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« Réforme » du collège ?

« Réforme » du collège ?

Claude Meunier-Berthelot, enseignante, écrivain.

Nil novi sub sole…

Mme Belkacem vient d’adresser, le 17 avril 2015, une lettr e aux « enseignants-qui-n’enseignent-plus » – ceux destinés à nos enfants – relativement à la prétendue réforme du collège adoptée par le Conseil supérieur de l’éducation le 10 avril 2015. En réalité, il ne s’agit pas d’une nouvelle réforme.

« Pour reprendre des exemples cités par le ministère, filmer un match de handball ou construire une cabane dans la cour de récréation, ce n’est pas ce qui va apporter aux élèves une culture solide ou leur permettre de développer une réflexion méthodique sur la langue ». (Véronique Marchais, professeur de lettres, Marianne, 24/04/2015)


Des mesures contingentes

C’est ce que l’on cherche à nous faire croire chaque fois qu’un ministre prend la tête de l’Education nationale et ce, pour brouiller les pistes et masquer la remarquable continuité d’une même politique qui se met en œuvre de façon méthodique et progressive. En réalité, toutes les dispositions prises découlent de la réforme fondamentale et révolutionnaire léguée par Claude Allègre, « commercialisée » sous le nom de « refondation » de l’Ecole et qu’il ne faut surtout pas assimiler à une « restauration ».

Toutes les prétendues réformes des différents ministres qui se succèdent à la tête de l’Education nationale depuis Claude Allègre ne sont pas des réformes en elles-mêmes, mais simplement des mesures contingentes à cette grande réforme de l’enseignement public et privé sous contrat qui a pour objectif de l’anéantir pour le métamorphoser en « lieu de vie » par le fait inouï de la suppression des cours remplacés par des activités au cours desquelles les élèves, du primaire à l’université incluse, sont censés construire leur savoir dans différentes disciplines à la fois, nous catapultant ainsi dans une situation inédite d’inexistence de l’Ecole, tout ceci enveloppé dans un discours désinformateur visant à masquer le vide du contenu et nous faire croire qu’au contraire, l’objectif poursuivi est celui d’améliorer la qualité du système éducatif.

Saucissonnage et jargon, outils d’occultation

Le saucissonnage – étalé dans le temps – des décisions prises par les ministres successifs a pour avantage, pour ceux qui sont censés nous gouverner, d’empêcher que le public qui pense encore les réformes en termes d’ « Ecole » ait une vue d’ensemble sur la funeste réalité ainsi occultée.

De plus, et dans le même objectif, ces pures et simples « activités » ne sont jamais définies ni présentées comme telles, ce mot n’est jamais prononcé et pour cause ! – comme pour les méthodes globales honnies du public – il n’est question que de « transversalité », d’ « interdisciplinarité », de « travaux croisés », de « travaux personnels encadrés », de « projets personnels de réussite éducative », d’ « accompagnement personnalisé », de « tutorat », « d’enseignement pratique transdisciplinaire »… ! Tout un langage ampoulé et diversifié à l’infini, pour désigner une seule et même réalité et qui n’a d’autre but que d’abuser le public et crédibiliser une phénoménale supercherie.

C’est ainsi que lorsque Mme Belkacem prétend incorporer le latin et le grec au cours de littérature grâce à un « enseignement pratique transdisciplinaire », cela signifie en réalité que l’enseignement des lettres est également supprimé, remplacé par une activité au cours de laquelle l’élève va apprendre en même temps le latin, le grec et le français !

Qui l’eût cru ?

Et pourquoi s’étonner d’ailleurs que l’enseignement du grec et du latin disparaisse quand le CAPES de lettres classiques a été supprimé par un des précédents ministres ? N’y a-t-il pas là la marque de cette remarquable continuité ?

Egalement, pour reprendre le jargon des pédagogistes qui sévissent depuis longtemps au sein de l’Education nationale et en application du principe « d’enseignement pratique transdisciplinaire », il n’est pas impensable que de conduire les élèves à la piscine soit défini comme étant de conduire les élèves dans un « milieu aquatique profond standardisé » (piscine) pour « traverser l’eau en équilibre horizontal » (nager) à l’aide des « segments manipulateurs antérieurs » (bras), des « segments manipulateurs postérieurs » (jambes) et aussi de leur « référentiel neuronal conceptuel » (cerveau) pour qu’ils construisent leur savoir dans différentes disciplines à la fois : anatomie, physiologie (transformation du fonctionnement de l’organisme par l’effort physique), chimie (composition de l’eau), physique (lois régissant le déplacement du corps dans l’eau)… Bref – si l’on peut dire ! –, tout cela, grâce au savoir « tout terrain » des « enseignants qui n’enseignent plus » recrutés sur la base d’ « emplois-avenir-professeurs », c’est-à-dire sans diplômes universitaires et entièrement formatés dans les IUFM reconvertis en Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation ! C’est ce que l’on veut nous faire « gober » !

Conséquences d’une métamorphose

Mais tout ceci n’est pas nouveau. La « refondation » est définie et mise en œuvre depuis belle lurette et les activités ne cessent de prospérer au détriment des cours, avec le chapelet de conséquences qui en découle et qu’égrène chaque ministre qui passe et qui trépasse.

Après la « modification des rythmes scolaires », le « plus de devoirs à la maison », la « suppression des notes »… aujourd’hui, et dans le même contexte, c’est l’annonce de la disparition de la référence « classe » qui fait place à des « cycles » pour regrouper des élèves de niveaux et d’âges différents, ce qui est logique dans le cadre d’activités à réaliser où la question de niveau n’a aucun sens, ce qui justifie également le « regroupement école-collège ».

« Pas de redoublement » non plus, c’est tout aussi logique. Pourquoi des redoublements puisqu’il n’y a pas de savoirs transmis, pas de savoirs à acquérir, pas d’obligation de résultat, pourquoi redoubler ? Cela n’aurait aucun sens ! Dans un centre d’activités et de loisirs, on ne redouble pas.

Tout ceci s’intègre dans la même logique.

Il est à noter par surcroît une évolution du langage qui ne manque pas d’inquiéter sur la question de la langue vivante étrangère.

Mme Belkacem insiste à différentes reprises sur la nécessaire « diversité linguistique », langage qui se démarque de celui usité jusque-là d’apprentissage d’une langue vivante et qui marque une évolution dans l’objectif assigné à la langue vivante étrangère :

« Je souhaite que les réformes pédagogiques que je mène soient l’instrument de l’amélioration des compétences en langues vivantes étrangères des élèves français [bien noter la précision] et d’une véritable diversité linguistique qui commence dès l’école… »

« Afin de promouvoir la diversité linguistique, la nouvelle organisation du collège prévoit, parallèlement, que les élèves qui ont bénéficié de l’enseignement d’une langue vivante étrangère autre que l’anglais à l’école élémentaire peuvent se voir proposer de poursuivre l’apprentissage de cette langue en même temps que l’enseignement de l’anglais… »

Belkacem, lampiste

Enfin, bref, Madame Belkacem n’entame pas une énième réforme du collège, elle ne fait qu’apporter sa contribution à l’entreprise de démolition du système éducatif dont les véritables instigateurs sont ailleurs : ce ne sont que les dernières pierres qu’elle détache du temple républicain de l’Education nationale jusqu’à l’éboulis complet et imminent de cet édifice sacrifié sur l’autel de la déraison révolutionnaire et assassine.

Claude Meunier-Berthelot
23/04/2015

Correspondance Polémia – 25/04/2015

Image : Adieu au  Gaffiot  et au Bailly , vénérables dictionnaires de référence qui ont escorté durant des générations collégiens et lycéens, les aidant à s’imprégner de la culture gréco-latine tant négligée, pour ne pas dire méprisée, aujourd’hui. (Polémia)

 

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