« Les vices privés font les vertus publiques. »
Michel Geoffroy présente ici les enjeux de la Sixième Journée de réinformation de Polémia qui aura lieu le samedi 26 octobre à Paris. Pour l’analyste de Polémia, il y a quatre raisons de s’intéresser à la publicité : la publicité est un moyen de formater l’opinion ; il y a une symbiose publicité/médias/politique en post-démocratie ; la publicité, en tant que levier du Système économique actuel, véhicule nécessairement l’idéologie du Système ; enfin, comme il existe des bobards médiatiques, il y a des bobards publicitaires. Au final, la publicité institutionnalise le bobard et la désinformation.
Polémia
1- La publicité est un moyen de formater l’opinion
Avec le crédit à la consommation et l’obsolescence programmée des produits, la suggestion publicitaire est, en effet, un élément essentiel du Système marchand contemporain. C’est notamment pourquoi la répression judiciaire des mouvements anti-pub est impitoyable.
Cela s’inscrit dans l’évolution du néo-capitalisme, selon le « modèle Nike » : les entreprises se séparent de leurs usines et font réaliser leurs produits par un réseau compliqué et mondial de sous-traitants, et se concentrent avant tout sur le marketing et le design.
Des techniques de plus en plus sophistiquées (ex. emprunt à la neuropsychologie, aux nanotechnologies, à la géolocalisation, au profilage et, d’une façon générale, aux nouvelles technologies pour le ciblage et le formatage des « attentes » des consommateurs) sont mises au service de l’expansion du Système marchand afin d’amener les personnes à consommer toujours plus de produits, parfois à l’utilité douteuse voire à la nocivité avérée.
Il existe un conditionnement publicitaire permanent comme il existe un conditionnement médiatique : en fait, les deux sont de plus en plus liés.
Il y a, en effet, une symbiose médiatico-publicitaire : les ressources publicitaires font vivre (cf. Ils ont acheté la presse *) ou, au contraire, mourir (ex. la mise au pas du Figaro Magazine dans les années 1980 **, la mise à mort de Médias en 2011). Les médias vendent du « temps de cerveau disponible » au bénéfice des messages publicitaires : en fait, ils vendent les lecteurs/spectateurs aux annonceurs.
2- Il y a une symbiose publicité/médias/politique en post-démocratie
On « vend » un homme politique, on lance un nouveau parti comme on vendrait des objets : l’équivalent politique de publicité est « communication ». Les médias mettent en piste les « bons » candidats et diabolisent les autres, en vue de leur onction démocratique finale par l’électeur.
Dans les années 1990 il y a eu la mode des « produits de bonté » (en achetant cette bouteille d’eau on verse quelques centimes à une noble cause) ou de nos jours les produits « verts » ou « bios » (en achetant ceci… je sauve la planète). La publicité est là encore au service de la post-démocratie, l’acte d’achat étant censé remplacer l’engagement militant (au service des causes politiquement correctes, bien sûr !).
3- La publicité, en tant que levier du Système économique actuel, véhicule nécessairement l’idéologie du Système
Les messages publicitaires véhiculent un message politique ou idéologique subliminal.
L’idée sous-jacente à toute publicité est qu’il serait socialement et moralement légitime de céder à ses envies (devenues besoins pour la circonstance) ; c’est une reformulation de l’antienne libérale : les vices privés font les vertus publiques. Valorisation aussi de la « liberté » réduite à la consommation :
- -une néoténie permanente : or ce qui est nouveau n’est pas forcément meilleur ;
- -la promotion du métissage ou de la « diversité » (promotion des couples mixtes, des femmes de couleur), de « l’antiracisme » (ex. Jean-Paul Goude) ; la publicité suppose le découpage de la population en autant de créneaux et segments (ex. segments ethniques) ;
- -la promotion du travail féminin (la « femme active » par opposition à la féminité-maternité ou à la femme objet, cible des féministes) ;
- -la modification de l’image de l’homme (inversion des rôles masculin/féminin ; les catalogues de jouets « dégenrés » : les petits garçons jouent à la poupée) ;
- -la valorisation de « l’homoparentalité » ;
- -la valorisation de la seule richesse matérielle (alors que la population s’appauvrit)
- -la valorisation du mode de vie américain et de la société mondialisée (idéalisé : cf. le cow-boy faisant la publicité des cigarettes Marlborough) ;
- -la déconstruction/provocation des valeurs nationales (ex. Benetton).
Il n’y a d’ailleurs quasiment pas de publicité politiquement incorrecte (et quand il y en a, elle est sanctionnée : ex. la publicité « pro-vie » de la Fondation Jérôme Lejeune dans le Nouvel Observateur condamnée en février 2013 pour avoir présenté l’image d’un embryon in utero).
4- La publicité institutionnalise le bobard et la désinformation : il y a des bobards publicitaires comme il existe des bobards médiatiques
La publicité repose sur des ressorts vicieux et cyniques, notamment :
- – la création de besoins artificiels ;
- – la tromperie pure et simple : ex. valorisation de qualités imaginaires (le cas des épinards… en boîte qui seraient bons pour la santé car ils contiendraient… du fer), le syndrome de Findus (« on est très à cheval sur la qualité de nos produits ») ; voir aussi les techniques de reconstruction du corps humain dans les photos publicitaires, les faux experts qui servent à donner une coloration pseudo-scientifique aux effets supposés des produits, la publicité rédactionnelle clandestine, etc. ;
- – l’instrumentalisation des enfants comme vecteurs du message publicitaire auprès de leurs parents : axe développé à la fin du XXe siècle avec la diffusion des « marques » dans la jeunesse, qui transforme chaque adolescent en petit « homme sandwich » mais gratuit pour les annonceurs. Les consommateurs s’identifient de plus en plus aux marques, ce qui veut dire qu’ils deviennent eux-mêmes des marchandises !
- – la nostalgie d’un passé révolu (ex. pub Ricoré mettant en scène une famille au complet, avec grands-parents, petit-déjeunant dans une ferme : image d’une France blanche et rurale révolue) : la publicité vend un monde qui n’existe plus (et qui est, au surplus, justement détruit par le Système marchand) ;
- – la publicité a évolué par rapport à l’ancienne réclame : l’accent est moins mis sur la valorisation d’un produit, de sa qualité intrinsèque et du service qu’il est censé rendre, comme dans les années 1950 (ex. la machine à laver Machin libère la femme des tâches ménagères), que sur le « style de vie » censé découler de la possession de ce produit (ex. « des voitures à vivre » de Renault) : avec les « marques » on achète non plus un produit mais une marque justement (c’est-à-dire que tout un environnement émotionnel fictif est associé à ce produit).
La publicité opère sur plusieurs leviers comportementaux pour ce faire, notamment :
- -le désir de reconnaissance mimétique : en possédant ce produit je serai (beau, riche, heureux, souriant, aimé et admiré) comme les personnages du spot publicitaire ; ce levier est aussi à l’origine des phénomènes de mode ;
- -ou, au contraire, le désir de se distinguer (vecteur de la publicité des produits de luxe notamment) ou le désir de puissance (posséder une machine puissante et rapide) ;
- -l’appétit sexuel (des jolies filles font vendre des voitures : si j’achète cette voiture je serai un séducteur à mon tour).
Michel Geoffroy
19/09/2013
Programme et inscription (polemia1@gmail.com) : [Sixième Journée de la réinformation]
Notes de la rédaction :
(*) Ils ont acheté la presse de Benjamin Dormann — Presse : le grand naufrage des « autorités morales »
(**) Jean-Claude Valla : un guerrier des idées (première partie)
Jean-Claude Valla : un guerrier des idées (deuxième partie)
Voir aussi :
Sixième Journée de réinformation de Polémia
Correspondance Polémia – 21/09/2013
Image : extrait de l’affiche de la 6e Journée de la réinformation présentée par Polémia le 26 octobre 2013