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Joseph de Maistre, la nation contre les droits de l’homme

Joseph de Maistre, la nation contre les droits de l’homme

Par Camille Galic, journaliste et essayiste ♦ L’ignorance et la confusion mentale atteignant leur paroxysme à notre époque et l’Éducation nationale n’assumant plus, par incapacité ou par laxisme, la tâche pour laquelle elle engloutit tant de milliards, La Nouvelle Librairie, toujours très active et pédagogique, a créé sa collection Longue Mémoire de l’Institut Iliade. De courtes monographies moins sur la personnalité et la vie d’auteurs majeurs (mission qu’accomplit fort bien la collection Qui Suis-Je ? des éditions Pardès) que sur leur pensée et leurs travaux. Une quinzaine de ces petits livres, pratiques et de prix très accessible (9 euros pour 80 pages environ) ont déjà paru, entre autres sur Frédéric Mistral, Konrad Lorenz, Tolkien, dont nous reparlerons. Des auteurs totalement différents dans le temps, l’espace et le domaine de réflexion, mais également connus pour remettre les esprits à l’endroit et extraordinairement « modernes ». Intéressons-nous à l’un de ces ouvrages, portant sur l’un des grands noms de la contre-révolution : Joseph de Maistre.

Joseph de Maistre contre « l’homme abstrait »

Né en 1753 à Chambéry et généralement considéré comme français, car il pensait et écrivait dans cette langue, ce Savoyard Joseph de Maistre était en fait sujet du roi de Sardaigne, qui avait élevé son père, un magistrat niçois, à la dignité de comte et que, devenu diplomate, lui-même servit à Venise et bien sûr en Russie, ce qui nous valut Les Soirées de Saint-Pétersbourg, livre sous-titré Entretiens sur le gouvernement temporel de la Providence, suivis d’un Traité sur les Sacrifices et publié en deux tomes en 1821. Ancien élève des jésuites et comme beaucoup de gentilshommes de ce temps, même dévots, il fut aussi franc-maçon et fonda en 1778 à Chambéry la loge réformée écossaise de « La Sincérité », mais ce zèle ne survécut pas à la révolution de 1789, surtout quand, en septembre 1792, les républicains constitués en Assemblée nationale des Allobroges, envahirent le duché et proclamèrent la déchéance de la Maison de Savoie.

Pour son exégète Marc Froidefont, agrégé de philosophie, « cette expérience concrète, jointe à ses immenses lectures, le rendait particulièrement armé pour comprendre les bouleversements produits par la Révolution française et ses suites dans l’Empire napoléonien. Toute sa vie, Maistre lutta contre les idées issues de la Révolution française qu’il eut la douleur de voir encore agissantes en France malgré la Restauration et s’introduire en Russie par le biais de la philosophie allemande. »

Pour autant, si les écrits de Maistre ont plus de deux siècles, ils n’ont rien perdu de leur actualité, au contraire alors que la vague wokiste menace de submerger nos pays. Comment ne pas approuver quand il professe que « toute dégradation individuelle ou nationale est sur-le-champ annoncée par une dégradation proportionnelle dans le langage », que la préservation des œuvres des auteurs qui ont fait la grandeur d’une nation est « un dépôt sacré », que « l’introduction de mots étrangers » est pernicieuse ou quand il fustige « l’erreur des révolutionnaires de ne raisonner qu’à partir de l’homme, c’est-à-dire d’un homme abstrait, coupé de toute histoire » ?

Dangers de l’universalisme : la preuve par l’islam

Contempteur des droits de l’homme, un homme indifférencié, Maistre l’est donc aussi de l’universalisme. Pour lui, la Constitution de 1795 (et l’on pourrait en dire autant de toutes celles qui ont suivi dans notre pays), « peut être présentée à toutes les nations, depuis la Chine jusqu’à Genève. Mais une constitution qui est faite pour toutes les nations n’est faite pour aucune ; c’est une pure abstraction » alors que « toute nation est unique ». Et d’avancer cette « vérité désagréable », à savoir que « toutes les nations ne s’aiment pas ».

De même toutes les religions ne peuvent-elles pas cohabiter. Admirateur de Charles Martel, de Charlemagne , de saint Pie V et de Don Juan d’Autriche artisans de la bataille de Lépante, « l’honneur éternel de l’Europe », Maistre écrit à propos des musulmans : « Les nobles enfants du Nord pouvaient s’accoutumer à nous, apprendre nos langues et s’unir à nous par le triple lien des lois, des mariages et de la religion. Mais le disciple de Mahomet ne nous appartient d’aucune manière. Il est étranger, inassociable, immiscible à nous… Dès que le chrétien et le musulman viennent à se toucher, l’un des deux doit servir ou mourir. »

Un postulat qui s’est maintes fois vérifié depuis treize siècles de l’Atlantique à l’océan Indien, de l’Andalousie au Timor oriental, et qui mériterait plus que jamais d’être gravé dans le marbre.

Camille Galic
24/06/2023

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