Par Michel Geoffroy, auteur de La Super-classe mondiale contre les peuples ♦ Tous les Européens sincères ne peuvent que se réjouir de voir le président Emmanuel Macron renouer le dialogue avec le président russe, Vladimir Poutine. Car l’Europe n’aura aucun avenir sans une bonne relation avec son grand voisin continental. Mais, lors du débat conjoint avec la presse, on a vu un Emmanuel Macron, d’habitude si sûr de lui devant les caméras, visiblement crispé et mal à son aise, cherchant ses mots, manipulant fébrilement les papiers sur son pupitre. Le tout face à un Vladimir Poutine aimable mais assez énigmatique. Pourquoi ? Pour trois raisons essentielles.
Un numéro d’équilibriste
D’abord parce que, vis à vis de la Russie, Emmanuel Macron se trouve contraint à un numéro d’équilibriste diplomatique peu crédible.
En tant que représentant de la Davocratie, il doit en effet s’associer à l’isolement de la Russie et à sa diabolisation (d’où, par exemple, sa campagne contre les médias russes en France lancée dès son élection) ainsi qu’à la promotion de l’atlantisme. C’est pourquoi il s’est immédiatement rangé du côté des Britanniques dans la très louche affaire Skripal et s’est joint à eux et aux Etats-Unis dans la dénonciation de l’usage tout aussi douteux de gaz de combat par le gouvernement syrien.
En tant que « bon élève de l’UE », nain diplomatique soumis aux Etats-Unis, il doit aussi s’associer aux sanctions contre la Russie et ses alliés, même s’il en coûte à la France.
Et, en tant que membre désormais à part entière de l’OTAN, la France participe aussi à la stratégie d’encerclement stratégique de la Russie. Nos militaires assistent donc aujourd’hui des pays baltes hystériques face à une hypothétique menace russe.
Mais, en tant que président français, il doit néanmoins s’inscrire dans une certaine continuité diplomatique de bonnes relations de notre pays avec la Russie, d’autant que cela correspond à une réalité géopolitique incontournable pour l’Europe.
Emmanuel Macron se trouve donc contraint vis-à-vis de la Russie à un difficile, et finalement peu crédible, exercice d’équilibriste. En effet, sur nombre de questions essentielles il se range en réalité dans le camp de ses adversaires. D’où, sans doute, des formulations macroniennes d’une belle platitude, même de style diplomatique, du genre : « Le moment que nous vivons impose que nos deux pays puissent prendre des initiatives communes. » Voilà qui ne mange pas de pain !
Une crédibilité internationale faible
Ensuite, Emmanuel Macron est mal à l’aise car sa crédibilité internationale et européenne est en réalité faible, ce que tentent de nous cacher nos médias mainstream. Alors qu’au contraire, la crédibilité de la Russie et de Vladimir Poutine ne cesse, elle, de se renforcer, tant à l’intérieur qu’au plan international.
En effet, les relations internationales restent du domaine des rapports de force réels et non pas de la poudre de perlimpinpin des communicants. Or, pour le moment, vis-à-vis de l’Allemagne et du Conseil Européen, Emmanuel Macron n’a rien obtenu de particulier, sinon la poursuite des orientations actuelles.
Son atlantisme affiché n’a pas eu plus d’effet sur le Président Trump. Emmanuel Macron a été impuissant à faire revenir les Etats-Unis dans l’accord sur le climat, impuissant à empêcher leur retrait de l’accord sur le nucléaire, impuissant à empêcher l’effet des sanctions contre l’Iran sur les entreprises françaises.
Et son alignement sur les Etats-Unis en Syrie a démonétisé la France dans cette région, comme en témoigne le renvoi symbolique de sa Légion d’Honneur par le président Assad. Même si, bien sûr, Sarkozy et Hollande ont aussi leur part de responsabilité dans ce désastre.
En d’autres termes, Emmanuel Macron est loin de se présenter en position de force vis-à-vis du président Poutine. C’est même plutôt le contraire : tout se passe comme si son rapprochement médiatisé avec le président russe cherchait à effacer ses revers évidents dans sa relation privilégiée avec Donald Trump.
Evidemment, dans ce contexte, le président français n’a rien obtenu de son interlocuteur. Comme disent sans rire nos journalistes, les deux présidents ont « confronté leurs points de vue »…
Macron, l’anti-Poutine
N’oublions pas, enfin, que Macron c’est l’anti-Poutine. Autant la Russie incarne le retour des valeurs traditionnelles avec la restauration de sa puissance militaire et diplomatique sur la scène mondiale, autant Emmanuel Macron incarne tout le contraire.
Homme du Système occidental, il incarne la déconstruction libérale/libertaire et mondialiste de la société. Homme de la Davocratie, il incarne le néo-capitalisme qui prétend gouverner le monde.
Même s’il affirme défendre ce qu’il nomme le « multilatéralisme » – concept au demeurant des plus flous -, il se range du côté de la prétention ridicule des anglo-saxons à imposer leur idéologie, comme lorsqu’il déclarait le 25 avril dernier devant le Congrès américain que « les droits de l’homme sont la seule valeur pour construire ce nouvel ordre mondial ».
Vladimir Poutine a été brillamment réélu à la tête de la Fédération de Russie, quand Macron ne décolle pas dans les sondages et que les grèves ne s’arrêtent pas en France.
Macron assimile la France à une start-up quand Vladimir Poutine invoque la grandeur de la Russie, de son histoire et de son peuple.
Emmanuel Macron n’ose pas faire le signe de croix, quand Vladimir Poutine respecte tous les rites de la foi orthodoxe.
Deux styles et deux vues du monde décidément inconciliables !
Dans un tel contexte, il est douteux que le dialogue entre les deux chefs d’Etat débouche sur autre chose que des sourires de convenance.
Bon voyage M.Macron !
Michel Geoffroy
26/05/2018
Source : Correspondance Polémia
Crédit photo : Kremlin.ru [CC BY 4.0], via Wikimedia Commons
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