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Tronquer ce monde qu’ils ne sauraient voir

Tronquer ce monde qu’ils ne sauraient voir

par | 16 septembre 2022 | Société

Par Laurence Maugest, essayiste ♦ Une citation de Charles Péguy revient souvent, actuellement, dans les propos des résistants qui interviennent sur les ondes de CNews, de Sud Radio, de TV Libertés ou encore de Radio Courtoisie. Cette répétition n’est pas anodine et retient l’attention. « Il faut toujours dire ce que l’on voit : surtout, il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. » Charles Péguy (Notre jeunesse). En définitive, le fait que cette citation soit ainsi déclamée, actuellement, par des personnes clairvoyantes, indique que notre société est en proie à un trouble certain de la perception de la réalité.

Le déni, comme élément essentiel de la socio-pathologie actuelle

Les exemples sont nombreux, souvent, sous forme de « litotes » : du sentiment d’insécurité, aux jeunes des banlieues. « Des incivilités » qui vont jusqu’à couvrir des attaques graves aux personnes, à plus récemment, une cécité totale constatée chez Madame le maire de Nantes. En effet, celle-ci, en dépit d’une période estivale malmenée par des actes de violence quotidiens, assure, début septembre, sans sourciller, que l’été s’est bien passé dans cette, autrefois, belle et sereine ville de Nantes.

Nous savons, avec la psychanalyse, que le déni est un mécanisme de défense qui permet, en l’occultant ou en l’édulcorant, de supporter un réel traumatisant et parfois « insupportable ». Très fréquent à l’annonce d’une maladie grave ou à la mort brutale d’un proche, il apparait régulièrement au moment de la transmission de l’information traumatisante. Mais, s’il persiste, il devient tout simplement pathologique. Ce mécanisme de défense qui vise à éviter « l’écroulement » de la personne peut, in fine, lui être délétère en l’enfermant dans un monde hors de la réalité.

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Au regard de la fréquence et de l’invasion du déni dans notre société, nous ne pouvons que constater que nous avons atteint la zone pathologique.

Donc, la prégnance du déni et ses conséquences funestes doivent nous engager à en rechercher la, ou plutôt, les causes.

J’émets ici quelques hypothèses.

L’échec de la mythologie du Progrès

Pierre de La Coste, dans son livre Apocalypse du Progrès (*) a parfaitement analysé l’échec de cette de notion du « Progrès » majusculaire. Elle porte en elle l’idée « d’un sens de l’Histoire » qui mènerait l’homme vers un mieux perpétuel. Le XXe siècle a été particulièrement efficace dans la mise à bas de ce mythe à travers les débâcles des régimes politiques totalitaires à forte idéologies donc imprégnées d’espoir. De ce fait, lors du constat de leurs naufrages sanglants, la chute en a été d’autant plus douloureuse.

Porté par les vertus chrétiennes devenues folles mais surtout par des enjeux financiers qui sont devenus tentaculaires et obsédants, le mondialisme sans frontière a montré ses limites. Sa focalisation sur le rendement imprègne les nations. Des exemples et, il y en a d’autres, le prouvent : Les Agences Régionales de Santé qui administrent « les coûts » et oublient les malades, les industries qui ont les yeux rivés sur leurs chiffres d’affaires en occultant la qualité de leurs créations et les agriculteurs qui doivent devenir énormes pour éviter le suicide au détriment pourtant de la sacrosainte planète et de la beauté des paysages.

Dans la même veine, nous pourrions parler du libre échangisme fou des biens et des personnes. La modernité a abouti à l’enlaidissement, à la déshumanisation par massification du monde et par obsession des enjeux financiers.

Nous ne pouvons plus éviter ce constat qui est fort traumatisant et qui peut, à lui seul, favoriser un déni collectif. Mais, il y a d’autres causes à ce déni et parmi elles ce qui est dénoncé par Guy Debord dans sa Société du spectacle (*) (*).

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Les masques, comme déni de la réalité

L’approche de Guy Debord s’inscrit dans la critique de la mythologie du Progrès abordée plus haut mais précise, d’une façon considérable, l’influence de l’obsessionnelle « production » du monde moderne sur les mentalités mêmes des individus et des sociétés.

Cette société du spectacle, vise à homogénéiser le monde. A faire de celui-ci une unique scène de zombies théâtreux et aliénés tout juste bons à consommer pour perpétuer la machine mondialiste.

Ce monde « dit moderne » qui créé une « pseudo-vie » constituée de désirs formatés par les marionnettistes de la grande consommation : les publicitaires, les médias, les enseignes … sécrète un univers loin du monde réel qui est, par ce fait, le maitre du déni.

Cet univers holographique où les hommes vivent leur pseudo-vie s’incarne dans les jeux internet, où chacun peut avoir son avatar et mener la grande vie comme fantôme des temps actuels quitte à laisser dépérir son être charnel comme une vieille carcasse. L’énergie développée dans ce type de projet témoigne de l’intérêt que leur portent les grands organisateurs des masses, le métavers l’atteste – (***) Un antimonde, créateur de liens artificiels. (****).

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Il s’agit de séparer l’homme de ce qu’il est. Le séparer de ses vrais désirs, en lui imposant ceux qui répondent aux exigences économiques, le séparer des résultats de son labeur et de ses capacités. L’exemple du travail à la chaine, où nul ne connait la finalité de sa tâche, est souvent repris par Guy Debord. Ceci, nous amène à évoquer naturellement les grosses structures publiques ou privées abêties par des démarches administratives d’une lourdeur extraordinaire et où la finalité du travail accompli est bien souvent obscure.

Séparer l’homme de ce qu’il est, afin qu’il devienne ou demeure un consommateur accompli. Un mouton de Panurge qui a pu, sans bêler, signer sa propre autorisation de sortie lors des confinements.
Séparer l’homme de ce qu’il est, est une façon, bien ingénieuse, de lui éviter de s’ouvrir au monde, de le réaliser et de se réaliser. Dans cette perspective, le narcissisme de notre époque, qui est confirmé, entre autres, par le nombre de selfies par seconde, semble contradictoire. Pourtant, il n’en n’est rien car s’auto-admirer perpétuellement (ou plus précisément être en pâmoison devant son « avatar » répondant aux critères de la grande consommation) permet d’éviter de regarder le monde tel qu’il est. C’est aussi, en définitive, une manière de détourner les yeux de ce que l’on est véritablement.
Le narcissisme n’est pas qu’un engrais du déni du monde réel. Il peut aussi conduire à la haine de soi car, un jour ou l’autre, l’homme risque de se sentir minable face à son avatar idéalisé, loin de la pesanteur du monde réel.

L’occultation de l’échec « du progressisme », le paroxysme de l’individualisme cultivé depuis des décennies qui engendre un narcissisme outrancier contribuent à séparer l’homme de lui-même, de cet homme incarné et enraciné qui ne peut exister, grandir et aimer que dans sa relation au monde.

Laurence Maugest
16/09/2022

(*) Progrès, révélation ou catastrophe – Politique Magazine

(*)(*) La Société du spectacle (livre) — Wikipédia (wikipedia.org)

(***) https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9tavers

(****) Les liens artificiels – Nathan Devers – Babelio

 

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