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Les conséquences du libre-échangisme mondialiste sur l’emploi européen : les constats de l’INSEE

Les conséquences du libre-échangisme mondialiste sur l’emploi européen : les constats de l’INSEE

par | 18 mai 2011 | Économie

La publication de l’enquête INSEE sur l’évolution du paysage professionnel européen 2000/2009 réalisée sur la base d’une enquête communautaire auprès de 1,5 million de personnes (Les Echos du 5 mai 2011) fournit d’intéressantes informations sur les conséquences du libre-échangisme mondialiste sur l’emploi en Europe. Des confirmations pénibles également : recul des emplois industriels et agricoles, économie de services à plusieurs vitesses, poussée des emplois financiers et parasites, montée des travaux non qualifiés, chute des emplois d’ouvriers qualifiés, Un Système de plus en plus oligarchique et inégalitaire. Que constate l’INSEE en effet ?

Recul des emplois industriels et de l’agriculture

D’abord un recul des emplois industriels et dans l’agriculture (de moins 7% à moins 22%) ; des effectifs de marins pêcheurs aussi (*) de même que ceux des travailleurs indépendants (moins 5% sur la période).

En effet, l’Europe compte de moins en moins de producteurs sur son sol et son littoral.

L’industrie a réduit la main-d’œuvre autochtone et délocalisé de plus en plus la transformation des matières premières et la production. La société Philips vient ainsi d’annoncer au début du mois d’avril qu’elle arrêtait son activité historique de production de téléviseurs : ils seront désormais réalisés par un joint-venture avec une entreprise taïwanaise TPV-technologies, tout un symbole ! Il ne reste donc plus aujourd’hui que deux constructeurs européens de téléviseurs : Loewe et Bang et Olufsen (Les Echos du 19 avril 2011) Mais pour combien de temps encore ?

Cela signifie en tout cas que l’Europe est de plus en plus dépendante du commerce international pour son approvisionnement, même en biens usuels et en produits alimentaires. Il suffit pour s’en persuader de regarder sur les emballages le lieu de provenance des produits vendus dans le commerce : dépaysement assuré ! Les Européens sont donc de plus en plus dépendants du bon vouloir des Asiatiques et dans une moindre mesure des Africains pour produire les biens qu’ils souhaitent consommer. Il suffit désormais d’un « printemps arabe » pour que les prix à la pompe s’envolent en France. De plus en plus dépendants par conséquent de la valeur de leur monnaie, alors que leurs déficits explosent. Vive le doux commerce!

Une économie de services à plusieurs vitesses

Corrélativement, l’Europe développe une économie de services, mais à plusieurs vitesses. Le modèle britannique a, hélas, fait école. On ne produit plus : on boursicote, on commerce, on se soigne et on communique… Mais une économie de services n’est qu’une économie dépendante des autres.

Dans les entreprises la proportion de cadres et de professions intermédiaires a augmenté, conséquence de la progression de leur taille : dans les grandes entreprises mondialisées il faut en effet moins de producteurs mais plus de services marketing, de services financiers, comptables et informatiques et bien sûr plus de services « RH » pour gérer la « diversité » ou les plans sociaux. Les métiers d’ingénieurs et d’informaticiens ont ainsi fortement progressé sur la période (+31% et +44%). De même que les enseignants de l’enseignement supérieur (+33%) car il faut bien former les précédents. Les « professions intermédiaires » ont aussi notablement augmenté (+29%) sur la période : courtiers en valeurs, agents commerciaux, agents immobiliers, experts, agents d’assurance etc…

Ce sont les emplois financiers et parasites qui prospèrent

En d’autres termes ce sont les bénéficiaires des différentes bulles spéculatives et de la financiarisation croissante de l’économie occidentale qui ont prospéré. Mais ces « emplois » ne produisent que des « services » financiers peu « durables » et souvent parasites : ils sont la plupart du temps financés en outre grâce à la spoliation périodique des épargnants et grâce à la hausse des prix à la consommation. Mais ces emplois parasites ont aussi bénéficié à ceux qui ont investi dans l’immobilier et grâce à qui il est désormais très difficile de se loger en centre ville en Europe quand on est jeune. Il n’y a d’ailleurs que dans le secteur du bâtiment que le nombre de travailleurs indépendants augmente, ce qui est significatif. Mais « les vices privés font les vertus publiques » n’est-ce pas ?

Hausse des emplois non qualifiés, baisse des emplois d’ouvriers qualifiés

Fait notable également, la progression des services à la personne : exemple, le nombre de coiffeurs et d’esthéticiennes aurait progressé de 42% et celui des médecins de 24%. Dans le grand hôpital qu’est devenue l’Europe occidentale il faut en effet de plus en plus soigner et accompagner les autochtones, à la mesure du vieillissement de la population et de l’implosion des solidarités familiales. Les effectifs des aides ménagères, des nettoyeurs et blanchisseurs sont les professions non qualifiées qui ont créé le plus d’emplois en Europe ! Dans le même temps celui des ouvriers qualifiés chutait de 7%.

Un Système de plus en plus oligarchique et inégalitaire

Ce mouvement traduit une évolution en profondeur des sociétés européennes, conformément à un Système de plus en plus oligarchique et inégalitaire : d’un côté, tous ceux qui profitent de la financiarisation d’une économie de plus en plus virtuelle : cadres et maîtrise des grandes entreprises transnationales, chercheurs ou prestataires de services pour ces mêmes entreprises ou pour le système bancaire et son extension médiatique. Leur emploi et leur rémunération dépend du maintien du système de libre-échange mondial préconisé par l’oligarchie occidentale : il repose sur la fuite en avant dans le mondialisme. A eux la « mondialisation heureuse » : les hauts salaires, la mobilité, la bonne formation, les bons services, la bonne image.

De l’autre, les salariés plus ou moins qualifiés dont la prospérité et l’emploi dépendent des décisions prises par les précédents et par le reste du monde. A eux les temps de trajet domicile-travail allongés, l’alourdissement du stress au travail (que soulignent de très nombreuses études de sociologie du travail et qu’illustrent tragiquement les suicides chez France Télécom), les courses dans les centres commerciaux de la périphérie des villes, la crise de l’enseignement et les petits boulots pour leurs enfants, la hausse des prix à la consommation, la diminution des services sociaux trop « coûteux ». Et en prime, la peur ou la réalité du chômage. Car ces salariés sont concurrencés par la progression de l’immigration qui porte principalement sur les emplois les moins qualifiés et bien sûr aussi directement soumis à la concurrence des travailleurs chinois ou indiens.

Cette question n’est pas abordée, bien sûr, dans l’étude de l’INSEE qui se borne à relever la montée de l’emploi féminin (son taux d’emploi est passé de 53,7% à 58,6%) sur la même période.

L’Europe s’est endormie comme l’Espagne au XVIIe siècle

Elle dresse pourtant le portrait d’une Europe qui n’est pas sans rappeler l’Espagne à partir de la conquête des Amériques : une Europe qui ne produit plus, qui travaille moins qu’ailleurs et qui croit tirer sa puissance des seuls revenus financiers procurés par le travail des autres, aujourd’hui des esclaves asiatiques comme hier des amérindiens. Il a fallu moins d’un siècle pour laminer la puissante Espagne qui était pourtant maîtresse des mers et de la moitié du monde connu.

La puissance ne peut reposer sur le seul échange

Car il n’y a pas de puissance économique durable, et donc de puissance politique tout court, qui ne repose sur la production et non sur le seul échange. L’oligarchie qui nous régale des mérites de « l’économie numérique », de « l’ouverture des frontières » et du « développement durable », faute de croissance, ressemble de plus en plus aux hidalgos qui peuplaient le glacial palais de l’Escurial : impuissants à enrayer le déclin de leur empire. Le panache et la grandeur en moins, hélas.

Michel Geoffroy
11/05/2011

Note

(*) de 1990 à 2009 le nombre de marins pêcheurs en France a diminué de 60% (Les Echos du 2/5/2011)

Michel Geoffroy

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