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La destruction de l’État régalien

La destruction de l’État régalien

par | 23 février 2011 | Politique

Historiquement la France est inséparable de l’État qui lui a donné sa forme. Sur ce plan la République a poursuivi l’œuvre de la monarchie. Jusqu’il y a peu de temps encore, la France disposait d’un appareil d’État solide, du deuxième réseau diplomatique du monde et de nombreux points d’appui militaire en Afrique ; ses pôles de puissance – aéronautique, espace, nucléaire, travaux publics – doivent aussi beaucoup à la politique d’indépendance et de puissance des années 1960. Tout ceci est aujourd’hui remis en cause par une démarche destructrice sous couvert de « modernisation ». Explications.

Alors que les dépenses publiques dépassent 50% du PIB la recherche des économies est concentrée sur les dépenses régaliennes qui n’atteignent que 3,5% du PIB.

Les dépenses régaliennes : 3,5% du PIB

Depuis quarante ans les dépenses publiques ont crû. Sous une double pression : la poussée des transferts sociaux qui représentent plus du quart du PIB et le quasi doublement des dépenses locales qui s’élèvent désormais à 10% du PIB. Dans le même temps la part des dépenses de l’État dans la richesse intérieure a diminué : elle ne dépasse guère 15% aujourd’hui dont 2% pour la charge de la dette. Les dépenses régaliennes – le cœur de l’État – ont-elles mêmes été réduites à la portion congrue : 3,5% du PIB.

L’étrange focalisation des « réformateurs » sur les dépenses régaliennes de l’État

Ce qui est étrange, c’est que ce sont ces 3,5% de dépenses qui sont la cible principale des forces critiques des dépenses publiques ; c’est souvent sur elles que se focalisent les analyses des think tanks libéraux ménageant souvent les collectivités locales (il est vrai que c’est l’État qui prélève les impôts pour le compte des collectivités locales). Pire, l’essentiel de l’effort demandé dans le cadre de la RGPP (Révision générale des politiques publiques) concerne l’État régalien : le gouvernement choisissant de ponctionner les institutions qui ne peuvent guère résister (l’armée notamment) pour mieux ménager les intérêts des villes et des départements (défendus par les parlementaires) et ceux des partenaires sociaux (MEDEF et centrales syndicales) qui gèrent les transferts sociaux.

La « grande muette » première sacrifiée

La « Grande muette » a été la première sacrifiée. Alors que les Etats-Unis, la Chine, la Russie, les pays arabes augmentent leurs dépenses militaires, la France – comme ses voisins européens – abaisse les siennes à moins de 2% de son PIB. L’armée française peut pratiquement toute entière tenir dans le stade de France. Et le livre blanc sur la défense programme le départ de l’armée française d’Afrique noire, continent riche de matières premières, en pleine expansion démographique et dont les soubresauts possibles sont potentiellement les plus dangereux pour l’Europe.

Le réseau diplomatique, un atout pour la France

Le réseau diplomatique reste un atout majeur pour le rayonnement culturel et politique de la France. Il s’est avéré très précieux pour maintenir la France à l’écart de la calamiteuse deuxième guerre du golfe. Quant au réseau consulaire, c’est la première digue de contrôle de l’immigration. Le tout coûte 1 pour 1000 du PIB. Aucune entreprise de communication et de relations publiques ne pourrait assurer le même service pour le même prix ! Et pourtant les crédits diplomatiques sont rognés année après année pendant que la moindre collectivité locale développe une activité « à l’internationale ».

La sécurité : une priorité oubliée

Alors que les dépenses des préfectures, de la police et de la gendarmerie représentent moins de 1% du PIB, les crédits et les effectifs de la sécurité intérieure sont amputés. C’est étrange :

– car la délinquance violente continue de croître, notamment sous le fait d’une immigration inassimilée ;
– l’immigration est de plus en plus nombreuse et la pression de l’immigration clandestine toujours plus forte ;
– il est pour le moins étonnant de supprimer quinze escadrons de gendarmerie mobile et de réduire les moyens des CRS alors que ces unités avaient été à peine suffisantes en nombre lors des émeutes des banlieues de l’immigration en 2005 et 2007 ;
– au passage on notera que la gendarmerie dont la valeur est liée au statut militaire est la première force à être sacrifiée précisément à raison de son statut.

C’est au demeurant une erreur de croire que ce type d’économies bénéficie aux Français ; car la contrepartie de ce retrait de l’État, c’est le recrutement aussi de 20 000 policiers municipaux (qu’il faut aussi payer avec des impôts) ; sans oublier les 200 000 agents de sécurité privée, recrutés au cours des trente dernières années et refacturés par les entreprises à leurs clients.

Justice : la pénurie de moyens cause du laxisme judiciaire

Se situant autour de 7 milliards d’euros, (0,33% du PIB) les crédits de la justice sont plutôt en progression, faible toutefois au regard des besoins :

– les lois sont de plus nombreuses et complexes ;
– les procédures de plus en plus lourdes ;
– la société s’est judiciarisée ;
– la délinquance a progressé ;
– la capacité des prisons françaises est loin d’avoir suivi l’explosion de la délinquance.

Contrairement à ce qui est régulièrement affirmé « l’impunité des délinquants » est moins le fait du laxisme judiciaire que de l’absence de personnels pour traiter toutes les affaires et du manque de places de prison.

Patrimoine : une valeur identitaire, pas une variable d’ajustement !

Le patrimoine culturel est au cœur de l’identité française. Accessoirement, c’est aussi un atout majeur de l’activité touristique. Le considérer comme une variable d’ajustement dont on néglige l’entretien dans un premier temps pour le brader dans un deuxième temps est une erreur majeure.

L’opinion y est d’ailleurs très sensible montrant sa capacité à se mobiliser pour le Château de Versailles ou l’Hôtel de la Marine. C’est d’ailleurs l’ensemble des peuples européens qui réagit ainsi : les Grecs qui refusent la privatisation de leurs îles et les Britanniques qui ont conduit le gouvernement Cameron à renoncer à privatiser leurs forêts.

Sanctuariser les fonctions de souveraineté et de défense

La dette publique consciencieusement accumulée au cours des trente dernières années est une bombe à retardement politique : les milieux d’affaires de la superclasse mondiale en jouent pour obtenir le démantèlement des États régaliens et la mise sur le marché de leur patrimoine ; la méthode est la même que celle qui fut adoptée à la chute de l’URSS et qui a été catastrophique pour la Russie.

Face à ce risque, il faut « sanctuariser » les fonctions de souveraineté et de défense. Et rechercher les économies là où il faut les trouver : dans l’empilement des dépenses des collectivités territoriales et dans les transferts sociaux évitables ou injustifiés.

Andrea Massari
22/02/2011

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