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Macron absent d’Amiens : une grave faute diplomatique

Macron absent d’Amiens : une grave faute diplomatique

Par Camille Galic, journaliste, essayiste ♦  On peut penser que, comme le démontrent — après Bruno Riondel dans sa passionnante biographie de cet « étrange M. Jean Monnet » — les historiens britanniques, Gerry Docherty et Jim MacGregor [1], c’est la Perfide Albion qui poussa à la terrible guerre civile européenne que fut la prétendue « Der des der » pour des mobiles essentiellement mercantiles et dans l’espoir d’instituer une supergouvernance anglo-saxonne. Mais cela n’enlève rien au courage et au sacrifice des combattants dont plusieurs millions finirent sous les « croix de bois » évoquées par l’un d’eux, l’écrivain Roland Dorgelès. Et surtout, on n’imagine pas qu’Emmanuel Macron s’intéresse beaucoup à « l’histoire occultée » de ce drame qui en engendra tant d’autres, ainsi que la plupart des maux dont nous souffrons un siècle plus tard.


Les Poilus sacrifiés aux vacances

Il est donc assez choquant que, six jours après avoir obligé Theresa May à venir dîner au fort de Brégançon à seule fin de justifier les dépenses entreprises dans cette résidence, le président français ait snobé le 8 août la commémoration solennelle de la bataille d’Amiens, à laquelle assistaient le prince William, héritier présomptif du trône britannique après sonpère Charles de Galles, ainsi que Theresa May, l’ancien président allemande Joachim Gauck, et des délégations canadiennes, américaines, australiennes et irlandaises.

Une commémoration qui culmina avec une grand’messe célébrée à la cathédrale Notre-Dame d’Amiens à la mémoire des 23 000 soldats anglais qui perdirent la vie dans l’enfer de la Somme, mais aussi de leurs 22 000 camarades français, qui eussent mérité un hommage présidentiel. Absent également, Edouard Philippe s’était contenté de déléguer le ministre des Armées Florence Parly et sa secrétaire d’État Geneviève Darrieussecq. C’est un peu court, jeune homme ! Surtout quand on se veut un un champion de l’unité et de la fraternité européennes justement évoquées par le prince William : « Amiens symbolisa l’entente cordiale, la coopération sans laquelle la victoire était impossible. Il est donc profondément approprié que cette même coalition internationale soit de nouveau réunie à Amiens en ce jour, aux côtés de notre ancien ennemi, dans un esprit de paix et de partenariat. »

On conçoit qu’après quatorze mois au pouvoir, dont un — le dernier — particulièrement pénible compte tenu de la sordide affaire Benalla, les occupants de l’Elysée et de Matignon aient besoin de souffler. Mais, enfin, l’aérodrome militaire de Hyères est asse proche de Brégançon et, par hélicoptère puis avion, il n’aurait fallu qu’une heure et demie de vol à Emmanuel Macron pour rallier Amiens — qui dispose également d’un aéroport. Cet effort dépassait-il ses forces ?A moins que sa conseillère (sénégalaise) en communication, Sibeth Ndiaye, l’ait convaincu que le jeu n’en valait pas la chandelle et qu’un bain de foule à Bormes-les-Mimosas, en compagnie d’aoûtiens suants de retour de plage, servirait mieux son image. Mais, justement, le contraste fut cruel entre le recueillement d’Amiens et la vision d’un Manu d’ailleurs très amaigri et flétri, mais hilare, se faisant prendre en selfie comme un vulgaire Booba.

Autre hypothèse : agacée par les continuelles leçons assenées par le Français, la presse britannique ne l’a pas ménagé sur son « copinage malsain » (pour parler comme le préfet Delpuech qui, pourtant, partageait ce copinage comme en témoigne une carte découverte au domicile de l’ancien chargé de mission, et dans laquelle le préfet lui donnait du « cher ami ») avec Benalla. Non seulement la « presse de caniveau » a glosé sur les bizarreries de son attelage avec le Maghrébin mais les quotidiens sérieux tels The Times, The Guardian ou The Financial Times ont à cette occasion rappelé des épisodes peu glorieux de la vie et de la carrière de l’actuel Elyséen : trahisons, promesses non tenues, échecs. Macron a-t-il voulu se venger de ces critiques ? En tout cas, il a commis là un fameux raté diplomatiques, dont se souviendront les chancelleries.

1986 : le précédent du bois Delville

Ce n’est pas la première fois, il est vrai, que les commémorations de la Grande Guerre donnent lieu à de tel couacs.

Le 11 novembre 1986, François Mitterrand trônant à l’Elysée et Jacques Chirac à Matignon, le Premier ministre sud-africain se rendit dans la Somme, au bois Delville où, le 14 juillet 1916, la brigade sud-africaine, composée de quatre bataillons, environ 3 150 hommes, avait reçu l’ordre de tenir ses positions « coûte que coûte ». Ce qu’ils firent : quand la brigade fut relevés le 20 juillet, elle était exsangue : 1 080 hommes avaient été tués, 1 735 blessés. Cette unité étant composé de Blancs, la visite de Botha fut précédée et accompagnée de violentes manifestations organisées par SOS Racisme et le MRAP contre « le visiteur de la honte », symbole d’un apartheid honni, et, jusqu’au dernier moment, se posa la question de son maintien.

Finalement, elle eut lieu dans la gadoue et la rumeur haineuse des manifestants, la pluie battante ajoutant à la tristesse et à l’écœurement de voir ainsi bafouée la mémoire des Du Toit, Le Roux et autres Viljoen (transcription en afrikaans de Villon) venus au secours d’un pays qui avait banni leurs ancêtres, beaucoup des héroïques combattants du Bois Delville étant des descendants des huguenots chassés en 1685 par l’Edit de Fontainebleau. Seuls représentants officiels de la République : le maire de Longueval, où est érigé le mémorial aux soldats sud-africains, et le sous-préfet de Péronne. Sauvèrent toutefois l’honneur les députés du Front national venus en nombre, ceints de leur écharpe, et le président et les porte-drapeaux de l’Union nationale des Parachutistes.

Pieter Botha ne fit aucun commentaire mais l’insulte qui lui avait été infligée eut une suite inattendue, encore que logique. Les ventes de Peugeot — firme très prisée des Afrikander d’origine française car fondée par une dynastie protestante — s’effondrèrent, pour le plus grand profit des Toyota et autres Suzuki.

Si un bienfait n’est paraît-il jamais perdu, une mauvaise manière peut coûter très cher.

Camille Gallic
10/08/2018

 

[1] Les Origines secrètes de la Première Guerre mondiale, 530 pages, 23 euros.

Source : Correspondance Polémia

Crédit photo : Présidence du Mexique [CC BY 2.0], via Flickr

Camille Galic

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