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« Les Damnés de la presse » de Jean Christaki de Germain

« Les Damnés de la presse » de Jean Christaki de Germain

Faut-il s’étonner que, dans les sondages sur les professions les plus populaires, les journalistes végètent depuis des années en queue de peloton ? L’astucieux titre en coup de poing, « Les Damnés de la presse. Léchés, lâchés, lynchés » est un peu trompeur. Beaucoup moins polémique que ne le laisse à penser sa couverture, ce livre est plutôt une méditation, très littéraire (on y trouve même un poème), sur l’antique adage selon lequel « la Roche tarpéienne est proche du Capitole ». De plus, tous les exemples choisis – le « petit juge » Lambert de l’affaire Grégory, les anciens premiers ministres Édith Cresson et Pierre Bérégovoy, Jérôme Cahuzac, l’écrivain maudit Richard Millet, DSK, le cycliste Lance Armstrong, Robert Ménard ou encore Christine Boutin – n’ont pas tous été léchés avant que d’être lynchés, la dernière citée, par exemple, n’ayant jamais été encensée par la presse.

De l’hagiographie à l’hallali

Reste que l’auteur, bien connu des auditeurs de Radio Courtoisie où il produit et présente l’émission « Promenade et flâneries aux domaines de poésie », a raison de souligner ce péché récurrent de la presse qui, ayant sans cesse besoin de chair fraîche pour se vendre et « financer son fonctionnellement quotidien », porte volontiers au pinacle ceux qu’elle vouera demain aux gémonies – encore que certains, comme par grâce d’État, échappent au pilori, tel Laurent Fabius que son implication dans le scandale d’État du sang contaminé n’empêcha jamais d’accéder par la suite aux postes les plus prestigieux, présidence de l’Assemblée nationale ou ministères régaliens. Ce jeu de massacre prend d’autant plus d’ampleur et se révèle d’autant plus meurtrier pour ses victimes que la versatilité des journalistes se double d’un rare instinct grégaire : il suffit que les chefs de meute donnent le la pour que le troupeau se déchaîne, de la presse de gauche à celle dite de droite.

Versatilité, moutonnisme, aplatissement devant les puissants et acharnement contre les déchus, à tous ces vices de la gent journalistique s’en ajoute un autre : la tartufferie. Comment des chroniqueurs qui passaient pour les gens les mieux informés de Paris pouvaient-ils présenter en 2011 Dominique Strauss-Kahn « comme le candidat “irremplaçable” de la campagne politique à venir et comme le probable futur président de la République française » alors qu’ils n’ignoraient rien d’une érotomanie susceptible de le mettre en danger (ce que prouva surabondamment l’affaire Nafissatou Diallo) et le pays avec lui ? S’ils avaient volontairement occulté cet aspect du personnage, c’est, explique M. Christaki de Germain, parce qu’ils voulaient rééditer leur exploit de 2006 quand « tous les médias confondus ont créé ex nihilo la candidature de Ségolène Royal en projetant dans l’imaginaire populaire, plus d’un an avant le second tour de l’élection, l’idée sensationnelle d’un duel Royal-Sarkozy. En 2011, DSK était, plus d’un an avant l’échéance, le nouveau duelliste prêt à bondir dans l’arène. Avec force sondages, on avait virtuellement démontré que le destin était en marche. »

On sait comment ce destin s’arrêta dans une suite du Sofitel de New York, mais la presse n’y perdit pas puisque à l’hagiographie succéda l’hallali, qui fit battre tous les records de vente, y compris au Nouvel Observateur, quelques mois plus tôt principal thuriféraire du nouveau damné.

Une profession décrédibilisée

Ainsi va la presse… Faut-il s’étonner que, dans les sondages sur les professions les plus populaires, les journalistes végètent depuis des années en queue de peloton ? D’une nouvelle enquête Ipsos réalisée en janvier 2014 pour Le Monde, le CEVIPOF, la Fondation Jean Jaurès et France inter, il ressortait que seuls 23% des Français leur font confiance, 72% des sondés mettant au contraire en doute l’indépendance et l’intégrité des journalistes.

Ne leur en déplaise, ce n’est pas la lecture des Damnés de la presse qui risque de les faire changer d’avis !

 Claude Lorne
27/03/2014

Jean Christaki de Germain, Les Damnés de la presse, préface d’André Bercoff, éditions du Rocher, mars 2014, 250 pages.

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