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Après l’investiture de Trump, la France, trou noir du patriotisme

Après l’investiture de Trump, la France, trou noir du patriotisme

par | 22 janvier 2025 | Politique

Après l’investiture de Trump, la France, trou noir du patriotisme

La cérémonie d’investiture de Donald Trump a été un grand moment de patriotisme et d’exaltation de l’identité américaine. Vu de France, où la victoire politique des patriotes n’est pas encore tout à fait d’actualité, tout cela a l’air d’une autre planète. Retrouvez ci-dessous les réflexions de Pierre Boisguilbert.
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Pour un hommage solennel à Jean-Marie Le Pen aux Invalides

Le patriotisme américain en pleine effervescence

C’était exaltant et cruel. Les « America, America » cent fois clamés devant le nouveau césar américain ont été par la comparaison un crève-cœur pour les patriotes français. Chez eux et pas chez nous. Ainsi on peut assumer un nationalisme face à l’histoire et mettre la défense de son pays au-dessus de tout. Ce qui est possible aux États-Unis ne l’est pas en Europe et encore moins en France. C’est tellement vrai qu’une partie de notre presse a résumé la cérémonie du Capitole à un geste d’amour viril de Musk assimilé à un salut nazi. Quand on compare l’attitude du peuple américain vis-à-vis de son président et celle des Français, on voit bien que nous sommes pour le moment expulsés du grand jeu mondial. Quand dans un meeting des participants scandent : « On est chez nous, on est chez nous », cela signifie bien qu’on a le sentiment qu’on ne l’est plus tout à fait. C’est un patriotisme résiduel et de défensive. Le patriotisme américain reste majoritaire et conquérant. Bien sûr, c’est un impérialisme. C’est un expansionnisme au moins d’influence. Trump parle « le Poutine » parfaitement. C’est la vision de grande puissance qui fait son retour et marginalise la conception française des valeurs universelles. C’est le droit des nations et des peuples qui supplante la dérive nombriliste des droits de l’homme.

Le renoncement européen et français

L’Europe a perdu le droit à la grandeur après la Seconde Guerre mondiale. Hitler et la colonisation font des Européens des coupables de l’histoire et des repentants à perpétuité. Oui, mais pas pour les Américains. Quand Trump revendique le canal de Panama, cela nous rappelle Suez en 1956, deux ans après Diên Biên Phù. Le canal franco-britannique est nationalisé par Nasser. La France et la Grande-Bretagne interviennent et, parmi ceux qui ont sauté sur le canal, Jean-Marie Le Pen. Nasser est vaincu militairement mais les États-Unis et l’URSS haussent le ton. Ils menacent et obligent les Français et les Britanniques à renoncer. Nasser devient le héros du monde arabe. On peut dater de 1956 le renoncement européen à jouer à armes égales avec les deux grands de la guerre froide un rôle indépendant dans l’histoire. Sous de multiples pressions, le Premier ministre britannique Eden, très favorable à l’intervention, démissionna et poussa le Royaume-Uni au retrait. Du côté français, le pouvoir de Guy Mollet, alors Premier ministre, était fortement affaibli par le conflit en Algérie et son armée dut également rentrer au pays. C’est un marqueur de l’effacement européen. La France inscrivait cette opération dans le cadre des soutiens de l’Égypte aux terroristes du FLN en Algérie. Parmi les combattants de Suez, il y avait l’adjudant Degueldre dont l’engament pour l’Algérie française lui vaudra en tant que lieutenant membre de l’OAS le peloton gaulliste d’exécution dans des conditions horribles.

On ne s’éloigne pas de notre sujet. Et voilà maintenant que la France ne cesse de s’humilier devant l’Algérie. Cela paraît bouger. Défier la vision de l’histoire des gérontes du FLN est une condition du retour de la fierté patriotique française. Qui peut nier que, dans l’ascension de l’extrême droite en Allemagne, il y a de façon inconsciente peut-être face au rejet de l’immigration une volonté de retrouver une fierté nationale et d’en finir avec la culpabilité à perpétuité d’une jeunesse en rien responsable de ce que firent leurs ancêtres. Tout se tient, car l’immigration est imposée comme une réparation obligée européenne. Dans le triomphe de Trump, il y a un rejet de l’immigration clandestine approuvée par une partie non négligeable des communautés afro-américaines ou hispaniques. Mais c’est aussi la revanche de l’Amérique des pionniers – et on regrettera que Trump n’ait pas eu un mot pour les premiers habitants du continent car, comme disait Le Pen, « moi, je suis Sitting Bull ».

Elon Musk au sommet

Certains ont noté que Musk est un Africain du Sud qui a vécu du temps de l’apartheid. Il n’est pas le seul, comme le souligne avec des arrière-pensées évidentes le journal L’Humanité. « On a fait beaucoup de bruit autour d’Elon Musk, le richissime homme d’affaires qui a apporté un soutien financier et idéologique au 47e président des États-Unis, mais, dans l’équipe de Trump, trois autres hommes blancs sont nés en Afrique du Sud et ont été éduqués dans les écoles de l’apartheid. […] Un compagnon de route de Musk, Peter Thiel, un des grands patrons de la Silicon Valley, a lui aussi grandi en Afrique australe, d’abord en Namibie, puis en Afrique du Sud. Les parents de Peter Thiel, originaires de Francfort, ont émigré en Namibie (alors Sud-Ouest africain) en 1960 et, selon le biographe de Thiel, son père, un patron de mines, aurait choisi de participer aux travaux d’extraction d’uranium de Rössing, près de Swakopmund, un projet clandestin pour fournir à l’Afrique du Sud l’uranium nécessaire à son projet d’armement nucléaire. […] Le troisième homme est David Sacks, né en 1972 au Cap. […] Avec son compère Peter Thiel, ils ont publié en 1995 un livre qui faisait d’eux, hommes blancs conservateurs, les victimes d’une politique d’égalité raciale. » Et Steve Bannon, épouvantail d’extrême droite en son temps, a curieusement la même analyse que L’Humanité ou presque : « L’ancien stratège de Donald Trump, révèle Le Journal du Dimanche, a confié au journal italien Corriere della Sera le 8 janvier : “Peter Thiel, David Sachs, Elon Musk sont tous des Sud-Africains blancs… Il [Elon Musk] devrait retourner en Afrique du Sud. Pourquoi avons-nous des Sud-Africains blancs, le peuple le plus raciste du monde, qui commentent tout ce qui se passe aux États-Unis ?” »

On s’éloigne du patriotisme, on est dans une revanche de l’homme blanc, mais cette approche est intéressante. Le patriotisme, c’est une fierté du passé pour rebondir avec plus de force pour l’avenir. La composante lecture du passé est donc essentielle autant que complexe.

Pierre Boisguilbert
22/01/2025

Crédit photo : Image générée par intelligence artificielle (Grok)

Pierre Boisguilbert

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