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Remettre les juges à leur modeste place

Remettre les juges à leur modeste place

par | 28 décembre 2025 | Politique

Remettre les juges à leur modeste place

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La Constitution de 1958 a veillé à remettre la justice à sa juste et modeste place ; aussi ne lui reconnaît-elle pas la qualification de pouvoir, mais seulement celle d’autorité (titre VIII de la Constitution). Ce nonobstant, nous observons aujourd’hui ses débordements, qui en font ainsi, de façon illégitime, un pouvoir à part entière, en ce que les juges, non élus, entendent en remontrer à nos dirigeants élus. La chronique illustre des abus évidents, par lesquels les juges s’ingénient à décider qui pourra ou non se présenter au suffrage des Français, ou qui ira en prison par provision à titre vexatoire (cf. cas de Marine Le Pen et de Nicolas Sarkozy). Le cas de François Fillon est emblématique, lui dont la campagne des présidentielles de 2012, au-delà de sa culpabilité établie ultérieurement, a été délibérément cassée par le parquet financier, faisant place nette au candidat Macron. Cas emblématique non seulement par la précipitation sans précédent de l’enquête préliminaire, puis de l’ouverture de l’instruction, mais aussi par le soin pris à violer, d’heure en heure, à destination des médias, le secret censé les couvrir et connu de peu d’initiés… identifiables, mais qu’on se gardera bien d’identifier ! Il en est ainsi en France, mais aussi sous la houlette sévère de l’Union européenne, comme l’a montré l’annulation antidémocratique, par la Cour constitutionnelle roumaine, des présidentielles de décembre 2024, afin d’éliminer et d’interdire le candidat nationaliste arrivé inopportunément en tête au premier tour, motif pris d’un soutien russe supposé apporté à sa campagne sur Internet !

État de la question

Le juriste et essayiste Bertrand Saint-Germain vient de publier un nouvel ouvrage qui fait un état des lieux et esquisse des solutions à cette question : La République des juges contre la Nation.

Le livre est écrit dans un style clair, afin de permettre aux non-juristes de s’y retrouver aisément. À juste titre, pour un auteur qui s’adresse aux citoyens… à une petite réserve près : l’abus d’acronymes. On aimerait lire art. 2 de la Constitution plutôt que 2C ! (Je m’y suis moi-même perdu, dans un cas, au point que, benêt peut-être, j’ai dû renoncer à savoir ce qu’est l’ECLJ, page 37.)

Notre justice est malade, particulièrement victime des soixante-huitards et de leur consternante, immarcescible et efflorescente postérité judiciaire. Bertrand Saint-Germain a bien raison de rappeler la harangue fondatrice du magistrat Oswald Baudot, membre éminent du Syndicat de la magistrature, devant la promotion alors fraîchement émoulue de l’École nationale de la magistrature de 1974 :

Soyez partiaux… ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron… pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice.

La procédure disciplinaire ouverte contre ce propagandiste de la justice partiale, c’est-à-dire de l’anti-justice révolutionnaire, fera malheureusement long feu. Le Conseil supérieur de la magistrature, détestablement corporatiste, comme le rappelle l’auteur, ne proposera qu’une réprimande, sanction platonique s’il en est. Mais le garde des Sceaux d’alors, Jean Lecanuet, intimidé par les syndicats — celui précité de Baudot, mais également l’Union syndicale des magistrats (de droite !) — ne fera rien du tout : courage, fuyons !

Il est d’ailleurs choquant que les magistrats puissent se syndiquer, comme cela est admis depuis 1968, c’est-à-dire se considérer comme des employés, exerçant des pressions vindicatives sur leurs employeurs. Or ceux-ci ne sont rien de moins que les pouvoirs exécutif et législatif : l’autorité judiciaire peut donc s’ingérer dans ces pouvoirs, sans réciprocité aucune ! Bref, l’autorité non démocratique a le pouvoir ; les Pouvoirs démocratiques formels n’ont plus d’autorité.

Mais il est vrai que les politiques, et pas seulement Lecanuet, ont laissé faire avec une pusillanimité confondante, et il est piquant de les voir s’en plaindre quand les frappent les lois boomerang qu’ils ont votées. Il est vrai qu’ils ne font plus guère de politique, tout l’espace politicien étant occupé par la communication…

Responsabilité et recrutement des magistrats

Les abus de l’autorité judiciaire posent la question de la responsabilité des juges. Bertrand Saint-Germain, avec courage et pertinence, reproduit par extraits Le Jugement des juges (page 117), poème écrit en prison par Robert Brasillach, fusillé en 1945 pour crime d’opinion. (Vulgate marxiste : fusiller Brasillach ici, ce serait bien ; fusiller García Lorca là-bas, ce serait mal.)

Les politiques élus répondent de leurs actes, au-delà du raisonnable, devant les procureurs et juges non élus, il est vrai, avec la passivité d’un punching-ball.

Bertrand Saint-Germain, après avoir fait l’état de la question, recherche des solutions, tant pour l’autorité judiciaire que pour les autres autorités juridictionnelles. En effet, les juridictions parallèles, celles de l’ordre administratif, sous l’égide du Conseil d’État, posent elles aussi la question de la partialité des magistrats et de leur irresponsabilité. Il y a la question de la discipline, traitée dans un entre-soi complaisant, qui ne devrait pas rester en l’état.

Sous l’égide bienveillante de l’autorité judiciaire, le juge Fabrice Burgaud, responsable d’avoir brisé des vies dans le désastre judiciaire d’Outreau, après une simple réprimande (2009), termine sa carrière avec le prestigieux titre d’avocat général à la Cour de cassation !

Il y a ensuite la question du recrutement des magistrats, bien exposée par l’auteur. Les magistrats de l’ordre judiciaire sont, dans leur majorité, de jeunes étudiants recrutés par un concours « à moins de vingt-quatre ans » (et en majorité non « issus d’un cursus juridique »), qui leur donnera, leur vie durant, le droit de juger tout un chacun avec hauteur et dédain.

Droit de juger abusivement au nom du « peuple français », sans avoir à rendre de comptes audit peuple de l’exercice de leurs fonctions, en violation de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789. Ils sont fortement imprégnés des scories de Mai 68 et donc positionnés très à gauche. Ce n’est pas la postérité de Baudot qui manque, ni les allers-retours avec les cabinets ministériels de gauche : la partialité ne va pas de soi, aussi se cultive-t-elle…

Les fonctions judiciaires sont régaliennes, mais curieusement, et à l’inverse des institutions politiques, les quotas de parité n’y sont pas exigés (« trois quarts de jeunes femmes »)… Même chose pour les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel et le Conseil d’État…

De 1790 à 1799, la règle était l’élection, et cela ne fonctionnait pas mal, si l’on en croit les historiens spécialisés. Le procédé prospère toujours dans certains États américains ou en Suisse. Les députés avaient envisagé d’y revenir, nous rappelle l’auteur, en 1882…

Aujourd’hui, nous sommes face à une corporation fermée, imperméable aux soucis du peuple et à l’idéal d’équanimité, qui pratique l’entre-soi et qui ne fait pas, comme on l’a vu, le ménage dans ses rangs. Revenir à l’élection serait difficile dans le contexte historique français, mais il faut permettre une refonte démocratique des procédures disciplinaires, instituer le recall, suggère Bertrand Saint-Germain, c’est-à-dire la destitution par le vote populaire, comme dans certains États américains, ce qui mettrait la République en phase avec l’article 15 susvisé de la Déclaration.

Juges et procureurs n’en seraient que plus prudemment respectueux des volontés et sentiments du peuple au nom duquel ils poursuivent et condamnent — ou ne condamnent pas.

De toutes façons, il faut ouvrir les possibilités de récusation à la demande des plaideurs. Le recrutement des magistrats se fait formellement dans la neutralité axiologique (pas de question sur la religion, l’appartenance religieuse ou la franc-maçonnerie). Dans le droit fil du propos de M. Saint-Germain, je pose la question impensée : dès lors que les lois Pleven (1972), Lellouche (2003) ou Perben II (2004) ont sottement reconnu des droits aux minorités, c’est-à-dire à des entités communautaires, à la mode anglo-saxonne, comment ne pas permettre à un prévenu poursuivi pour homophobie d’exiger un juge hétérosexuel ? Le serpent de la bien-pensance se mord la queue.

Le piège de l’État de droit

Et puis, tout au-dessus, désormais au sommet de nos institutions, trône le Conseil constitutionnel, conçu à l’origine comme un conseil et non comme une cour, et dont la fonction était de trancher les conflits électoraux nationaux (article 59 de la Constitution) ainsi que la séparation des pouvoirs réglementaire et législatif (article 34), à la seule demande des présidents des assemblées ou de la République, et sous quinze jours.

Mais la saisine ayant été élargie à soixante parlementaires, le Conseil, se rêvant cour, par un coup d’État juridictionnel en 1971, s’est arrogé le droit d’adosser ses décisions au préambule de la Constitution, riche en philosophades emphatiques et permettant l’arbitraire le plus fou : par exemple, l’instrumentalisation de la notion de « fraternité » pour annuler la loi contre l’aide à l’immigration irrégulière (affaire Hérrou).

Arbitraire également la fixation à 75 % des revenus du contribuable de l’impôt confiscatoire, sans appui textuel (75 % plutôt que 36,83 ou 99,99 ? Pourquoi : mystère et boule de gomme !). Aussi le législateur, issu des élections mais soumis, doit-il faire de la glose pour deviner ce que pourront inventer les « Sages » non élus afin d’annuler n’importe quelle loi en fonction d’on ne sait quel jeu de mots ou charade opportuniste.

Et non seulement la classe politique ne réagit pas, mais si le triomphe du gauchiste Hérrou contre la Nation a été possible, c’est qu’elle agit à l’inverse du bon sens : c’est sous la présidence de Sarkozy que l’élargissement des compétences du Conseil lui a permis d’oblitérer n’importe quelle loi, n’importe quand, même antérieure à sa promulgation, et à la demande de n’importe quel plaideur (question prioritaire de constitutionnalité).

Avec Sarkozy, le Conseil est en pratique bel et bien devenu une cour, à l’instar de la Cour suprême américaine.

L’auteur de La République des juges contre la Nation pose bien le problème dans toute son ampleur, et la lecture de son ouvrage apporte un éclairage bienvenu sur la dérive catastrophique d’une justice qui ne protège plus guère l’honnête citoyen, mais qui, et c’est le comble, menace sa sécurité.

On peut seulement regretter que, contrairement à son préfacier (pages 9 et 19), le professeur Coronel de Boissezon – Professeur agrégé des universités, révoqué pour résistance anti-gauchiste dans sa faculté d’Aix-en-Provence en 2018 –, l’auteur n’esquisse pas une remise en cause plus nette de l’État de droit — un juge au-dessus de la loi — au profit de l’État légal, seule valeur républicaine historique qui vaille — la loi au-dessus du juge — hors quelques réserves trop diaphanes (pages 102 et 103).

Libérons-nous de ce concept et de ses deux pères étrangers issus du XIXᵉ siècle : l’Allemand et sa théorie du Rechtsstaat, et l’Américain avec sa Rule of Law telle que forgée par la Cour suprême des États-Unis (arrêt Marbury v. Madison, 1803). L’État de droit n’est-il pas, en définitive, l’autre nom de la République des juges ?

L’énoncé du problème nous est livré par Bertrand Saint-Germain ; reste la recherche des solutions, lesquelles sont politiques. Mais la médiocrité de nos politiciens ne laisse rien augurer de bon à vue d’électeur…

Éric Delcroix
28/12/2025

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