Alors que nos médias, en mal de copie, aiment bien évoquer périodiquement des risques de guerre civile chez nous ou aux États-Unis, le livre de Michel Festivi Les Griffes de Staline sur l’Espagne républicaine [1] vient à point nommé.
Car c’est un essai documenté et non journalistique, écrit par un chercheur spécialiste de l’histoire espagnole et qui se rattache au courant de la nouvelle historiographie ibérique. L’essai est d’ailleurs préfacé par Pío Moa, homme de gauche, écrivain et essayiste espagnol, spécialiste de l’Espagne des années trente, auteur notamment d’une étude décapante sur Les Mythes de la guerre d’Espagne, parue en 2022.
L’essai de Michel Festivi ne se borne pas en effet à démonter les mécanismes d’une vraie guerre civile, dans toute son horreur. Mais, à la suite de Pío Moa dont il reprend nombre d’analyses, il s’attaque aux mythes toujours vivaces aujourd’hui — et pas seulement au-delà des Pyrénées — de la guerre civile espagnole.
Les bons et les méchants
Non, la guerre d’Espagne n’a pas opposé les gentils républicains du Front populaire aux méchants comploteurs fascistes et cagots menés par Franco !
Les républicains étaient bien des « rouges », comme disaient alors les franquistes, car, comme l’écrit Pío Moa dans sa préface, « le Front populaire n’était pas indépendant, car en remettant les principales réserves d’or du pays à Staline, il s’est placé directement sous son pouvoir ». [2]
Michel Festivi démonte notamment l’argument classique selon lequel la pauvreté et la misère sociale de l’Espagne auraient été à l’origine de la violence politique et antireligieuse.
Au contraire, l’Espagne était en plein développement économique et social, et des pays plus pauvres et arriérés, comme le Portugal par exemple, n’ont pas connu de tels débordements.
Cette violence est née plus sûrement « de la volonté intrinsèque des gauches révolutionnaires espagnoles de prendre le pouvoir puis de le conserver, refusant toute alternance démocratique » [3]. Une gauche révolutionnaire qui va détruire progressivement toute légalité, tout en ruinant le pays.
Manuel Azaña, Premier ministre puis président de la République, déclarera d’ailleurs significativement en 1934 : « Au-dessus de la Constitution se trouve la République et, plus haut encore, la Révolution. » [4]
Le coup d’État permanent
Avec une telle vision militante, la Seconde République espagnole va vivre au rythme du coup d’État institutionnel permanent, la gauche n’admettant le résultat des urnes qu’à la seule condition qu’il la plébiscite.
Le bilan de la Seconde République va ainsi devenir rapidement catastrophique dans tous les domaines : instabilité politique (vingt gouvernements de 1931 à 1936…), insécurité générale, destructions multiples d’édifices religieux ou culturels, tentatives de coups d’État, diffusion de la haine sociale, censure de la presse, scandales financiers, séparatisme, etc.
Et c’est pourquoi elle deviendra le laboratoire de la guerre civile, avec la révolution d’octobre 1934, initiée par les socialistes et qui fut « la plus grande tentative de révolution en Europe depuis la Commune de Paris ». [5] Cette révolution échoua dans le sang, mais elle laissa des traces immenses dans le pays.
Des républicains… bolcheviques
L’auteur montre aussi que, contrairement à la légende, il n’y avait pas non plus d’un côté les méchants communistes et de l’autre les bons socialistes et les naïfs anarchistes.
En réalité, les socialistes du PSOE se réclamaient du bolchevisme et de l’extrémisme révolutionnaire tout comme les communistes ; et les anarchistes ont imposé, dans les zones qu’ils contrôlaient, une collectivisation fanatique et confiscatoire qui va ruiner l’économie et provoquer la fuite du petit peuple qui le pouvait vers les provinces nationalistes.
L’inflation pendant les années de guerre civile atteignit ainsi 450 % par an en zone rouge contre 13,5 % par an en zone nationaliste. [6]
Très vite donc, les républicains modérés et les libéraux seront marginalisés par cette gauche radicalisée, laquelle deviendra à son tour le jouet des communistes qui vont implanter en Espagne les méthodes soviétiques et du NKVD.
Ce double mouvement explique la défaite du camp « républicain », de plus en plus isolé du reste de la population, bien plus que les avions et les chars de Franco.
Michel Festivi rappelle que les Soviétiques vont justement créer le mythe du combat antifasciste des républicains espagnols, pour cacher le rôle croissant joué par l’URSS dans la guerre d’Espagne et pour tromper les naïfs occidentaux — un piège qui va se révéler efficace puisqu’il fonctionne encore de nos jours, grâce au lâche aveuglement des intellectuels.
Ne pas confondre les causes et les effets
L’auteur insiste sur la nécessité de ne pas confondre les causes et les conséquences dans l’analyse des faits historiques.
Ainsi, la révolte armée des « nationalistes » en 1936 n’est pas la cause de la guerre d’Espagne, comme la gauche nous le fait croire depuis lors, mais la conséquence du chaos révolutionnaire.
Michel Festivi affirme que cette révolte n’était qu’une réaction de légitime défense contre la terreur révolutionnaire qu’instaurait la gauche radicale depuis des années et qui trouva son acmé en juillet 1936 avec l’assassinat annoncé du député de droite Calvo Sotelo.
Une réaction qui avait en outre le soutien de la majorité des Espagnols, lassés et inquiets de la révolution comme des persécutions anticatholiques, ainsi que le prouvent les élections donnant une majorité aux partis de droite et du centre.
Car l’Espagne « républicaine » correspondait en réalité au « premier essai de démocratie populaire dans le monde », comme l’écrira plus tard Julián Gorkin, ancien chef du POUM. [7] Elle avait tout de la dictature communiste en gestation.
Pour Michel Festivi, le moteur de la guerre civile en Espagne se trouvait donc à gauche et non à droite.
Une réflexion sur la guerre civile
Il faut lire le livre de Michel Festivi Les Griffes de Staline sur l’Espagne républicaine, car il ne constitue pas seulement une remarquable mise au point sur ce drame historique qu’a été la guerre d’Espagne, à rebours de l’« historiquement correct » qui continue de régner aujourd’hui à ce sujet.
Puisque, malheureusement, « tout est fait actuellement en Espagne pour effacer la mémoire nationale au profit des gauches ». [8] Et « tous les tortionnaires des tchékas qui ont tué, martyrisé, torturé, exécuté et qui ont justement été condamnés après la guerre, ont été réhabilités, mais seulement eux ». [9]
Mais aussi parce que son livre nous invite à réfléchir sur ce qui peut provoquer un affrontement civil, en pointant notamment la responsabilité des politiciens impuissants à garantir l’ordre public, le jeu des partis indifférents au bien commun, le fanatisme des idéologues, l’incapacité de la gauche à gérer l’économie de marché, le mépris de la souveraineté populaire et l’ingérence des puissances étrangères.
Des mécanismes qui nous paraissent bien familiers, hélas.
Michel Geoffroy
29/10/2025
Notes
[1] Michel Festivi, Les Griffes de Staline sur l’Espagne Républicaine, éditions Dualpha 2025, 33€
[2] Michel Festivi, op.cit ; page 10
[3] Op. cit. page 41
[4] Op. cit page 70
[5] Op. cit. page 94
[6] Op. cit. page 222
[7] Op. cit. page 216
[8] Op. cit. page 247
[9] Op. cit. page 248
- Guerre contre la Russie ? Non, guerre contre les peuples européens - 4 novembre 2025
- La guerre d’Espagne revisitée, par Michel Festivi - 29 octobre 2025
- Vol des bijoux au Louvre : l’impunité pour la caste - 23 octobre 2025


Soutenez Polémia, faites un don ! Chaque don vous ouvre le droit à une déduction fiscale de 66% du montant de votre don, profitez-en !




