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Donald Trump, une saga américaine (2/2)

Donald Trump, une saga américaine (2/2)

par | 9 novembre 2021 | Politique, Société

Par Julie Thomas ♦ Dans un portrait en deux parties, Julie Thomas revient sur l’histoire de Donald Trump, ce président des États-Unis qui continue à agiter le paysage politico-médiatique et à porter la vision d’une Amérique puissante. Après un premier texte, voici la seconde partie de ce portrait.
Polémia

Donald Trump, la soif de l’aventure… entrepreneuriale

En 1968, année du Flower Power, des Black Panthers, des assassinats de Bobby Kennedy et de Martin Luther King, des manifestations étudiantes contre la guerre du Viêtnam… Donald Trump a 22 ans et n’a d’yeux que pour l’immobilier. À cette époque, le jeune apprenti dissocie son destin personnel de l’avenir politique de son pays. Il voit la vie en grand et veut être un winner. Il ne perd donc pas un instant et passe à l’action. En parallèle de ses études à la prestigieuse Wharton School où il suit un cursus centré sur l’immobilier, il rejoint l’entreprise familiale. Tous les week-ends, Donald Trump travaille à plein temps auprès de son père. Il continue son apprentissage en collectant les loyers des nombreux locataires ou en surveillant la bonne marche de dizaines de chantiers. C’est seulement une fois diplômé de Wharton qu’il commence à envisager de nouveaux horizons.

Ce qui motive Trump depuis toujours n’est pas l’argent mais l’aventure. Ouvrir le champ des possibles. « J’ai toujours fait les choses en dehors des clous. La polémique ne me gêne pas et mes projets doivent être ambitieux, ou ne pas être », écrit-il dans son best-seller The Art of the Deal. Tandis que Donald Trump et son père forment le duo de promoteurs immobiliers le plus puissant de New York dans les années 1970, Trump n’en a pas assez. Un business reposant sur des marges faibles qui ne laissent pas la place au luxe et à l’exubérance est loin de satisfaire l’appétit vorace de l’homme d’affaires en devenir qui fait partie d’une génération prenant modèle sur les vies hors normes des célébrités. À 30 ans, Trump qui côtoie déjà la haute société new-yorkaise, s’émancipe donc de son père afin d’entreprendre ce que ce dernier n’a jamais osé faire : conquérir Manhattan, la Toison d’or de l’Amérique ambitieuse. Et dès le début, il réussit un coup de maître avec l’achat d’un hôtel totalement dégradé de la Cinquième Avenue, le Commodore, qu’il transforme en une poignée d’années et grâce à un certain nombre d’agiles manœuvres en un des plus beaux de la ville. La prouesse réside en quelques mots dans la dextérité de Donald Trump à obtenir des avantages de la municipalité et des départements fédéraux afin d’acheter le terrain, puis à séduire les banquiers pour décrocher des emprunts aux meilleures conditions possible. Il se charge ensuite de trouver les meilleurs sous-traitants pour la construction. L’audace du projet ainsi que sa réussite dans les délais et le budget imparti font entrer Donald Trump dans le club très sélect des grands pontes de l’immobilier dans la ville la plus difficile et la plus chère des États-Unis. Fred Trump regarde alors avec fierté l’œuvre de son fils mais, dépassé par cette réalisation et son succès, il ne peut s’empêcher cet aveu d’impuissance : « Qu’est-ce que tu avais besoin de faire une tour entièrement en verre ? Les gens regardent à leur niveau et lève les yeux jusqu’au 10e étage, pas au-delà. Après, tu n’avais qu’à bâtir en briques, ça t’aurait coûté moins cher ! »

Désormais, Donald Trump est le seul maître à bord.

L’envol

À la tête de l’entreprise familiale qu’il rebaptise The Trump Organization en 1973, et à laquelle il donne une toute nouvelle direction, Donald Trump enchaîne sa conquête des airs rights. Il passe sa vie à travailler, de 6 heures à minuit, du lundi au dimanche, enchaînant les rendez-vous, et passant au minimum 50 à 100 coups de téléphone par jour. De plus, non content d’être doué dans les affaires, le businessman fait éclater au grand jour le contraste entre l’incompétence gouvernementale et l’efficacité de l’entreprise privée au cours de l’épisode symbolique de la rénovation de la patinoire Wollman de Central Park.

Un matin de mai 1986, Donald Trump tombe sur un article en première page du New York Times expliquant que la ville de New York va reprendre à zéro la rénovation de la patinoire de Central Park. Trump est estomaqué : six ans se sont écoulés depuis sa fermeture et douze millions de dollars ont déjà été dépensés pour rien. Trump, que l’incompétence de sa ville exaspère, écrit aussitôt au maire de New York, Ed Koch, pour lui proposer de reprendre les travaux de restauration à ses frais et de garantir sa réouverture en novembre prochain. S’il a réussi à construire un gratte-ciel de 68 étages en deux ans et demi, il devrait être capable de rénover une patinoire en quelques mois ! La réponse ne se fait pas attendre : il n’est pas question que la ville cède au milliardaire la gestion de son patrimoine, mais elle l’invite en revanche à lui faire un don de trois millions de dollars ! L’histoire aurait dû s’arrêter là mais Ed Koch commet l’erreur fatale de publier sa lettre pensant que les New-Yorkais allaient se ranger de son côté. Au contraire, il s’expose à la réaction hostile de toute la presse qui fustige le refus de l’aide d’un professionnel de la construction et qui juge aussi que les travaux de rénovation ont assez duré. Le maire est donc contraint de relancer Trump pour lui demander de renouveler son offre. Cet épisode inspire au milliardaire la réflexion suivante dans son livre de 1987 : « Si j’ai appris quelque chose dans mes contacts avec les politiciens, c’est que la seule chose qui les fait réagir est la presse ou, plus spécifiquement, la peur de la presse. Vous pouvez exercer toutes sortes de pressions, vous plaindre ou menacer autant que vous le voulez, donner de grosses sommes d’argent pour leurs campagnes électorales, cela ne sert à rien. Mais, l’éventualité d’un mauvais article, même dans une publication confidentielle, les fera s’agiter immédiatement. Car de mauvais médias risquent d’amener des votes négatifs. Or de quoi a le plus peur un politique ? De ne pas être réélu. »

Trump sélectionne les meilleurs matériaux et fait appel à un excellent constructeur originaire du pays où le patin à glace est une spécialité nationale : le Canada. La patinoire ouvre quatre mois plus tard – soit plus d’un mois avant le délai fixé – et avec un coût total inférieur de 25 % au budget prévu qui n’était que de trois millions de dollars. Depuis, la patinoire de Central Park n’a connu aucune fermeture et son chiffre d’affaires a été multiplié par dix dès la première saison après la réouverture, passant de 100 000 à 1,2 million de dollars.

Le tournant politique

C’est le même bâtisseur sûr de lui et révolté par le déclin de l’Amérique ainsi que par la corruption de son élite qui annonce en juin 2015 sa candidature à la Maison-Blanche – tout en rappelant qu’une campagne présidentielle est bien moins excitante que la construction d’un gratte-ciel !

Donald Trump, c’est le négociateur invétéré qui a osé tenir tête au rouleau compresseur chinois, et qui a ainsi redoré le blason de son pays sur la scène des échanges internationaux.

C’est l’homme entêté qui, contre la censure des réseaux sociaux classiques, invente et crée le sien : le Truth Social Media.

C’est enfin un mari à trois reprises, épousant tour à tour Ivana Zelníčková, Marla Maples et Melania Knaus, qui lui donneront en tout cinq enfants.

En fait, Trump, c’est un stakhanoviste façonné par près d’un demi-siècle d’expérience dans la jungle de l’immobilier et dont le projet principal est invariable : construire l’Amérique. Et devant les nombreux périls qui la menacent : la rebâtir « afin qu’elle respire à sa véritable hauteur ». L’Amérique doit regagner le camp des winners.

D’ailleurs, l’Amérique de Donald Trump devrait bientôt s’inviter à La Défense près de Paris où le magnat de l’immobilier souhaite ériger une tour géante culminant à près de 400 mètres de haut…

Julie Thomas
09/11/2021

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