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« Engagements pour la civilisation européenne » de Jean-Claude Valla

« Engagements pour la civilisation européenne » de Jean-Claude Valla

par | 30 avril 2014 | Médiathèque

Les éditions Alexipharmaque ont publié en mars 2014 un livre de souvenirs de Jean-Claude Valla intitulé Engagements pour la civilisation européenne. Ce livre est inachevé du fait du décès de son auteur survenu en 2010 alors qu’il n’avait que 66 ans. « A jolly good fellow » doté d’un « merveilleux esprit de fraternité » : c’est en ces termes que Michel Marmin, qui a préfacé son dernier ouvrage, décrit son ami Jean-Claude Valla.

Une jeunesse militante

Jean-Claude Valla était issu d’une famille de Saône-et-Loire qui était plutôt gaulliste ; son grand-père maternel avait été vaguement poujadiste avant que Poujade ne transformât son mouvement de commerçants et artisans en mouvement politique.

En 1956, Jean-Claude Valla n’avait que 12 ans mais il a été très marqué, malgré son jeune âge, par l’insurrection de Budapest et la répression sanglante qui a été menée par les Soviétiques. C’est à compter de ces événements que Jean-Claude Valla est devenu un opposant farouche au communisme, ce qui l’a conduit à se rapprocher du mouvement des jeunes poujadistes, l’UDJF. La période qui va de 1956 à 1962 est celle de la Guerre d’Algérie qui a créé une situation de quasi-guerre civile et de polarisation extrême de la vie politique. En 1960, le très jeune Valla créa un comité de lycéens favorables à l’Algérie Française à Roanne ; c’était le début d’une vie consacrée au combat politique puis métapolitique.

En janvier 1961, il découvre le premier numéro des Cahiers universitaires, la revue de la Fédération des étudiants nationalistes (FEN) à laquelle il adhéra et au sein de laquelle il milita à Lyon. Sur le combat pour l’Algérie Française, Jean-Claude Valla portait, en 2010, un regard pour le moins critique :

« Ils ont cru qu’ils pourraient faire plier De Gaulle, mais celui-ci a tout de suite compris et exploité les faiblesses de ses adversaires. J’irai même plus loin, sur le fond, je pense que De Gaulle avait raison. Les phrases de lui qui ont été rapportées par Alain Peyrefitte sont frappées au coin du bon sens. Les Arabes restent des Arabes et on ne peut pas en faire des Français d’un coup de baguette magique. »

C’est l’assassinat, par un commando de l’OAS, de Michel Leroy et René Villard, lesquels appartenaient au Front nationaliste, un mouvement qui privilégiait l’idée d’une partition de l’Algérie entre Arabes et Pieds-Noirs, qui marqua sa rupture avec la mouvance pro-OAS.

En janvier 1963 fut créée la revue Europe Action à laquelle Jean-Claude Valla consacra beaucoup de son temps pendant plusieurs années ; il intégra le comité de rédaction de cette revue en 1966 et il collabora dans ce cadre avec Alain de Benoist qu’il avait connu à la FEN :

« Mais l’essentiel de mon travail était de donner un coup de main à Alain de Benoist dont les activités étaient débordantes. Fabrice (*) (…) écrivait dans Europe Action et rédigeait de la première à la dernière ligne le supplément hebdomadaire de cette publication qui avait vu le jour en janvier 1964. »

Europe Action répondait à un besoin de renouvellement des idées des mouvements nationalistes, lesquels avaient subi de lourds revers. Ce renouvellement fut marqué par une rupture avec la tradition du nationalisme français et par la mise en avant de la civilisation européenne :

« Avant d’en venir au GRECE, j’aimerais préciser quelques points qui me semblent utiles à la compréhension de mon itinéraire. Le premier concerne l’Europe. On a souvent parlé de “nationalisme européen” à propos de la FEN et d’Europe Action. Mais je dois reconnaître que cette formule était assez ambiguë et pouvait recouvrir des opinions sensiblement différentes. Contrairement au Belge Jean Thiriart (…) nous n’avons jamais parlé de “nation européenne”. C’était pour nous une vue de l’esprit (…) Notre Europe, c’était d’abord cela. Une fraternité militante qui se moquait des frontières. Mais nous ne nous souciions guère alors de la forme politique que devait prendre l’Europe (…) Nous étions européens, parce que nous étions conscients de la communauté de destin des peuples du Vieux Continent. Nous éprouvions, de surcroît, le besoin de nous démarquer du nationalisme intégral et de la “France seule” de Maurras. Cette conception étriquée du nationalisme était largement responsable des deux guerres mondiales qui ont été, d’abord, des guerres civiles européennes. »

La création du GRECE

Le GRECE est né le 4 mai 1968 lors d’une réunion qui s’était tenue à Lyon et à laquelle Jean-Claude Valla ne participa pas pour cause de service militaire. La création de ce mouvement de réflexion et d’influence a été une conséquence des échecs à répétition des mouvements nationalistes (le dernier en date ayant été celui du REL en 1967). Certains membres de ces mouvements ont ressenti le besoin, à partir de 1967, de fonder intellectuellement et théoriquement un mouvement dont les objectifs ne seraient pas électoraux mais « métapolitiques ». Alain de Benoist, qui fut à l’origine de ce projet, sut convaincre une partie de ses amis venus de la FEN et d’Europe Action dont Jean-Claude Valla qui était un ami inconditionnel de Fabrice :

« Si j’ai si souvent défendu Fabrice, même lorsqu’il avait manifestement tort, c’est que j’estimais que nous lui devions d’être devenus ce que nous étions. Sans lui, le GRECE n’aurait pas existé ou aurait perdu sa raison d’être, tant il est vrai qu’il était, et de loin, le plus brillant et le plus doué d’entre nous. »

Jean-Claude Valla, qui devint un des dirigeants les plus importants du GRECE, en fut un secrétaire général de très grande valeur qui sut lui donner un élan considérable au cours des années soixante-dix.

Le GRECE avait pour ambition d’établir les bases philosophico-politiques d’un mouvement visant simultanément à la cristallisation d’une puissance européenne, à l’émergence d’une culture intégrant une vaste part de la culture antique européenne et à la lutte contre les idéologies égalitaristes et universalistes. Il revient au GRECE d’avoir relancé le débat concernant les origines indo-européennes de l’Europe et d’avoir fait connaître les travaux considérables de Georges Dumézil ; il lui revient aussi d’avoir introduit en France les travaux des psychologues anglo-saxons en rupture avec la doxa égalitariste et ceux des éthologues, tel le Prix Nobel Konrad Lorenz, qui étaient totalement ignorés dans notre pays. C’est encore le GRECE qui osa redécouvrir la géopolitique (cette discipline qui a aujourd’hui l’importance qu’on sait était alors considérée comme une pseudo-science nazie par les gendarmes de la pensée !), contester la psychanalyse freudienne, aborder le sujet des liens entre génétique et psychiatrie et beaucoup d’autres thèmes qui étaient alors des tabous. Incontestablement, il fut une nouvelle école ouverte sur des horizons qu’il était le seul à contempler.

À partir de 1976, le GRECE devint franchement critique à l’égard du libéralisme et de la civilisation occidentalo-américaine. Un numéro de la revue Nouvelle École, paru cette année-là, était consacré à l’Amérique ; il constitua un point d’inflexion et de rupture dans la démarche du GRECE qui, ce faisant, se fit beaucoup d’ennemis dans les milieux atlantistes. Hostile à la fois au communisme soviétique et au camp atlantiste, sa position était pour le moins difficile en cette période de guerre froide. La stratégie d’influence du GRECE dirigé par Jean-Claude Valla fut une belle réussite ; le GRECE réussit alors à séduire une partie de la droite et sa revue grand public, Éléments, circulait dans les travées de l’Assemblée nationale. Tout cela ne manqua pas d’inquiéter les « vigilants » de la gauche intellectuelle qui lancèrent pendant l’été 1978 une campagne de presse impressionnante qui se propagea dans le monde entier ; c’est alors que le GRECE acquit le nom de « Nouvelle Droite » qu’il n’a jamais revendiqué. Cette campagne de diabolisation eut des effets redoutables qui brisèrent la dynamique du mouvement privé de son secrétaire général qui avait été victime pendant cet été 1978 d’un accident qui l’invalida pour un bon moment.

Le GRECE affirma dès sa création l’importance de l’union des peuples européens même si la forme que pouvait prendre cette association resta longtemps indéterminée. Puis vint le temps où il fut question d’un empire inspiré du modèle austro-hongrois qui s’articulait assez bien avec l’idée d’Europe des patries charnelles : « Cette Europe des patries charnelles était pure utopie, mais nous avions peut-être besoin de nous bercer de mythes revigorants. »

Le GRECE eut même des faiblesses pour l’Union européenne qui faisait encore illusion à la fin des années 1990 ; en 2010, le point de vue de Jean-Claude Valla avait évolué :

« Plus de vingt-cinq ans après, revenu de beaucoup d’illusions, je crois que l’Etat-Nation est une réalité encore bien vivante. Il m’arrive encore de le regretter, mais c’est ainsi. Des siècles d’histoire ont forgé cette entité. La Belgique, construction récente et artificielle, éclatera peut-être dans les années qui viennent et ce sera une bonne chose, tant pour les Flamands que pour les Wallons. Mais la France existe depuis mille ans et même beaucoup plus si l’on considère qu’elle est l’héritière de la Gaule. Certes, après avoir subi pendant deux siècles la dictature des principes abstraits de la Révolution, il n’est pas mauvais que les Français redécouvrent leurs racines régionales et, au-delà de ces racines, prennent conscience de l’héritage culturel qu’ils ont en commun avec les autres Européens. Mais aujourd’hui, c’est notre survie collective qui est menacée, que ce soit par l’immigration, la construction de l’Europe de Maastricht ou l’impérialisme culturel américain. Nous avons un devoir de résistance et ce n’est pas le moment de détruire les dernières digues qui nous restent, aussi vermoulues soient-elles. »

Un journaliste talentueux

Comme nous l’avons dit précédemment, Jean-Claude Valla commença sa carrière de journaliste en entrant à la rédaction d’Europe Action ; il collabora aussi aux Cahiers universitaires dirigés par Amaury de Chaunac-Lanzac, plus connu sous le nom de François d’Orcival qui préside aujourd’hui le comité éditorial de Valeurs actuelles. Il écrivit également dans Défense de l’Occident, Rivarol et surtout le Charivari. En 1967, il devint brièvement directeur du Courrier International d’Achille Dauphin-Meunier mais, à la fin de cette année-là, il dut rejoindre son régiment. Après son retour à la vie civile, il fut journaliste à l’Écho de la presse et de la publicité de Noël Jacquemart pour lequel travaillaient également Alain de Benoist et Alain Lefebvre qui devint le patron d’un groupe de presse et d’une maison d’édition. Ce dernier participa également aux Cahiers universitaires. Un autre de leurs amis travaillait aussi pour ce journal : Roland Moreno, qui fut le génial inventeur de la carte à puce ! Puis ce fut en 1968 la naissance de Nouvelle École, la prestigieuse revue d’Alain de Benoist qui continue de paraître régulièrement et à laquelle il contribua. Son entrée à la rédaction de Valeurs actuelles en 1971 fut une marque de reconnaissance de ses compétences ; il y retrouva Alain de Benoist, François d’Orcival, Patrice de Plunkett, Henri-Christian Giraud, François Lebrette et Michel Marmin. C’est surtout avec la création du Figaro Dimanche, dont la direction avait été confiée à Louis Pauwels, et plus encore avec celle du Figaro Magazine en 1978 que Jean-Claude Valla put exprimer tout son talent. Ce dernier titre vit ses ventes grimper très rapidement à 500.000 exemplaires chaque semaine, ce qui ne manqua pas de créer des remous du côté de Saint-Germain-des-Prés !

En 1973, Jean-Claude Valla transforma le bulletin interne du GRECE, dont le titre était Éléments, en une revue tournée vers l’extérieur dont il devint le rédacteur en chef. Plus accessible que Nouvelle École, elle n’a jamais cessé de paraître et le prochain numéro, qui sera le cent cinquante et unième, sera consacré à l’Europe. Cette revue de qualité, intellectuellement stimulante et dénuée de tout sectarisme, est à l’image de cet homme engagé que fut Jean-Claude Valla.

Bruno Guillard
23/04/2014

Jean-Claude Valla, Engagements pour la civilisation européenne, Éditions Alexipharmaque, 2014, 192 pages.

(*) Fabrice Laroche était un pseudonyme d’Alain de Benoist.

Notes

Sur l’histoire de la « Nouvelle Droite » on peut aussi se reporter à Mémoires vives d’Alain de Benoist. On peut lire aussi sur l’histoire du Figaro Magazine, Jean-Claude Valla, guerrier des idées.

Bruno Guillard
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