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Réconcilier ethnos et polis : l’essai éclairant d’Henri Levavasseur

Réconcilier ethnos et polis : l’essai éclairant d’Henri Levavasseur

Par Michel Geoffroy, auteur de Immigration de masse. L’assimilation impossible, La Super-classe mondiale contre les peuples et La Nouvelle guerre des mondes ♦ Dans la dynamique collection « Cartouches » de l’Institut Iliade, Henri Levavasseur, docteur en histoire et germaniste, vient de publier L’identité, socle de la cité[1], ouvrage préfacé par Jean-Yves Le Gallou. Le sous-titre de l’essai en résume la substance : « Réconcilier ethnos et polis ». Un essai court mais vif et dense.

La crise de la cité déracinée

Pourquoi réconcilier ces deux réalités ?

Parce que les Européens, soumis à une immigration de peuplement massive et rapide, se trouvent désormais « sommés par leurs propres dirigeants de renoncer à leur identité ethnique et culturelle au profit d’un nouveau modèle de société cosmopolite, fondé sur l’adhésion à des valeurs abstraites et universelles[2] ».

Or ce modèle ne peut pas fonctionner car la perte de tout équilibre entre communauté ethnique et communauté civique, entre ethnos et polis comme auraient dit les Grecs, provoque la destruction chaotique des nations, devenues des cités sans racines.

Pour cette raison les nations d’Europe, du moins d’Europe occidentale, se trouvent en crise, ce qu’illustre entre autres, l’explosion de la violence et du crime, en particulier en France, premier pays européen pour le nombre d’homicides ou d’actes de terrorisme.

Pas de politique sans identité !

L’assimilation impossible

Prétendre assimiler ou intégrer des populations issues d’autres civilisations en réduisant la nation à une contractualisation autour de principes abstraits que l’on prétend universels repose en outre sur une absurdité : car si ces principes sont universels (ce qu’ils ne sont pas en réalité !) ils ne sauraient caractériser un peuple en particulier et par conséquent ils ne permettent pas de s’assimiler à quoi que ce soit.

Car l’homme en soi n’existe que dans la philosophie des Lumières : dans le monde réel, les « hommes n’existent dans leur diversité que par ce qui les distingue… et non par ce qu’ils ont superficiellement en commun », comme l’écrivait Dominique Venner[3]et que l’auteur cite à propos.

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La république universelle contre les patries charnelles

Henri Levavasseur procède sur ce plan à une relecture originale de la célèbre conférence d’Ernest Renan « Qu’est-ce qu’une nation ? », donnée en 1882. Il nous montre que le propos de Renan ne se limite pas au fameux « plébiscite de tous les jours » que tous les progressistes continuent d’invoquer de nos jours pour réduire la citoyenneté au contrat idéologique. L’auteur nous montre en effet que Renan, même dans ce texte de circonstance, avait bien compris que sans identité commune – et notamment sans langage commun ! – aucun plébiscite ne serait jamais possible.

Reprenant l’analyse de Jean de Viguerie, Henri Levavasseur date la dissociation entre identité et société, entre ethnos et polis, de la révolution des Lumières. Pour lui, la patrie ou la république des révolutionnaires n’a plus rien de charnel ni bien sûr d’hérité : elle n’est plus que le support et l’instrument de la république universelle qu’ils appellent de leurs vœux. Exactement comme Jean Monnet ne concevait la « construction européenne » que comme une étape vers une gouvernance mondiale et non comme une renaissance de l’Europe.

L’aporie libérale

Dans la seconde partie de son essai, intitulée « L’aporie libérale », Henri Levavasseur montre que le divorce entre ethnos et polis s’enracine également dans l’idéologie libérale, fruit des mêmes Lumières, car « l’idéal de la société libérale est bien celui d’une association d’individus disposant librement de la faculté de choisir leur identité en s’affranchissant au besoin des déterminismes héréditaires et culturels[4] ». John Locke n’affirmait-il pas qu’un « enfant ne naît d’aucun pays » ?

Pour Henri Levavasseur, la postmodernité repose sur l’extension à l’excès de la doxa individualiste et contractualiste du libéralisme. Mais la patrie idéologique qu’ont construite les Lumières a fini par détruire la patrie charnelle au xxie siècle, comme « le recours systématique à la morale universelle des droits de l’homme finit par saper les fondements même de l’ordre politique traditionnel, lié à la souveraineté d’un peuple sur son territoire[5] ».

Et tel un parasite qui ne peut survivre longtemps à l’organisme dont il a épuisé la substance, la république abstraite risque fort de disparaître à son tour. L’échec des fameuses « valeurs de la République » à répondre au défi représenté par l’immigration de masse et l’islam n’en apporte-t-il pas la preuve ?

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Pour reconstruire

Dans la dernière partie de son essai, intitulée « Penser l’ethnos », Henri Levavasseur jette les bases d’une reconstruction de la cité autour du principe d’identité et de la prise en compte de la véritable nature de l’homme comme animal social et comme héritier. Autour aussi de la façon dont les Grecs pensaient les rapports de l’homme et de la cité.

Mais l’identité ne se réduit pas au passé : elle est au contraire « ce qui ne passe pas », affirmait Dominique Venner. L’identité est donc « un potentiel qu’il nous revient de réaliser selon des modalités propres aux contingences du moment, afin d’entrer en résonance avec notre destin[6] », écrit Henri Levavasseur.

L’auteur rappelle aussi que l’ethnos recouvre une réalité complexe, qui ne se réduit pas à la race, concept scientiste élaboré à la fin du xixe siècle. L’ethnos est « bien plus qu’une notion d’ordre strictement biologique : son existence repose sur une mémoire et une tradition communes, ainsi que sur la fidélité à un ethos spécifique[7] ». Un ethos, c’est-à-dire une manière de se comporter en conformité avec l’usage, la coutume et la tradition en un lieu donné, dans un séjour habituel. Tout le contraire donc de la déconstruction postmoderniste !

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Redevenir ce que nous sommes

Il s’agit donc de redevenir ce que nous sommes au moment où les « valeurs » abstraites sur lesquelles l’Occident prétend aujourd’hui fonder de façon exclusive son identité « représentent la promesse d’une destruction irréversible de notre culture et de nos peuples[8] » et dont nous percevons désormais les inquiétantes prémices.

Mais ces bouleversements à venir peuvent aussi constituer le kairos, l’occasion décisive pour que les Européens retrouvent « une claire conscience de leur destin, une fois libérés des illusions qui les ont longtemps aveuglés et qui les paralysent encore aujourd’hui[9] ».

Et c’est à un tel tournant qu’Henri Levavasseur nous invite à œuvrer.

L’Identité, socle de la cité, un essai à lire et à méditer.

Michel Geoffroy
18/05/2021

[1] Levavasseur (Henri), L’Identité, socle de la cité, éditions La Nouvelle Librairie, 2021, 7 euros.
[2] Ibid., quatrième de couverture.
[3] Ibid., p. 14.
[4] Ibid., p. 36.
[5] Ibid., p. 41.
[6] Ibid., p. 52.
[7] Ibid., p. 64.
[8] Ibid., p. 69.
[9] Ibid., p. 78.

Michel Geoffroy

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