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En Allemagne, l’AfD se déchire sur la guerre entre la Russie et l’Ukraine

En Allemagne, l’AfD se déchire sur la guerre entre la Russie et l’Ukraine

par | 16 mai 2022 | Europe, Politique

Par Nicolas Faure, spécialiste de l’Allemagne et traducteur ♦ En Allemagne, comme dans le reste de l’Europe, les dirigeants politiques sont sommés de prendre bruyamment position pour condamner la Russie et soutenir l’Ukraine. Des nuances se font toutefois jour. En Allemagne les plus allants vers les positions va-t-en-guerre de l’OTAN sont les responsables CDU, Verts et libéraux. Issu de la social-démocratie héritière de l’öst-politik de Willy Brandt, le chancelier Scholz est plus réservé, ce qui lui a valu des attaques des médias. Globalement le clivage est-ouest demeure, l’ouest étant beaucoup plus hostile à la Russie. Ce clivage se retrouve au sein de l’AfD, le parti nationaliste anti-immigration qui condamne l’invasion de l’Ukraine sans reprendre pour autant le logiciel atlantiste. Une position parfois contestée par certains élus soucieux de notoriété médiatique. Nicolas Faure , essayiste et traducteur (à ne pas confondre avec Nicolas Faure d’I-Média et Sunrise !) livre ici son analyse.
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En Allemagne, la guerre en Ukraine a ostensiblement relancé le débat sur l’orientation des contenus politiques et la composition du personnel de l’AfD. La direction du parti et le groupe parlementaire ont certes officiellement condamné l’attaque russe contre l’Ukraine. Mais à l’AfD, les dissensions et querelles en interne n’en sont pas pour autant terminées. Un épisode survenu fin mars au Bundestag est révélateur à cet égard.

Lors du lancement de la guerre par la Russie contre l’Ukraine, le Bundestag allemand avait déclaré le dimanche 27 février 2022, lors d’une session extraordinaire, que la République fédérale d’Allemagne se tenait fermement et indéfectiblement aux côtés de ses amies et amis ukrainiens ».

C’était le chancelier fédéral Olaf Scholz (SPD) qui avait d’abord pris la parole et déclaré : « c’est un tournant dans l’histoire de notre continent ». La question est de savoir « si nous avons le pouvoir de poser des limites à Poutine ». Le chancelier a répondu par l’affirmative à cette question : « Nous relevons le défi ». Les députés avaient ensuite voté plusieurs résolutions dans lesquelles toutes les factions du Bundestag condamnaient l’attaque de la Russie contre l’Ukraine à l’unanimité.

Pourtant, lors de cette scéance au Bundestag, c’est Alice Weidel, cheffe du groupe parlementaire AfD qui soulignait que la responsabilité de la guerre n’incombait pas seulement au président russe Wladimir Poutine, mais surtout à la politique occidentale : « les pays occidentaux ont longtemps offensé la Russie avec la perspective d’une éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’OTAN; cela a constitué une erreur grave de l’Occident, dont l’Ukraine doit désormais faire les frais », avait-elle déclaré lors de sa prise de parole au Parlement, ajoutant toutefois que cela ne changeait rien au caractère « inacceptable de l’invasion russe ».
Weidel avait ensuite expliqué que la situation actuelle était une conséquence de la poursuite de l’élargissement à l’Est de l’OTAN, contrairement à tous les accords ayant été conclus avec Moscou auparavant : « L’Occident a ainsi bafoué les intérêts légitimes de la Russie en matière de sécurité », avait-elle assuré.

Fin mars, le député AfD Steffen Kotré s’exprimait au Parlement allemand au sujet des niveaux de remplissage des réservoirs de gaz allemands, critiquant la décision du gouvernement allemand de bloquer la certification du gazoduc Nord Stream 2 en raison de l’attaque russe contre l’Ukraine, « sur instructions des Américains. » Kotré avait ensuite déclaré, lors de sa prise de parole, que « la guerre d’agression en Ukraine, contraire au droit international, entraînait beaucoup de souffrances, et que celles-ci étaient sur la conscience du gouvernement russe, mais que lorsqu’on en parlait, il fallait toujours considérer la part de responsabilité de l’Occident. »
En entendant son collègue parler de la sorte, le vice-président du groupe parlementaire AfD, Norbert Kleinwächter, avait quitté la séance plénière en signe de protestation et avait condamné le discours de Kotré sur Twitter en écrivant : « Je me distancie fermement de la propagande poutinienne répugnante que Steffen Kotré a diffusée aujourd’hui au Bundestag ».
« Kleinwächter a fauté en tant que vice-président du groupe parlementaire AfD », a déclaré par la suite le député AfD Petr Bystron; « son rôle est de gérer le groupe, et non de se distancer de ses collègues en public. »

Plusieurs députés du groupe parlementaire de l’AfD au Bundestag ont alors rédigé une motion exigeant des sanctions disciplinaires contre Norbert Kleinwächter.
De plus, il est reproché à Kleinwächter d’avoir demandé l’exclusion de la Russie du Conseil de l’Europe lors d’un discours prononcé au Palais de l’Europe à strasbourg, et d’avoir ensuite voté en faveur de cette exclusion.
« Ceci est en contradiction avec la ligne politique du groupe parlementaire du Bundestag » ont constaté les auteurs de la motion, parmi lesquels on trouve entre autres Petr Bystron, Marcus Frohnmaier, Steffen Kotré, Hannes Gnauck, Jürgen Pohl et Stephan Protschka.

En définitive, il s agit de profonds désaccords au sein de l’AfD – qui avaient déjà éclatés à plusieurs reprises lors de la crise Covid – et qui s’aggravent encore ici avec la guerre en Ukraine. De l’avis de pas mal de membres du parti, le groupe AfD se trouve aujourd’hui à un carrefour où il risque de se déchirer, les uns considérant que la proximité de leurs collègues avec la Russie de Poutine est à l’origine de cette situation désastreuse, les autres accusant les premiers de vouloir flatter leurs égos en s’accordant la faveur des médias.

Nicolas Faure
16/05/2022

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