Accueil | Politique | Retour du service militaire en Europe : contre quel ennemi ?

Retour du service militaire en Europe : contre quel ennemi ?

Retour du service militaire en Europe : contre quel ennemi ?

par | 6 décembre 2025 | Politique

Retour du service militaire en Europe : contre quel ennemi ?

Faire un don à POLÉMIA

Récolté 8 589,00€
Objectif 20 000,00€
Donateurs 121
43,0%

Polémia se saisit de la question de l’intelligence artificielle en développant sa propre IA, entraînée uniquement sur des sources identitaires. Grâce à vos dons, nous pourrons la présenter courant décembre…

En France, Emmanuel Macron a récemment annoncé un « Service National Volontaire », sorte de service militaire remis au goût du jour, très loin de son ancêtre. Mais le président français n’est pas le seul à avoir eu cette idée. En Allemagne aussi, une annonce du même genre a été faite. Ce retour concerté interroge, notamment quant à la désignation de l’ennemi contre lequel une telle mobilisation semble dirigée. Éléments d’analyse avec ce texte de Jean Hemera, officier de cavalerie.
Polémia

Un Service National Volontaire pour affronter le vrai danger ? Qui n’est pas à l’Est…

À propos de cette usine à gaz — qui n’en sera peut-être pas une, pour une fois — appelée Service National Volontaire, beaucoup d’avis positifs ont fusé du côté des soutiens objectifs au gouvernement, beaucoup d’avis négatifs du côté des opposants. On ignore qui a marqué depuis huit jours le plus de buts dans cette partie qui n’a malgré tout pas soulevé l’enthousiasme des foules. Je crains même que cette déclaration présidentielle ait surtout alimenté l’indifférence que portent les citoyens à l’Élyséen. Il leur aura tout fait, en tout cas, il leur en aura trop fait. Il est lassant. On pouvait le décrypter sur les visages des « figurants » alignés en toile de fond à Varces derrière le président, qui lisait avec plus ou moins de conviction un papier qui n’était sans doute pas de sa main.
Donc cette idée de SNV risque de n’être qu’un pétard mouillé dès sa sortie de la boîte et de pschitter très vite. Et puis l’été 2026, c’est loin, les Français ont actuellement les yeux braqués sur Noël, sur leurs soucis personnels, à commencer par savoir comment payer les cadeaux qu’ils aimeraient faire, etc. Cependant l’idée n’a rien de révolutionnaire : nos voisins allemands, par exemple, en parlent depuis plus d’un an, j’y reviendrai plus loin.
En fait, prenons le temps de lire ce que le président a déclaré.
Il a d’abord annoncé l’instauration l’été prochain d’un service national volontaire de dix mois. Pour lever tout doute, il a précisé avec détermination que ce service national se déroulera exclusivement sur le territoire national, comme son nom le précise. Il a même ajouté qu’il n’était pas question d’envoyer nos jeunes en Ukraine. Dans SNV il y a le mot volontaire. Donc ne seront concernés que des volontaires de 18 et 19 ans, du moins lors de son lancement en 2026, avec pour objectif immédiat d’en avoir 3 000 d’entrée de jeu et de tendre vers des objectifs de 10 000 en 2030 et 50 000 en 2035. Notons les mots du président : « Notre jeunesse a soif d’engagement, elle est prête à se lever pour la patrie. » Voilà qui détonne radicalement avec les éléments de langage communément utilisés par l’Élysée : pas une fois le mot Europe, pas de Défense européenne, on arriverait presque à imaginer une éphémère souveraineté nationale…

La DOT avant le SNV pour « un front sur le territoire national »

En fait, on peut analyser cette logorrhée de la manière suivante. Il aurait pu penser…
« Je ne vous le dis pas, mais le terrorisme est là, au milieu de nous, dans nos villes, nos campagnes, nos villages : le cabinet réservé fait son travail et me rend compte chaque jour. Alors je vais relancer la DOT dans le pays avant que les Français ne prennent les fourches et promènent, comme du temps de cette Révolution française, des têtes au bout de quelques piques. DOT ? Défense opérationnelle du territoire. Elle existe depuis 1950, mais entre-temps, on a eu d’autres chats à fouetter. D’après les dires et analyses des états-majors, dix mois de service devraient suffire à former des gaillards et gaillardes pour assurer ces missions de DOT et enlever ces missions à nos professionnels de la défense. Donc il faut les rassurer et j’insiste bien qu’il n’est pas question de les envoyer se faire broyer sous l’artillerie russe, ce n’est pas le sujet, il ne faut pas les effrayer. On va leur donner quelques billets verts et on les nourrira, hébergera et habillera. Ensuite, espérons que par mimétisme et par bouche-à-oreille, on remplira le tonneau avec dix, puis cinquante milliers de braves jeunes gens. Je vais leur dire le mot patrie, ça va le faire car, les jeunes le vivent tous les jours, elle est en danger. »
Ce n’est un secret pour personne, le président aime le théâtre, il a eu un excellent professeur, donc il nous a très bien joué la pièce, il a lu son texte.
Le mot DOT n’a pas été prononcé une seule fois, mais les anciens auront tout de suite décelé le pot-aux-roses, ce qui fait que les anciens n’ont pas trop fait de commentaires acerbes.
Je prendrai comme exemple pour illustrer ce propos les déclarations sur Public Sénat du général Vincent Desportes, anciennement professeur à l’École de Guerre, toujours très demandé par les médias que nous savons. Son analyse est comme d’habitude très bien structurée et il fait lui aussi passer le message qui transpire dans la déclaration du président. En faisant l’oie, il développe sur les dangers venant du Grand Est, mais en répétant que cette réforme était indispensable. En fait, au cœur de sa déclaration, il parle de deux menaces existentielles pour le pays : « Il y a deux menaces et aucune des deux ne doit être écartée. Il y a une menace russe qui est une menace très probable et justement nous devons faire en sorte, ayant une armée, qu’elle ne se concrétise pas. Et puis nous avons la menace terroriste qui a été un peu oubliée à cause de cette guerre en Ukraine et qui est tout à fait prégnante, des attentats sont évités tous les jours, tous les mois ou toutes les semaines, régulièrement par nos services de sécurité. Donc on a ces deux menaces et c’est bien le problème de la France, elle a véritablement deux fronts sur lesquels elle doit être forte. L’un ce sera sur le territoire national, l’autre, il faudra défendre très probablement le territoire national à l’extérieur de ce même territoire. »
Voilà le cœur du sujet : les gens qui ne sont pas trop adeptes du déconomètre dénoncé par M. Luc Ferry savent que penser de la menace russe si abondamment décrite. D’ailleurs Vincent Desportes en parle en disant « très probable », « il ne faut pas qu’elle se concrétise » : on est loin des affirmations péremptoires auxquelles nous sommes habitués. Et puis parler de « faire de la masse » en évoquant 50 000 hommes laisse plus que pensif.
En revanche, quelle vigueur et détermination pour parler de la deuxième menace, « tout à fait prégnante » ! « Un front sur le territoire national ». Nous y sommes. CQFD. C’est dit, c’est gravé. Et cela reprend bien les propos du président quand il déclare, toujours à Varces : « La jeunesse est prête à se lever pour la patrie. » On se lève pour la patrie contre les Russes, mais on ne va pas en Ukraine : on attend qu’ils viennent ? Sagement jusqu’en 2030 ou 2035 ? Bon, donc ce n’est pas de ça qu’il s’agit. Mais bien de l’autre menace, de l’autre front, du terrorisme. On pense à un autre péril qui finit lui aussi en « isme », mais on ne le dit pas.
Maintenant la tâche sera rude : d’abord 2 milliards au bas mot, non budgétés, mais on coupera ailleurs. Il faudra des casernes, des équipements, de l’encadrement et surtout récupérer des volontaires. Donc nous allons vivre une campagne de propagande qui s’adressera à la jeunesse, à celle qui est prête à se lever pour la patrie. De quelle jeunesse s’agit-il ? La réponse est dans la question. Quand on pense à l’engouement, par exemple, de cette jeunesse de France depuis dix ans pour le pèlerinage de Chartres et pour le Puy-du-Fou, il est permis d’y croire. Dominique Venner le disait aussi, ainsi que Jean Raspail, quand il évoquait les isolats de résistance. Pour la mise en jambes, on trouvera des dizaines d’articles arguant du possible et de l’impossible pour sa réalisation.

La situation en Allemagne

Il peut être intéressant de voir ce qui se passe ailleurs, par exemple de l’autre côté du Rhin.
La différence majeure est que, si en France un sentiment national peut exister du fait de son histoire, en Allemagne, la souche est par essence différente : difficilement réunifié en Empire par Bismarck, le pays est une fédération d’États (République fédérale) et, depuis 1945, parler de nation allemande est tabou, la culpabilité a été assénée jusqu’aux plus jeunes générations qui, elles, commencent à trouver la rengaine bien éculée. Mais pas suffisamment pour empêcher la création récente d’un mouvement de jeunes, « Grève des écoles contre la conscription », qui appelle contre toute forme de service national, dont doit débattre le Parlement de Berlin.
À côté de cette action aussi récente que spontanée, il faut noter une augmentation très forte en 2025 des objecteurs de conscience, qui ont la possibilité, après avoir déclaré leur opposition, d’accomplir un service civil (en maison de retraite par exemple). Mais d’une manière générale, l’Allemagne n’arrive déjà pas à recruter assez de volontaires pour son armée de professionnels, elle en perd de plus en plus du fait de la guerre en Ukraine, et beaucoup de voix s’élèvent pour dénoncer une manœuvre d’envergure qui viserait à l’instauration d’un super-ministère de la Défense à Bruxelles et de la montée en puissance d’une armée européenne supranationale dont l’état-major serait aussi à Bruxelles.
Il est clair outre-Rhin que cette perspective est très alléchante pour les industriels de l’armement allemand et pour leur omniprésent et omnipotent ministre de la Défense Pistorius. Cependant, la jeunesse allemande n’est ni mobilisée, ni mobilisable pour cette décision politique des démocrates et des socialistes au gouvernement. Ceux qui y sont favorables sont évidemment les gens de l’AfD (Alternative für Deutschland, définie comme extrême droite allemande) qui est pour la restauration d’un service obligatoire, mais avec certainement pour objectif majeur la défense du territoire contre un ennemi intérieur.
On constate donc que des deux côtés du Rhin, il s’agit de faire face et de s’organiser au mieux et au plus vite contre une menace que l’on ne veut toujours pas qualifier, mais qui est cependant reconnue comme latente.
Le projet de Service National Volontaire est un pari que fait le président, alarmé et contraint par les comptes rendus qui s’amoncellent sur son bureau. Ce projet a une chance de réussir, parce que les armées ont une ressource d’extrême qualité, une extraordinaire réactivité chez leurs cadres, donc elles trouveront les solutions aux problèmes techniques, mais surtout parce que nous avons la chance d’avoir dans le pays des jeunes conscients des dangers qui sont tus, mais inexorablement prégnants et présents.
Nos voisins n’ont pas la chance d’avoir ni la même histoire, ni le même peuple.

Jean Hemera
06/12/2025

Mots-clefs :

Cet article vous a plu ?

Je fais un don

Je fais un donSoutenez Polémia, faites un don ! Chaque don vous ouvre le droit à une déduction fiscale de 66% du montant de votre don, profitez-en !

Voir aussi

Le général Mandon, voix de son maître Macron

Le général Mandon, voix de son maître Macron

L’intervention du général d’armée aérienne Fabien Mandon, chef d’état-major des armées (CEMA) en titre, lors de l’assemblée des maires de France, a fait l’effet d’un coup de canon dans les consciences des Français qui l’ont entendue et écoutée. Catherine Vautrin,...

Au Chili, l’éternel retour de Pinochet ?

Au Chili, l’éternel retour de Pinochet ?

L’élection présidentielle chilienne du 14 décembre s’annonce décisive. José Antonio Kast, porté par une droite sécuritaire et libérale, domine le débat, ravivant malgré lui l’ombre de Pinochet. Dans cet article, Pierre Boisguilbert interroge ce possible « retour par...