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Ukraine : deux questions fondamentales, par Bruno Mégret

Ukraine : deux questions fondamentales, par Bruno Mégret

Par Bruno Mégret, polytechnicien, haut fonctionnaire, essayiste ♦ La guerre en Ukraine dure maintenant depuis plus d’un mois et les hostilités semblent loin de prendre fin. Or, à mesure qu’il se développe, le conflit prend une tournure paradoxale qui conduit à se poser deux questions majeures.

 

Pourquoi une guerre totale pour un enjeu mineur ?

En même temps que la guerre s’enlise sur le terrain, l’hostilité entre les deux parties adverses s’intensifie en effet dangereusement. Du côté russe, les armées de Poutine adoptent maintenant une stratégie reposant largement sur les bombardements avec les dommages qui en résultent en termes de morts et de destructions. Du côté ukrainien c’est, en plus de l’armée régulière et de façon très inhabituelle, la levée en masse des civils armés qui multiplient les actions de guerre.

Comment ne pas s’étonner d’une telle montée en puissance de l’agressivité guerrière quand on sait que l’enjeu du conflit ne relève nullement d’un antagonisme essentiel ? Nous ne sommes pas en face d’un conflit de civilisation qui mettrait en péril l’identité voire la survie même de la nation ukrainienne.

Il ne s’agit pas des hordes ottomanes montant à l’assaut des murailles de Byzance. Il n’y a rien de commun avec la bataille des champs Catalauniques qui stoppa l’invasion des Huns ou la défense de Vienne qui arrêta la progression des armées turques.

Non, rien de tel, car Russes et Ukrainiens sont très proches tant pas la population que par la religion, la culture et l’histoire. Les uns comme les autres appartiennent à la même civilisation européenne et chrétienne. L’objet du conflit est dès lors de bien moindre importance puisque, mise à part la question du Dombass, il porte essentiellement sur le statut international de l’Ukraine : peut-elle ou non entrer dans l’Otan, doit-elle ou non rester neutre entre la Russie et l’Union européenne ?

Se pose donc cette première question fondamentale, pourquoi un tel extrémisme guerrier pour un enjeu qui n’a rien de vital ? Pourquoi est-on si loin des conflits classiques tels que l’Europe en a connu d’innombrables du temps de sa splendeur lorsque les armées se combattaient, laissant les civils de côté et amenant les vaincus à capituler et à signer un traité de paix ?

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Pourquoi les non-belligérants jouent-ils les boutefeux ?

Se pose par ailleurs une autre question concernant cette fois les non-belligérants. Car, très curieusement les actions économiques et de communication menées par les Occidentaux, loin d’apaiser les antagonismes, contribuent au contraire à les exacerber.

Ce conflit se concrétise en effet par des initiatives menées par l’Occident contre la Russie qui se traduisent par des sanctions économiques de plus en plus contraignantes et de plus en plus déstabilisantes pour les Russes certes, mais aussi pour nos compatriotes et, bien au-delà, pour l’économie mondiale. À cela s’ajoute une véritable guerre de communication menée par les autorités ainsi que par les médias occidentaux qui s’en prennent aux Russes et à leur président dans les termes les plus violents, parlant de pays paria, de génocide, de crimes de guerre, d’armes chimiques.

Aussi se pose-t-il une deuxième question fondamentale.

Pourquoi, dans ce conflit, les non-belligérants que sont les Occidentaux et tout spécialement les Européens ne cherchent-ils pas à faire baisser la tension guerrière et à amener les parties prenantes à un cessez‐le-feu et à trouver un compromis acceptable pour les deux parties ?

On pourrait subsidiairement se poser une question à propos du président ukrainien qui en temps de paix n’a pas eu la sagesse, pour protéger son peuple, d’accepter un statut de pays neutre comme cela a été longtemps le cas de l’Autriche par exemple. Et qui, maintenant que le conflit est ouvert, prône une guerre totale impliquant sa propre population et cherchant à entraîner dans le conflit les pays d’Europe. Une démarche de boutefeux qui, face à une invasion indéniablement condamnable, ne peut qu’aggraver les souffrances et les destructions pour son peuple et son pays.

Il n’est pas simple de répondre à ces questions. Mais les Ukrainiens devraient peut-­‐être se demander si certains ne cherchent pas à utiliser leurs souffrances pour atteindre un objectif géopolitique majeur à leurs yeux : disqualifier durablement la Russie et la couper définitivement de l’Union européenne.

Bruno Mégret
30/03/2022

Bruno Mégret

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