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« Osons l’autorité » de Thibault de Montbrial : l’autorité, oui, mais l’autorité juste !

« Osons l’autorité » de Thibault de Montbrial : l’autorité, oui, mais l’autorité juste !

Par Paul Tormenen, juriste et spécialiste des questions migratoires ♦ En septembre de cette année sortait en librairie Osons l’autorité, le dernier essai de l’avocat Thibault de Montbrial. Le président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure y fait un constat argumenté et sévère : notre sécurité ne cesse de reculer. Il préconise également plusieurs mesures visant à rétablir l’autorité de l’État et des institutions. Ce rétablissement est en France un souhait largement partagé. Mais c’est non seulement d’autorité que notre pays a besoin, mais surtout d’une autorité juste !

Thibault de Montbrial, un homme engagé dans la vie de la cité

Le parcours de Thibault de Montbrial lui donne une crédibilité pour parler des différents sujets qu’il aborde dans son essai : sécurité, justice, terrorisme, etc. Avocat depuis 25 ans, il défend fréquemment des personnels des ministères de l’Intérieur et des Armées, et parfois des victimes du terrorisme. Il préside le Centre de réflexion sur la sécurité intérieure, un think tank dont l’objectif est de contribuer à la réflexion autour des questions sur ce sujet. La lecture de l’essai qui vient d’être publié nous apprend également que l’avocat est parfois consulté par des membres du gouvernement dans sa spécialité, le droit. Il participe à la rédaction d’un livre blanc sur la sécurité intérieure, qui n’est pas encore achevé à ce jour.

Thibault de Montbrial définit dans son essai l’autorité comme l’expression d’un « projet commun que l’on protège et préserve » et non pas celle d’une « volonté verticale imposée ».

Osons l’autorité comporte deux parties : un diagnostic (l’autorité en miettes) et un plan d’action (restaurer l’autorité).

L’autorité en miettes

Thibault de Montbrial fait un constat auquel tout observateur un peu vigilant et non dogmatique ne peut que souscrire : « Notre société est minée par des fractures beaucoup plus nombreuses et profondes qu’il y a cinq ans. » Ces fractures se manifestent notamment dans les situations suivantes :

  • La doctrine défaillante du maintien de l’ordre dans les manifestations depuis la mort de Malik Oussekine en 1986. La doctrine actuelle ne permet pas de mettre fin aux violences des casseurs. Il en résulte un sentiment d’impunité.
    Thibault de Montbrial salue néanmoins le changement dans la stratégie policière depuis une manifestation de Gilets jaunes en décembre 2018, qui tendrait à plus d’efficacité dans le maintien de l’ordre (filtrage et « picking »). On aurait aimé qu’il insiste davantage sur la différence de traitement par les forces de l’ordre, d’une part lors des violences urbaines organisées par les black blocs et les racailles des cités, et d’autre part lors de manifestations de Gilets jaunes. Au cours de ces dernières, combien de manifestants pacifiques blessés, éborgnés pour simplement avoir été là au mauvais moment ? L’usage de la « violence légitime » semble parfois obéir à d’autres considérations que l’égalité des citoyens devant la loi.

  • Le crépuscule des frontières. Thibault de Montbrial ne manie pas la langue de bois. « Le socle commun à quasiment toutes les menaces auxquelles nous sommes confrontés et les problématiques de sécurité intérieure auxquelles nous devons faire face doivent être nommés clairement : c’est l’immigration », aurait-il affirmé à des responsables publics stupéfaits dans le cadre d’une réunion consacrée à la rédaction du livre blanc sur la sécurité intérieure. Il est vrai que les exemples d’actualité ne manquent pas… Le taux dérisoire de reconductions effectives des étrangers en situation irrégulière (15 % en 2019) est présenté comme une illustration de « l’abandon de l’autorité en matière d’immigration ».
  • Un aveuglement coupable face à l’islamisme. La victimisation promue notamment par le CCIF vise à amener les musulmans à resserrer les rangs dans la communauté. Les nombreux « idiots utiles » de l’islamisme, élus, stars du showbiz, etc. sont égratignés au passage pour fermer les yeux sur ce qu’ils cautionnent implicitement.
  • Le terrorisme islamiste. T. de Montbrial souligne que la France a été dans la période 2013-2016 le pays européen le plus touché.
  • Une justice inconsciente. Différentes lois prises par des gouvernements tant de gauche que de droite ont fait de l’emprisonnement des délinquants l’exception, ce qui contribue à un climat d’impunité. La non-exécution de nombreuses peines contribue également à donner aux délinquants un « sentiment de toute-puissance ». Les chiffres que T. de Montbrial avance à ce sujet sont éloquents… et glaçants.

Restaurer l’autorité

La deuxième partie du livre contient des propositions pratiques visant à rétablir l’autorité.

  • Favoriser l’interopérabilité entre police et gendarmerie.
    C’est un vieux serpent de mer à ressortir avec prudence, serait-on tenté de dire, tant des réorganisations ont dans le passé abouti plus à des désorganisations qu’à une efficacité renforcée.

  • Redonner confiance à la police. Partant du constat que le ciblage des forces de l’ordre par les voyous est devenu un sport quotidien, T. de Montbrial se dit favorable à la généralisation des caméras-piétons, « pour désamorcer les tensions qui peuvent survenir à l’occasion d’un contrôle ».
    Une mesure qui irait dans le bon sens après la récente campagne de défense de délinquants présentés comme des victimes.
  •  Armer la police municipale et certains agents de sécurité privée.
    On peut ne pas souscrire à ces propositions qui entérinent le manque de moyens de la police nationale, qui, au fil des années, a été comblé tant bien que mal par la police municipale et la sécurité privée. Ladite loi renforçant la sécurité intérieure en débat au Parlement en est un nouvel avatar et risque de donner des pouvoirs inédits aux agents de sécurité privée (1).
  • Créer une task force réunissant policiers, gendarmes, agents du fisc, magistrats, « avec le cas échéant l’aide de l’armée », pour mener des actions visant à mettre un coup d’arrêt à la délinquance dans les banlieues.
    On attend avec curiosité quel gouvernant aura le courage de taper du pied dans la fourmilière…

  • Autoriser légalement les citoyens à recourir à la force en cas d’intrusion d’un individu menaçant à l’intérieur de leur domicile, à l’instar d’autres pays (Suède, Italie, etc.) qui encadrent l’autodéfense.
    Une proposition courageuse à l’heure où les victimes se retrouvent souvent en position d’accusées pour n’être pas restées passives lors de l’intrusion dans leur domicile.

  • Réactiver la défense opérationnelle du territoire (DOT) de la police nationale, sur le modèle de celle existant dans la gendarmerie. L’objectif serait d’apporter une « force d’appoint » composée de réservistes.
  • Revoir le système d’exécution des peines, en le simplifiant, en veillant à l’exécution des peines et en réhabilitant les petites peines. T. de Montbrial préconise que les réductions de peine soient une récompense et non un acquis, qui dans tous les cas ne devraient pas pouvoir intervenir à mi-peine.
  • Atténuer l’excuse de minorité pour les jeunes délinquants de 16 à 18 ans, au tiers de la peine au lieu de la moitié de la peine, comme c’est le cas actuellement.
  • Davantage protéger la société contre les terroristes. Des changements législatifs sont nécessaires pour permettre la rétention de sûreté des djihadistes et l’incrimination au titre d’intelligence avec l’ennemi.

 

Indispensables frontières

Thibault de Montbrial préconise de reprendre le contrôle de nos frontières. Celui-ci passerait par une baisse du nombre de titres de séjour délivrés, une augmentation des expulsions et la création de zones d’accueil pour les demandeurs d’asile, en différents points du continent européen. Davantage de pressions devraient être exercées sur les pays d’origine des clandestins. Des objectifs quantitatifs d’entrées devraient être fixés, sans remettre en cause « nos engagements internationaux vis-à-vis du droit d’asile ».

« Assumer notre identité »

Partant du constat d’une « fracture identitaire et culturelle dans notre pays, liée à l’immigration de religion ou de culture musulmane et à son corollaire, l’islamisme », Thibault de Montbrial appelle les Français à « assumer [leur] identité ». L’avocat plaide pour l’interdiction de Musulmans de France (ex-UOIF), une association fréquemment accusée d’être proche des Frères musulmans.

Cette mesure de salubrité publique ne sera de toute évidence pas retenue par le gouvernement, peu courageux et encore moins téméraire.

La « transcendance [retrouvée – NDLR] autour de notre nation » et l’affirmation de quatre grandes valeurs communes, qu’il n’hésite pas à présenter, participeraient à cette identité retrouvée et assumée.

Le livre se termine par un appel à renforcer les missions régaliennes de l’État, intérieur, justice, défense, et à retrouver notre capacité à maîtriser notre destin.

Les limites de l’essai de Thibault de Montbrial

Si l’on ne peut nier l’utile contribution de Thibault de Montbrial au débat sur la sécurité et l’autorité, ses préconisations se heurtent à nos yeux à un certain nombre d’écueils et de limites.

À l’instar de l’actuel garde des Sceaux, Thibault de Montbrial accrédite dans certaines de ses déclarations l’existence d’un cercle de respectabilité, dont serait exclue « l’extrême droite » (2). Comme s’il fallait donner des gages aux « progressistes » quand on a un discours disruptif.
Cette position qu’il veut « républicaine » est peut-être à l’origine des demi-mesures qu’il préconise : comment croire que les demandes d’asile baisseront drastiquement, comme cela est nécessaire, dans le cadre juridique actuel par la seule création de centres d’accueil pour les demandeurs d’asile ?
De même, l’ouvrage aurait utilement pu contenir des propositions tangibles sur la nécessaire modification du cadre juridique qui permet actuellement une immigration massive, légale et illégale, en France, en ce qui concerne notamment les regroupements familiaux, l’admission d’étrangers à l’aide sociale à l’enfance, etc.

L’avocat aurait également pu davantage souligner que l’autorité se manifeste parfois mal à propos et dérive en autoritarisme. Les exemples ne manquent pas : la surveillance par drones prévue dans la future loi sur la sécurité globale, les lourdes condamnations de certains militants, toujours du même bord, pour leur exercice de la liberté d’expression, même si leurs propos peuvent choquer, etc.

Il faut toutefois reconnaître à Thibault de Montbrial le courage de dénoncer la responsabilité de l’immigration incontrôlée dans de nombreux problèmes que connaît la France et de faire plusieurs propositions, souvent de bon sens, visant à restaurer l’autorité perdue dans de nombreux domaines. Une autorité qui ne doit pas être aveugle, mais juste et proportionnée. C’est à rebours d’un laxisme qui progresse constamment dans la société française que T. de Montbrial nous demande d’aller. Cet appel d’une actualité brûlante aurait tout intérêt à être entendu.

Paul Tormenen
30/11/2020

Osons l’autorité, Thibault de Montbrial, Éd. de l’Observatoire, 2020.

 

(1) Proposition de loi n° 3452 relative à la sécurité globale, enregistrée le 20 octobre 2020. Assemblée nationale.
(2) « Un homme de fer au barreau ». Le Monde. 16 mars 2012.

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