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Des combats militaires aux combats commerciaux, le témoignage d’un amiral

Des combats militaires aux combats commerciaux, le témoignage d’un amiral

par | 26 septembre 2025 | Société

Des combats militaires aux combats commerciaux, le témoignage d’un amiral

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Dans son dernier livre, De tribord à bobard (Éditions Lavauzelle, 260 pages, 19 euros), l’amiral Alain Oudot de Dainville, ancien chef d’état-major de la Marine, relate dans un style alerte un parcours riche d’enseignements sur les coulisses de la Marine nationale.

Enfant de troupe

Rien ne prédisposait cet Auvergnat né en 1947 à Marsat, dans le Puy-de-Dôme, à intégrer La Royale. Son grand-père est mort en héros durant la Première Guerre mondiale tandis que son père deviendra général de brigade.

Au milieu des années 1950, sa famille s’installe en Algérie, où les événements prennent bientôt la tournure dramatique que l’on sait. Tout jeune, il est présent lorsque Charles de Gaulle prononce son fameux « Je vous ai compris » à Alger.

Les attentats récurrents amènent des « bambins insouciants » à se muer en « gamins torturés ». Ses parents décident alors de l’envoyer au Prytanée national militaire, « dans la grisaille de la Sarthe, loin de la chaleur de l’Algérie », où certains pensionnaires persistent à défendre l’OAS malgré la répression des autorités.

L’aéronavale

En 1966, à l’issue de la scolarité, il arrive « à la gare d’une ville inconnue, Brest », où un car les attend, ses compagnons et lui, pour les amener vers un navire transrade à destination de leur nouvelle école située à Lanvéoc-Poulmic, dans la presqu’île de Crozon.

« La discipline plus stricte faisait regretter le comportement bon enfant du Prytanée. » L’objectif est de « former des ingénieurs, et en priorité des marins par la connaissance de la mer sous le moindre frémissement de ses vagues ».

Après deux années d’études, l’apprentissage se poursuit par neuf mois de mer sur le croiseur-école Jeanne d’Arc, qui navigue autour du monde. Les escales permettent la découverte de traditions et de paysages que le tourisme de masse n’a pas encore pollués, mais certains n’échappent pas « aux travers des marins » en se comportant en touristes consuméristes dans les ports.

Durant sa première affectation sur l’aviso-escorteur Amiral Charner, qui met le cap vers Tahiti, l’impulsivité du commandant, nerveusement usé par ses campagnes en Indochine, amène le futur amiral à considérer que « la sélection des chefs doit prendre en compte la capacité à encaisser et à réagir, dans la solitude du commandant confronté à des situations complexes, où il doit décider sous la pression, sans aide, sans délai, et sans trembler. »

Il parvient ensuite à intégrer l’aéronavale. « Les candidats pilotes pénétraient dans un nouveau monde, celui de la solitude loin de celui de l’équipage où toutes les valeurs s’additionnent. » Cette formation poussée, dramatiquement marquée par des accidents mortels, se conclut par l’appontage d’un Fouga sur un porte-avions en mer à la pointe de la Bretagne.

Durant les dix années suivantes, il est embarqué à bord du Clemenceau et du Foch et remplit des missions délicates au Yémen et au Liban, où des combats ont lieu entre les diverses factions.

À l’issue de ce cursus d’aviateur, il intègre l’École supérieure de guerre navale, étape obligée avant de prétendre commander un bâtiment, cette formation étant complétée par six mois de cours interarmés.

Seul maître à bord après Dieu

En 1987, Alain Oudot de Dainville prend le commandement de l’aviso-escorteur Victor Schœlcher, en sachant « qu’à la moindre incartade, accident, erreur de navigation, collision, il pouvait être éjecté sans ménagement ».

Paré pour l’aventure, cap sur le détroit d’Ormuz, dans le contexte de la guerre Iran-Irak. « L’aviso reçut le 12 juillet dans la nuit l’ordre de franchir à vitesse élevée le fameux détroit. La France s’engageait militairement, aux côtés de l’Irak, qu’elle approvisionnait déjà en armes. » Cette implication sera d’ailleurs un plein succès puisque la Marine nationale parviendra à maintenir la liberté de navigation des bateaux sous pavillon français ainsi que l’approvisionnement du pays en pétrole.

La mission se révèle riche en péripéties. Un jour, l’aviso qui escorte un chasseur de mines voit surgir une frégate iranienne naviguant « à grande vitesse en route de collision » vers les navires français. Dans ces circonstances, le commandant « sait qu’il doit s’en remettre à l’intuition fruit de l’expérience et de sa curiosité consciente ou non. Dans tous les cas, il se dé…brouille ! » Cette fois, tout est bien qui finit bien. La frégate iranienne sera d’ailleurs coulée par les Américains l’année suivante.

Rue Royale

Avec la fierté du devoir accompli, le temps est venu d’une affectation dans l’état-major de la Marine. « Sortir de la solitude du commandement, pour se retrouver à plusieurs dans un bureau exigu à partager l’absence de responsabilités, quelle désillusion ! »

« Les bureaux prestigieux de l’état-major traitaient des grands programmes et recevaient un budget. Pour les autres, notamment ceux qui étaient chargés de fournir des moyens à l’aéronavale, il fallait innover pour joindre les deux bouts. »

Sur le « Clem »

Les années passant, « il était temps de reprendre une bonne mine en retrouvant la mer et ses opérations dans un ultime commandement ». Après quelques mois au Centre des hautes études militaires, jumelé avec l’institut des hautes études de défense nationale, il est promu commandant du porte-avions Clemenceau : « Cette affectation exige beaucoup de ceux qui l’exercent, car elle cumule le commandement du bâtiment, la direction d’un aérodrome, avec l’administration de 2 000 jeunes personnes, dans des activités qui cohabitent sur un timbre-poste, à vous rendre timbré. »

Les deux porte-avions français se relaient alors en mer Adriatique pour soutenir les troupes engagées dans les opérations en ex-Yougoslavie.

« La France exerçait une influence notable dans la conduite de ce conflit, forçant le commandement américain à prendre en compte une vision politique européenne. […] Après le 11 septembre 2001, ils n’accepteront plus d’intrusion politique dans ce qu’ils considèrent être la défense exclusive de leurs intérêts, sans souci de ceux de leurs alliés. »

« Les missions des avions étaient tendues ». Un jour, un Étendard IV est touché [la couverture du livre montre l’arrière déchiqueté de l’appareil] et il faut tout le sang-froid et l’habileté du jeune équipier du pilote, qui est blessé, pour réussir un appontage très périlleux sur le porte-avions. « Le tir hostile fut dans un premier temps attribué aux Serbes, mais ultérieurement l’analyse des impacts laissa penser que les projectiles venaient du camp que ces avions étaient censés protéger ! »

« Comme souvent, la propagande médiatique s’affranchissait de la réalité du terrain. La chaîne CNN et les fondations anglo-saxonnes noyautaient les médias pour intoxiquer les opinions téléphages. Elles accréditaient la thèse de la catastrophe humanitaire. Régulièrement à chaque conflit, elles désignent les victimes du camp du bien et les agresseurs du camp du mal, l’opinion est priée de suivre. Ces influenceurs lanceurs de désinformation cherchaient à détruire le libre arbitre des dirigeants démocratiques pour leur faire prendre parti en faveur du camp choisi par le département d’État américain. »

Chef de la Marine

Après ces deux années intenses, Alain Oudot de Dainville retourne dans un bureau pour s’occuper de la coordination des programmes, qui comprend notamment le lancement du porte-avions à propulsion nucléaire Charles de Gaulle, avant d’être promu deux ans plus tard au poste de chef de cabinet du chef d’état-major des armées.

« Le coût de fonctionnement des Armées était très élevé, ponctionnant les budgets aux dépens des combattants et de leur équipement. […] La Cour des comptes s’en inquiétait, mais ses rapports étaient rarement suivis d’effet. » Cette situation exacerbe la rivalité permanente entre les armées pour obtenir le meilleur budget.

Après deux ans au sein de « ce captivant séjour dans un nid de pie, le temps était venu de glisser le long des haubans pour redescendre en passerelle ».

Retour donc rue Royale, cette fois en tant que major général, soit numéro 2 de la Marine. Les défis à relever sont nombreux, d’autant que « la Défense, comme la Santé, l’Éducation, et tant d’autres administrations évoluent vers une paralysie par la paperasse ». Le nouvel arrivant gage que « l’efficacité organique ne reviendra qu’après une guerre de haute intensité contre le papier ».

Il constate que la mission de sauvegarde maritime gagne en importance, « au point de briser l’équilibre avec la marine de combat ». « La Marine désarmait par souci d’économie ses sémaphores conçus pour détecter les mouvements des flottes ennemies. En janvier, le cargo East Sea, probablement renseigné par la Turquie, s’échoua volontairement près de Cavalaire, sous l’un d’entre eux qui venait de fermer. 900 Kurdes en débarquèrent ».

Dans le même temps, « la piraterie se développait de façon préoccupante au large de la Somalie ».

En 2005, il est promu chef d’état-major de la Marine, un « énième saut dans l’inconnu des relations avec la classe politique ». « L’heureux successeur de Duperré et de Dupetit-Thouars doit s’attendre à une tâche difficile. Il recevra son lot de tuiles, à lui de savoir les éviter pour ne pas déformer sa casquette. […] La meilleure thérapie, pour combattre le stress, réside dans un retour aux sources, les grands ports de guerre pour un marin, s’éloigner du pestilentiel pour respirer l’iode à pleins poumons au milieu du regard franc des pompons rouges. »

De multiples difficultés, causées notamment par l’activisme d’une ONG « qui pourrait faire l’économie du N », jalonnent les étapes de la démolition et de la dépollution du Clemenceau. « La Marine respectueuse de la nature par son contact quotidien avec la mer, traita ce dossier avec le souci permanent de préserver l’environnement et de prendre soin de la santé des travailleurs, mais elle n’avait pas suffisamment anticipé la dictature des idéologies, l’écologie, bientôt suivie par la climatologie et la minoritologie. »

Industriel de l’armement

Le jour venu, il faut bien quitter la Marine, redevenir « monsieur tout le monde et s’asseoir à l’arrière d’un véhicule qui ne démarrera pas faute de chauffeur ».

De grandes possibilités de reconversion s’offrent quand même à un chef d’état-major.

Il tourne ainsi la page d’un monde animé par un état d’esprit « tribord » [avec les idées claires et la pensée droite, dirions-nous] pour intégrer un univers devant composer avec les « bobards » [d’où le titre du livre]. « Tous les coups sont permis dans le monde des affaires, où les peaux de bananes et les menaces en tout genre sont plus fréquentes que les décorations et les traités d’amitiés. »

En 2008, il devient président-directeur général de la société Sofresa, qui disparaît bientôt au profit d’Odas, dans lesquelles l’État et des industriels de l’armement s’associent en vue de commercialiser des systèmes et matériels militaires au Moyen-Orient, notamment en Arabie saoudite. « Une nouvelle vie pleine de risques commençait pour un marin qui avait tout à apprendre sans renier son passé, afin de devenir un commerçant initié aux us et coutumes d’un pays de bédouins, par la connaissance de quelques proverbes du Moyen-Orient. »

Trois ans plus tard, malgré quelques succès commerciaux comme le contrat d’entretien de la flotte saoudienne, la Cour des comptes considère qu’Odas n’a « pas encore démontré son aptitude à passer de nouveaux contrats d’un volume significatif ».

« Une des raisons du blocage de l’administration venait de son abdication devant les ONG, qui dénonçaient la vente immorale d’armes françaises à l’Arabie saoudite, avec la même virulence que contre la France du Clemenceau. Comme le révéla la suite, l’industrie américaine avait ainsi trouvé un bon moyen d’éliminer la concurrence. Et, comme le montrèrent les Printemps arabes et les révélations de Wikileaks, les ONG et les fondations sous le contrôle du département d’État étaient devenues des agents de sa politique étrangère. »

En 2014, Alain Oudot de Dainville quitte finalement cette fonction. Un jour, le vice-ministre de la Défense saoudien lui avait demandé comment il fallait l’appeler, « président de société ou amiral ? » « La réponse était venu, spontanément, “Amiral !” Ne dit-on pas “amiral un jour, amiral toujours”. “C’est très bien, on va pouvoir s’entendre”, avait conclu le Prince. »

Johan Hardoy
26/09/2025

Johan Hardoy

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