’inquiète actuellement de sa dette (voir Paul Krugman prix Nobel d’économie 2008 : Sortez nous de cette crise…maintenant, Flammarion 2012, ou encore lexpress.fr du 14/11/2011).

Le fait que la France reprenne sa souveraineté monétaire désamorcera littéralement le problème de sa dette publique. La possibilité retrouvée d’emprunter non seulement sur les marchés financiers, au taux du marché, mais aussi à la Banque de France, à taux nul ou très faible, permettra non seulement de la stabiliser, mais de la réduire progressivement en diminuant la charge des intérêts qui en résulte. Il n’y a strictement aucun effet inflationniste à redouter, ainsi que le montre à la fois une réflexion d’ensemble et, là encore, l’exemple de la Grande Bretagne.

Le taux d’épargne des Français étant élevé, la dette vis-à-vis des créanciers étrangers pourra en outre être progressivement remplacée par une dette vis-à-vis de résidents français, ce qui lui permettra de retrouver une totale indépendance politique (l’un des effets pervers de l’euro a été d’accroître le pourcentage de la dette détenu par des créanciers étrangers).

Dès lors que c’est la souveraineté nationale qui est en jeu, et c’est évidemment le cas en ce qui concerne une sortie de l’euro (et d’ailleurs plus généralement une décision de ne plus appliquer tout ou partie du traité de Lisbonne), le gouvernement doit s’assurer par référendum qu’il a l’accord de la population.

Remarquons que l’article 3 de la Constitution stipule que « la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants et par référendum ». Si cela donne bien aux représentants élus le droit « d’exercer » cette souveraineté, cela ne leur donne en aucune façon de droit de l’aliéner : sans aucune ambiguîté possible, seul le peuple a ce droit, et cela ne peut se faire que par référendum. L’introduction par voie parlementaire de la modification constitutionnelle introduisant le traité de Lisbonne a donc été une véritable forfaiture.

2. L’euro : le débat interdit

Dans un sondage du 17 septembre dernier, les Français ne sont que 35% à être favorable à une sortie de l’euro, contre 65% à ne pas le souhaiter.

Toutefois :

  • Si le traité de Maastricht, qui impliquait le passage à la monnaie unique, était aujourd’hui soumis à référendum, il serait rejeté par 67% des français.
  • 61% des Français (contre 24%) considèrent que la monnaie unique a dégradé la compétitivité de la France.
  • 45% des sondés (contre 23%) pensent que l’euro a été un handicap dans la crise actuelle.
  • 6 Français sur 10 rejettent le principe d’une politique budgétaire et économique commune. Cela signifie qu’ils rejettent en fait toute idée d’union politique, et cela est une condamnation définitive de l’euro, du moins si l’on considère que l’on doit rester dans un cadre démocratique.

C’est dire l’extrême fragilité de cette majorité en faveur de l’euro. D’où l’absolue nécessité d’éviter tout débat véritable, ce qui ne pourrait qu’amener les Français à être mieux informés, et à prendre pleinement conscience de tout ce qui précède.

Il est encore dans les mémoires que c’est du fait qu’un débat avait du être ouvert que, à l’occasion du référendum de 2005 sur la Constitution européenne, le oui est passé d’une très large majorité à une large minorité.

Il n’y a pas de débat politique : la totalité des appareils des organisations patronales et syndicales sont verrouillés, et il en est de même de ceux des partis politiques, à l’exception du Front National, de Debout la République, et de l’Union pour la République de François Asselineau.

Il suffit d’ignorer les deux derniers, qui ne présentent pas de réelle menace, et en ce qui concerne le Front National, par principe, on ne débat pas avec lui, et donc encore moins de ses propositions (« absurdes », « démagogiques », « irresponsables », « simplistes », « ce n’est même pas la peine de les critiquer puisque l’on sait très bien que cela ne marchera pas » , etc…)

Notons le rôle de parti leurre que joue le Front de Gauche, dont les critiques de l’euro sont extrêmement sévères – et souvent pertinentes – mais qui par principe (et il s’agit là d’ailleurs d’une caractéristique fondamentale de tous les partis d’extrême gauche) exclut toute solution nationale, c’est à dire toutes les solutions réellement susceptibles d’aboutir. Ses propositions sont donc en pratique d’une telle innocuité que lui donner un large écho dans les médias ne pose effectivement aucun problème.

Les seuls débats médiatisés sont évidemment ceux qui en aucune façon ne pourraient aboutir à la conclusion qu’il faut en revenir à des solutions nationales, un exercice obligé étant en outre la scénarisation d’oppositions droite-gauche.

Typiquement les débats du moment opposent :

  • ceux qui se félicitent ouvertement que l’UE ait été là pour imposer, par le Pacte budgétaire européen, que l’État français « cesse enfin de vivre au dessus de ses moyens » : c’est une position « de droite » (c’est d’ailleurs la position officielle de l’UMP, d’autant plus aisée à soutenir qu’il se trouve fort opportunément que l’État est aujourd’hui PS).
  • ceux qui voudraient que ce Pacte, qui implique une politique d’austérité, soit remplacé par une plus grande solidarité entre les membres de la zone euro (l’euro devant en outre être « plus social », etc. ). Cela implique évidemment des abandons de souveraineté supplémentaires (« le problème n’est pas qu’il y a trop d’Europe, mais qu’il n’y en a pas assez. », « l’Europe n’est pas le problème, c’est la solution », etc.). C’est une position « de gauche ».

3. Et la « construction européenne » ?

Si, en soi, une sortie de la France de l’euro ne serait qu’une opération technique d’une ampleur qui n’a en définitive rien d’exceptionnel, il est évident que son impact politique serait considérable.

Rappelons tout d’abord que l’adoption de la monnaie unique n’est pas du tout optionnelle : une fois réunies un certain nombre de conditions de convergence (les célèbres « critères de Maastricht »), elle est impérative pour tout membre de l’UE, à moins que le contraire n’ait été explicitement mentionné dans le traité qu’il a signé (pour les premiers membres, le traité de Maastricht, puis le traité de Lisbonne ; pour les derniers, le traité de Lisbonne).

Cela n’a été le cas que pour le Danemark et la Grande Bretagne. Si la Suède n’est pas non plus dans l’euro, c’est parce qu’elle s’arrange pour ne pas respecter les critères de Maastricht : dans son cas un référendum a été organisé en 2003, et le peuple suédois a alors refusé à une très large majorité d’abandonner la couronne, à l’encontre d’ailleurs des positions du gouvernement et de presque tous les partis politiques.

La zone euro n’est donc nullement figée, et sa crise structurelle n’a nullement conduit à l’abandon du principe de son extension à tous les membres de l’UE, ainsi d’ailleurs que le montre l’entrée récente de trois nouveaux pays.

Il semble peu probable que l’euro – et donc le Traité de Lisbonne en son état actuel – puisse survivre à la reprise par la France de sa souveraineté monétaire. Il n’a tenu jusqu’ici que parce que la France s’était mise en avant pour le maintien de sa survie, par divers artifices et manœuvres, parce que la complicité des gouvernements des pays qui en sont victimes a pu être jusqu’à présent maintenue, et par la capacité de ces gouvernements, avec la complicité des médias, à en masquer à leur opinion publique le caractère extraordinairement pervers de l’euro, et le fait qu’il était parfaitement possible d’en sortir.

Nulle catastrophe mondiale n’en résultera: le monde existait avant sa création, il ne se porte vraiment pas mieux depuis qu’il a été créé, et, en ce qui concerne nos proches voisins, il est faible de dire que le ciel n’est pas tombé sur la tête de ceux qui ne l’avaient pas adopté, ou qui, comme la Suisse et la Norvège, étaient restés à l’écart de l’UE.

Cela obligera à repenser enfin profondément l’organisation de l’Europe dans le sens qui aurait dû être le sien dès le début : une coordination entre nations ayant gardé (ou retrouvé) tous les attributs essentiels de la souveraineté d’une nation.

L’arrêt du 30 juin 2009 de la Cour de Karlsruhe a au demeurant affirmé solennellement que seules les nations étaient dépositaires de la légitimité démocratique.

L’évidence est là: vingt ans après la création de l’Union européenne, malgré un intense bourrage de crânes, il n’y a toujours rien qui ressemble à un sentiment national commun, et à horizon visible n’y en aura sans doute jamais, même si l’Europe se retrouvait réduite à l’Allemagne et à la France. Jamais les attributs nationaux transférés aux instances dirigeantes de l’UE, qui ne cessent pourtant de s’accroître dans une démarche de fédéralisme rampant, ne pourront donc avoir de légitimité démocratique.

Il est donc de la plus extrême urgence de mettre fin à une démarche d’essence totalitaire où, d’une part, les nations se retrouvent sans défense vis à vis de la mondialisation du fait des pouvoirs qu’elles n’ont plus, et où, d’autre part, ces pouvoirs transférés à des instances que ne retient pas le garde fou essentiel qu’est la recherche de l’intérêt national, (puisqu’il n’y a pas de sentiment national…), ont toute chance, à l’issue d’opaques luttes d’influence, de se retrouver au service d’intérêts divers.

Ces intérêts peuvent au demeurant être aussi bien ceux de lobbys (voir par exemple le cas exemplaire de l’éolien) que celui de certaines nations, intérieures ou extérieures à l’Union Européenne. Qui peut dire jusqu’où tout cela conduira la France ?

Cela ne fait-il pas froid dans le dos que l’euro, désastre économique mais puissant outil d’asservissement politique et économique, n’ait toujours, comme seule légitimité démocratique, que le fait que, le 20 septembre 1992, 34,4 % des Français ont voté oui au référendum sur le traité de Maastricht, contre 33% qui avaient voté non ?

J. d’Antraigues
06/05/2014

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