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Le vélo dans la ville, une idéologie excluante

Le vélo dans la ville, une idéologie excluante

Par Michel Leblay, patron d’émission à Radio Courtoisie ♦ À Paris, Anne Hidalgo semble bien décidée à multiplier les pistes cyclables au nom de l’écologie. Cette transformation des rues parisiennes rendant très difficile le trafic automobile est assumée sans complexe. « Il faut oublier la traversée de Paris d’est en ouest en voiture » a ainsi déclaré le maire de Paris au Parisien ce 2 octobre.
Pour mieux comprendre cet absolutisme cycliste, voici un article très complet de Michel Leblay.
Polémia

Le vélo, histoire, utilité, agrément et sport

Le vélo dans la ville est le symbole de l’écologisme en milieu urbain. Cette machine de mobilité mécanique et individuelle, connue à l’origine, en France, sous le vocable de vélocipède, fit partie des inventions du début de l’ère industrielle. Cette invention, due à l’Allemand Karl von Drais (d’où son premier nom de « draisienne ») date de 1817. De nombreux perfectionnements intervenus tout au long du XIXe siècle parmi lesquels le pneu gonflé d’air (invention de l’Écossais John Boyd Dunlop en 1888) puis celui de la chambre à air (les frères Michelin) en 1891 avant le changement de vitesse dans les années 1900 améliorèrent progressivement l’engin pour en faire un moyen de déplacement commun. Mais l’invention du moteur à explosion et de l’automobile à la fin du XIXe siècle devait offrir un nouveau type de transport, sur longue distance, qui permettait à une ou plusieurs personnes de voyager d’un point à un autre sans avoir besoin de solliciter la force physique individuelle. Cependant, l’usage de l’automobile ne se répandit que progressivement jusqu’à sa production à grande échelle (le chemin de fer, mode de transport collectif, de gare à gare, qui caractérise la première étape de la révolution industrielle, fut donc longtemps, pour la plupart, la seule possibilité de voyager).

Utile, le vélo devint aussi un agrément pour la promenade et l’instrument d’un sport qui atteignit la popularité avec les compétitions cyclistes et le sommet de celles-ci, le Tour de France et ses célèbres ascensions des cols de montagne.

Le vélo contre l’automobile

Alors que l’automobile et les infrastructures afférentes se développaient, la parenthèse de l’Occupation et les restrictions et interdictions qu’elle engendra laissa au vélo, notamment en milieu urbain, une place essentielle dans les déplacements. Dans l’après-guerre des Trente Glorieuses, l’automobile fut à la fois l’expression de l’enrichissement de la population et de la liberté offerte à tous, ou presque, de se déplacer pour son travail et ses loisirs.

Densité de la circulation et progression des accidents et des victimes ont conduit les autorités à développer des réglementations de plus en plus strictes. C’est aux Pays-Bas, au début des années soixante-dix, que furent mis en place les premiers interdits touchant l’automobile et que fut promu le vélo en zone urbaine. Cela coïncida aussi avec la crise pétrolière de 1973, qui incita dans ce pays à l’expansion de ce moyen de transport devenu une alternative au véhicule à moteur. Au fil des années, il fut associé à la défense de l’environnement, préoccupation qui prit un essor dans ces mêmes années soixante-dix. En France, Robert Poujade fut nommé, le 7 janvier 1971, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la protection de la nature et de l’environnement, le premier à occuper un tel poste.

À la fin du siècle dernier, vélo et écologie étaient associés dans la transformation du transport au sein des grandes agglomérations urbaines. Ce qui aurait pu être une vision pratique, complémentaire à d’autres moyens, bascula dans l’idéologie. Il s’agissait d’exclure la voiture jugée polluante, même si de considérables progrès avaient été réalisés en ce domaine par les constructeurs, et plus largement le moteur à explosion.

Le vélo, instrument d’une idéologie

Mais, au-delà de l’argument environnemental, cette primauté donnée au vélo, dans le sillage duquel s’est introduit un autre instrument, autrefois jouet des jeunes enfants, la trottinette, devenue électrique, c’est un rapport à la vie et aux autres qui transparaît : l’individu vivant pour lui-même et libre de contraintes. Bien sûr, il ne s’agit pas de réduire tout utilisateur de vélo en ville à une loi générale, tombant ainsi dans la caricature. Il est pour nombre d’utilisateurs une commodité qui permet d’aller d’un point à un autre avec une limitation substantielle de risques d’accidents du fait de voies aménagées. Mais, tendant à l’exclusivité comme moyen de transport de surface et non accessible à tous par sa nature, il est excluant.

Dans une ville où la voiture est appelée à disparaître par la réduction des voies de circulation, l’interdiction d’accès de certains périmètres et des limitations de vitesse impossibles à tenir (30 km/h !), où les autobus sont menacés dans leur existence , il est évident qu’une telle direction privilégie certains profils de population ce qui concourt à façonner une mentalité dominante, mutuellement renforcée par l’entre-soi.

Plus l’individu avance en âge et plus l’utilisation du vélo est risquée, sinon impossible. S’agissant d’une famille avec de jeunes enfants, le recours au vélo pour les déplacements collectifs est pour le moins difficile. Faire les courses nécessaires à la vie quotidienne, d’autant plus volumineuses que cette famille est large, amène à des contraintes de plus en plus insurmontables (certes, il existe les commandes avec livraison par Internet, mais l’exercice à certaines limites) ; sans parler des départs en vacances pour ces familles. Les personnes souffrant d’un handicap, quel que soit leur âge, ne sauraient être oubliées dans cette énonciation.

Ces quelques constats conduisent à circonscrire l’éventail de populations en conformité avec une politique urbaine où le vélo, la trottinette ou les rollers deviennent les moyens de locomotion exclusifs (avec la marche mais à la vitesse possible du piéton). La grande masse se situe entre la fin de l’adolescence et le quadragénaire, classe d’âge où l’équilibre physique permet de faire face à la plus grande part des situations, intempéries entre autres, avec des contraintes familiales a minima.

Juché sur son deux-roues, vélo qui induit certes une activité physique, mais aussi trottinette électrique ou monoroue électrique où il s’agit seulement de ne pas chuter, l’individu, porté par l’idéologie du moment, devenu individu roi dans la ville, s’affranchit de plus en plus des règles de vie collective, négligeant le malheureux piéton dont le vieil âge éventuel ne conduit à nul respect. Bien sûr, cet individu irrespectueux de l’autre rencontré, être concret, ne manquera pas, comme il peut être déduit des résultats électoraux de certaines formations politiques, d’exprimer son empathie à l’égard de minorités qui contribuent largement à l’insécurité dans la ville mais avec lesquelles il évite toute cohabitation de proximité. Il s’agit bien d’un certain univers qui peuple ces grandes villes et métropoles, promis au rôle supérieur dans la hiérarchie sociale ou qui l’occupe (ce qui se déduit des études sociologiques sur l’électorat de ces villes et son basculement vers une gauche « sociétale »), éloigné des préoccupations de classes sociales rejetées à la périphérie de ces métropoles, la « France périphérique » de Christophe Guilluy ou les somewhere par rapport aux anywhere de David Goodhart (The Road to Somewhere – The New Tribes Shaping British Politics). À travers des comportements publics, assez répandus, observables par tous et qui concernent en moyenne des individus socialement plus privilégiés du fait de l’endroit où ils se produisent, il apparaît dans un cercle supérieur de la population une mentalité transgressive du « tout permis » dont il ne faut pas s’étonner qu’elle soit étendue à d’autres domaines de la vie particulièrement préoccupants.

La métropole, son idéologie et les incertitudes sur l’avenir

Partant du phénomène particulier du vélo dans la ville, de l’attitude et de la mentalité qu’il induit dans un contexte idéologique dominant, c’est toute une sociologie qui transparaît et à travers elle le rôle que certains veulent attribuer aux métropoles. Dans sa livraison de mars 2020, Le Monde diplomatique, dans un article intitulé « Au nom du progressisme – Quand les grandes villes font sécession », l’auteur, Benoît Bréville, expliquait comment les grandes métropoles manifestaient le souhait de s’affranchir des États au sein desquels elles se situaient et s’inscrivaient dans des réseaux qu’elles constituaient entre elles. « “Pendant que les nations parlent, les villes agissent”, se plaisait à répéter M. Michael Bloomberg du temps où il était maire de New York (2002-2013) et où il présidait le Cities Climate Leadership Group (C40) », écrit Benoît Bréville. Ou encore : « “Concernant les inégalités, l’immigration, la santé, la sécurité, la gouvernance, les droits humains et nombre d’autres sujets cruciaux, les villes contournent de plus en plus leurs gouvernements nationaux et s’organisent entre elles pour trouver des solutions”, se réjouit Ivo Daalder, politiste et ancien conseiller de M. Barack Obama. »

Mais une épidémie étant passée par là, accélérant des mutations dans le rapport au travail d’une certaine élite urbaine, et l’insécurité dans ces grandes métropoles étant de plus en plus flagrante, l’avenir radieux qui s’exprimait au début du printemps 2020 pourrait s’avérer à la fin de l’été 2020 beaucoup plus sombre. Sur le site FigaroVox, Renaud Beauchard a publié, le 16 septembre 2020, un article ayant pour titre : « Pourquoi de nombreux Américains veulent s’enfuir des mégapoles ». Il y explique que dans les grandes villes américaines, et à New York notamment, la propagation de l’épidémie, les mesures sanitaires comme le déchaînement de violence urbaine et le climat de peur liés au mouvement Black Lives Matter, incitaient à l’exode hors des grands centres urbains – un nouveau White Flight, dans un contexte, si l’on interprète le propos, où une forme d’économie, l’économie de la connaissance, autorise, à travers le télétravail une distanciation sociale. Il en ressort pour ces villes une perte de ressources fiscales et donc un appauvrissement.
Si l’épidémie de Covid-19 a un caractère circonstanciel, il n’empêche qu’elle peut jouer le rôle de révélateur ou d’accélérateur dans la relation au travail pour des activités économiques plus concentrées dans les grandes métropoles, incitant des populations saturées par les contraintes et la multiplication des risques, principalement l’insécurité croissante, ou voulant pousser la logique écologique jusqu’au bout, à s’implanter hors des villes. Il en découle donc une décroissance des activités supports ou connexes.

Expression d’une idéologie, la ville à vélo, une idéologie aux différents aspects, faits de contraintes et d’interdits pour les uns, en général respectueux des règles communes, mais permissifs pour d’autres, en témoigne l’insécurité croissante, qui conduit à un mouvement démographique vers l’extérieur de la ville. Ce mouvement est déjà engagé. Il touche une part des classes moyennes, électoralement indésirables, mais il pourrait prendre une plus grande ampleur, cause d’un déclin économique relatif qui marquerait comme toujours la faillite dans la volonté de transgresser la réalité.

Tôt ou tard, la réalité reprendra ses droits par la force des choses et des volontés qui s’exprimeront. Un nouvel équilibre apparaîtra qui ne sera pas un retour au passé mais qui tendra à assurer l’harmonie et la cohérence sociale nécessaires.

Michel Leblay
04/10/2020

Source : Correspondance Polémia

Crédit photo : Domaine public

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