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« Suprémacistes » : l’enquête sur les penseurs de la droite identitaire

« Suprémacistes » : l’enquête sur les penseurs de la droite identitaire

par | 19 février 2021 | Politique, Société

« Suprémacistes » : l’enquête sur les penseurs de la droite identitaire

Par Maxime Jacob, diplômé de science politique, Gilet jaune et coauteur avec Fiorina Lignier du livre Tir à vue.
Il y a chaque année des centaines – si ce n’est des milliers – de travaux divers (thèses, études, livres, etc.) qui traitent de la droite « radicale ». La plupart du temps, ces travaux sont extrêmement militants et partiaux. Mais il arrive parfois qu’une de ces productions soit intéressante. Maxime Jacob s’est intéressé à un ouvrage récemment paru qui semble entrer dans cette catégorie. L’analyse de Maxime Jacob n’est pas nécessairement celle de Polémia mais il nous a paru important de la partager avec nos lecteurs.
Polémia

Lire Suprémacistes – L’enquête mondiale chez les gourous de la droite identitaire, de Philippe-Joseph Salazar, paru chez Plon, c’est partir pour un tour d’Occident des Identitaires, de « l’internationale blanche », comme le dit l’universitaire auteur de l’ouvrage. Chaque chapitre nous fait découvrir un personnage différent vivant tour à tour aux États-Unis, en France, en Autriche, en Allemagne, en Irlande… Contrairement à de nombreux livres sur la droite identitaire, le ton se veut neutre. Il n’y a pas le dénigrement habituel, traitant les penseurs de la droite alternative de « bas du front » ou de « racistes ». L’auteur ne se veut pas comme un « père la morale » jugeant les idées des penseurs identitaires interrogés dans le livre. Il se veut plutôt comme celui qui veut faire découvrir un courant de pensée qui pourrait selon lui prendre de l’ampleur prochainement.

Un titre racoleur

Au début du livre on peut lire : « “Suprémacisme” est le terme forgé par les adversaires de la nouvelle mouvance… » On comprend là que l’auteur ne souhaitait pas ce titre pour son ouvrage auquel il a donné un ton universitaire. C’est l’éditeur qui a choisi ce titre racoleur. Si Salazar devait définir la mouvance, il préférerait le terme de « racisme intégral ». Selon lui, les penseurs identitaires, qu’il a interrogés, mettant la race au-dessus de tout et voulant protéger le patrimoine génétique des Européens, c’est cette expression qui serait la mieux adaptée pour les définir. Il refuse les termes de « nationalisme violent », d’« extrémisme d’ultra-droite » ou d’« extrême droite radicale » ; l’universitaire s’attache plutôt à montrer en quoi justement la droite identitaire, ce n’est pas ça. Il consacre un chapitre à l’Américain Greg Johnson qui explique en quoi l’alt-right diffère du fascisme et du nazisme, et pourquoi elle doit s’en éloigner et même les combattre. L’auteur procède tout de même à un raccourci réductionniste : sans pour autant nier l’importance de l’héritage génétique, de nombreux auteurs attachent beaucoup d’importance à l’héritage culturel et sont attachés au-delà de la race à la défense de la civilisation européenne

Le cas Renaud Camus

Si vous lisez le chapitre concernant l’écrivain Renaud Camus, vous comprendrez à quel point ce livre est différent de ce qu’on nous propose habituellement dans la presse ou dans d’autres ouvrages sur l’« extrême droite ». Salazar, au contraire des journalistes du Monde (pour ne citer qu’eux), montre que factuellement Camus n’a pas de liens avérés avec les terroristes de Christchurch, d’El Paso et tout un tas d’autres. Autre différence, si on lit l’entretien de Camus dans Suprémacistes de Salazar et celui qu’il a accordé à Pauline Guéna pour le livre La Poudrière, on croirait qu’il s’agit de deux personnes différentes. Guéna ne voit que de la haine chez Camus quand Salazar laisse Camus s’exprimer longuement sans ajouter de commentaires inutiles. Salazar nous rend un livre factuel, qui se veut neutre, alors que beaucoup de journalistes et Pauline Guéna diffusent des écrits militants.

L’anarcho-tyrannie

Le concept d’anarcho-tyrannie, défini en dix petites lignes au milieu des 280 pages de l’ouvrage, aurait mérité plus de développement. Il s’agit d’une stratégie de l’État visant à laisser prospérer des éléments radicaux et violents dans la société et, dans le même temps, à sévir férocement contre les honnêtes gens. Les mesures sanitaires liées aux confinements ou aux couvre-feux, décrétées en France, sont une forme d’anarcho-tyrannie. Au plus haut sommet de l’État, il est décidé de ne pas contrôler le respect de ces mesures sanitaires dans les banlieues de l’immigration alors que, dans le même temps, la police verbalise des 18 h 10 les honnêtes gens coincés dans les embouteillages.

Laxisme et tentations totalitaires de l’État, qu’est-ce que l’« anarcho-tyrannie » ?

Sévérité à l’égard de la Nouvelle Droite française

L’universitaire reconnaît que les auteurs de la Nouvelle Droite française, Alain de Benoist et Guillaume Faye en tête (mais pas que), exercent une influence non négligeable sur les Identitaires d’Occident. À défaut d’avoir tous lu ces auteurs, l’internationale identitaire utilise au moins des concepts ou des expressions nés dans l’esprit de Français. Cependant Salazar reproche à la Nouvelle Droite française d’être trop restée dans le champ métapolitique, celui des idées, et de ne pas être assez entrée dans le champ politique pour justement faire appliquer ses idées. C’était effectivement le projet initial du GRECE et Alain de Benoist ne s’en est jamais départi. A contrario, le Club de l’Horloge, fondé en 1974, avait pour but de faire de l’entrisme dans les partis politiques de la droite dite républicaine, UDF et RPR, pour faire avancer des idées conservatrices et identitaires. Quatre des fondateurs du Club de l’Horloge, Yvan Blot, Jean-Yves Le Gallou, Jean-Claude Bardet et Bruno Mégret, passeront ensuite au Front national. Ils y diffuseront une vision enracinée du monde, notamment à travers la revue théorique Identité éditée par le Front national. Une revue qui a joué un rôle important dans la formation des militants politiques dans les années 1990-2000 et qui a servi de transmetteur idéologique vers la génération suivante, celle des Identitaires.

Salazar est également sévère avec la Nouvelle Droite française quand il vante Götz Kubitschek, penseur de la Nouvelle Droite allemande. Ce dernier a fondé une école politique « avec sa chaîne en ligne, sa maison d’édition et sa revue ». Pour l’auteur, ce serait une « entreprise métapolitique unique dans l’internationale blanche ». Mais la Nouvelle Droite française n’a pas à rougir. L’Institut Illiade possède une maison d’édition, une école de formation (l’un des fondateurs de l’Institut Illiade, Le Gallou, dirige le cercle de réflexion Polémia), les liens avec La Nouvelle Librairie (qui possède sa propre maison d’édition) sont étroits, tout comme avec son patron qui est rédacteur en chef du magazine de la Nouvelle Droite française : Éléments, sans oublier les sites Internet, les réseaux sociaux ou les chaînes YouTube qui appartiennent à ce courant de pensée.

Maxime Jacob
19/02/2021

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