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La fin du Progrès ou la fin de l’humanité ?

La fin du Progrès ou la fin de l’humanité ?

par | 14 février 2017 | Société

Laurence Maugest, philosophe

♦ La prise de conscience de l’apocalypse du Progrès (1), progrès auquel l’homme a attelé tous ses espoirs de croissance dans les domaines économique, scientifique, industriel depuis la Révolution, semble être un tel traumatisme qu’elle provoque des réactions dangereuses au sein de la société :


  • Déconstruire l’architecture matérielle et symbolique de la France (la famille, l’histoire, l’héritage grec, latin, chrétien, la grammaire…). Car, lorsque l’on ne sait plus construire, « la déconstruction » peut encore donner une illusion de contrôle.
  • Miser, coûte que coûte, sur la victoire du Progrès et se persuader qu’il n’a jamais été aussi proche de sa victoire ultime : « la mainmise sur la conscience de l’individu », câbler notre cerveau à Google et faire des embryons « mi-cochons mi-humains » qui alimenteront peut-être le prolétariat de demain à côté des robots dont certains juristes évoquent déjà la nécessité de les couvrir par des lois…

D’une façon très basique, pour éviter les angoisses inhérentes à la prise de conscience de l’apocalypse du Progrès, il suffit de diluer la conscience, la faire disparaître tout simplement. Parvenir à «l’a-conscience » qui, de plus, facilitera l’acceptation par la société de sa propre déconstruction.

  • La dissolution de la conscience est bien en marche

La décérébration quotidienne des médias, le culte du divertissement perpétuel et du plaisir immédiat, les sollicitations tyranniques à la consommation sont évidemment les prédateurs essentiels de nos consciences.

La conscience, curiosité ouverte qui réfléchit le monde, n’est pas que la marque de notre humanité, elle en est aussi la créatrice. Elle est le terreau de toutes les philosophies, politiques et organisations de la cité dans le domaine collectif. Elle fait naître, en chaque homme, sa singularité qui s’aiguise dans un spectre sensible infini (2) : de l’angoisse à l’émerveillement, du malaise d’être petit et impuissant à la reconnaissance du pouvoir qui nous est donné.

L’agonie de la conscience, comme un coup d’arrêt fatal de la modernité, pourrait anéantir « notre humanité » comme une explosion nucléaire détruirait l’humanité.

La conscience de l’homme naît et s’enrichit de sa relation au monde réel que la modernité éloigne sciemment de son quotidien en obscurcissant son horizon d’un mur pathétiquement urbanisé et en répondant par des postulats idéologiques à des questions existentielles.

  • La perte de la conscience nationale est la première phase du coma de l’homo-festivus cosmopolite du futur

D’une façon très claire, voire brutale, les tapages médiatiques et règlements de compte en tout genre viennent se substituer aux questions politiques urgentes et graves qui inquiètent la France actuellement. Ce n’est pas un écran de fumée qui dissimule l’état réel de la France mais une construction virtuelle faite d’affaires multiples et de jeux électoralistes où s’arrêtent les regards de la plupart des politiques et des commentateurs ravis.

3e Millénaire n°68

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« Ces grabuges politico-médiatiques » qui ne jouent pas dans les hauteurs (argent, sexe…) se dupliquent à l’identique dans tous les pays occidentaux. Ils ne sont guère spécifiques à leur pays d’origine et en cela servent bien le nivellement supranational – ou destructeur des nations. Malheureusement, nous pouvons redouter que ces tapages nous donnent des signes tangibles de ce que deviendrait un gouvernement mondial cherchant à faire beaucoup de bruit pour dissimuler ses fins et endormir le peuple.

Gouverner, ce n’est plus prévoir en analysant la situation donnée d’une nation dans le monde, mais c’est savoir décrypter les mouvements d’opinion et utiliser, entretenir, voire provoquer quelques intrigues malodorantes. La politique se perd dans cette enveloppe médiatique qui devient le lieu de toutes les décisions et aussi de tous les mensonges. C’est en quelque sorte un faux-monde superposé qui a son  temps médiatique, sa météo (« les ouragans », « les tempêtes »…), son langage, ses coups d’éclat qui font presque peur (Emmanuel Macron en transe), ses codes, ses interdits et ses effets gadgets qui se veulent divertissants (holographie de Jean-Luc Mélenchon dont le modernisme riant presque enfantin devrait nous faire oublier les nuits du goulag. Il est vrai que dans la distribution des rôles faites par les médias de propagande, ce n’est pas lui le diable) ; des décors faux, loin de la réalité du pays, qui servent à merveille le vœu des candidats les plus cosmopolites qui souhaitent tant détacher les Français de l’amour de leur patrie. Mais ce n’est pas gagné. Les Américains, les Anglais, les Autrichiens et, bien sûr, les Russes nous montrent que l’attachement à sa nation n’est pas un complexe psychanalytique de méchants réactionnaires, mais le cœur de l’homme et aussi de la vitalité de son pays.

Irrespect de la vie et du sacré : la fin de la conscience et de la singularité de l’homme ?

  • Du délit d’entrave au délitement de la conscience, un crime contre l’humanité?

Ainsi, les postulats actuels s’imposent en lois dans les domaines existentiels qui devraient être le lieu de la pensée des philosophes et des Pères de l’Eglise. Mais loin de ces réflexions alimentées au cours de l’histoire par des géants, nous sommes en devoir de refuser de monter sur leurs épaules et d’accepter les vues d’un gouvernement éphémère qui, même dans les domaines qui auraient dû l’intéresser, a fait preuve d’une incompétence caricaturale. Il nous faut donc accepter, sans broncher, l’idée que l’embryon n’est pas un humain quand il est décidé de l’avorter et que l’œuf qui va se nicher dans la membrane utérine est « rien » en dépit de son potentiel génétique déjà constitué dans les arcanes de la méiose. Pour éviter « le délit d’entrave », il est d’ailleurs préférable de ne pas évoquer « la méiose », ce brassage de l’histoire de l’humanité qui se fait à chaque conception. Toujours pour rester dans les « clous » de la loi, il faut d’ailleurs éviter de parler « de conception » en cas d’avortement car ce terme porte en lui-même toute la beauté du monde. Gardons ce mot, trop explicite par l’énigme qu’il porte, pour les parents des survivants mutés en « enfants rois » qui sauront enrichir les commerces de puériculture et de jouets dans un monde qui se gargarise à « l’égalitarisme» et assure défendre ardemment les mêmes chances pour Tous.

  • L’indifférenciation des sexes, un crime contre la pensée du monde ?

« Le Gender » tente d’évacuer des siècles de relations, il est vrai, complexes, compliquées entre les hommes et les femmes. Ces idéologues occultent simplement que le gouffre de la différence entre les hommes et les femmes est la caisse de résonnance de notre humanité, la voie vers la correspondance ultime, la relation aux mystères des pôles opposés qui, depuis les Grecs, est source d’élévation de l’homme au statut de penseur.

L’idéologie actuelle qui ne cesse de revendiquer « la liberté de l’homme » – enfin encore une fois de son corps – ne supporte pas l’incontrôlable et les doutes qui font appel à la liberté de penser et de se poser des questions. Pour l’économie cosmopolite, la recherche de sens immatérielle de la vie de l’homme est un venin car elle prive de son primat le corps qui a le grand avantage, pour les enseignes, de consommer.

En effet, les réflexions existentielles sont à proscrire, ce qui est le cas régulièrement à travers les procès faits à l’Eglise, sa caricature médiatique perpétuelle et à la place donnée aux soi-disant philosophes qui s’apparentent davantage à des adeptes du « développement personnel » – qui réduisent l’état de conscience au « bien-être » – ou à des sociologues – qui parlent de la relation à la société et si peu de la relation au monde.

Il est évident que le but de l’idéologie moderne est d’inhiber nos facultés de penser et de contrarier notre statut d’homme libre qui ne sait pas grand-chose mais se donne au bonheur de la découverte (3).

C’est avec un génie – que nous n’avons pas fini de découvrir – que Socrate nous a laissé cette phrase « Je sais que je ne sais rien », phrase qui aujourd’hui, plus que jamais, en faisant un pied de nez au mythe du Progrès et à son idéologie, nous offre la liberté.

Laurence Maugest
07/02/2017

Notes :

1/ Pierre de La Coste, Apocalypse du Progrès, Frédéric Rouvillois 2014.

2/ Charles Baudelaire, L’Homme et la Mer :

Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.

3/ Georges Bernanos, La France contre les robots (1944) : « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. Hélas ! La liberté n’est pourtant qu’en vous, imbéciles ! » (Pléiade, Essais et écrits de combat, tome II, 1995, p. 1025).

Correspondance Polémia – 14/02/2017

Image : « Je sais que je ne sais rien » (en grec ancien « ἕν οἶδα ὅτι οὐδὲν οἶδα » et en latin « scio me nihil scire ») est une maxime attribuée au philosophe grec Socrate.

Laurence Maugest

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