Par Camille Galic ♦ Quoi de plus cosmopolite a priori qu’un ancien de HEC et de Harvard, ensuite enseignant au Massachussetts Institute of Technology, le fameux « Maïty », puis à Phnom-Penh, professeur émérite des universités, consultant pour la plupart des grandes organisations internationales, notamment la Banque Mondiale ou l’OCDE, etc. ? Mais il ne faut pas se fier aux apparences. On peut avoir parcouru la planète entière et garder les pieds sur terre, comme en témoignent ces Cent cailloux dans la chaussure de M. Macron, recueil des billets ou articles rédigés d’une plume allègre et sur les sujets les plus divers par Rémy Prud’homme depuis 2018, « première année pleine du quinquennat », et annonciatrice de toutes les contradictions et abdications qui allaient s’accumuler pendant la suite du mandat présidentiel.
Les quatre défaites de Notre-Dame des Landes
L’auteur énumère ainsi « les quatre défaites de l’aéroport de Nantes» : défaite du local puisque Notre Dame des landes ne concernait nullement le pouvoir central qui, financièrement, n’était pas impliqué. Défaite du droit puisque, avant le renoncement, « plus d’une centaine de procès ont été intentés et qu’ils avaient tous, sans exception, été perdus ». Défaite du peuple, qui, par référendum, s’était prononcé à 55% pour le projet et qui a donc été désavoué par l’Élysée. Défaite des modérés enfin puisque force est revenue non à la loi mais à « un petit groupe de hors-la-loi, presque tous étrangers à la région, souvent violents, connus sous le nom de zadistes ». Qui, ayant ainsi triomphé, « verront un encouragement à continuer le “combat” et se porteront sur d’autres “fronts“ ». Ce qu’ils ont fait puisque d’autres ZAD ont depuis vu le jour.
Le « front « de N.-D-des-Landes (NDDL) avait été soutenu avec enthousiasme par tout le camp écolo. Ce qui est d’autant plus paradoxal, souligne M. Prud’homme dans un autre billet, que ce camp soutenait avec non moins d’enthousiasme le parc éolien du Tréport bien que, outre la dévastation du paysage immortalisé par Eugène Boudin, les fondations des éoliennes « sur les fragiles équilibres biologiques de la zone » exigeront en raison de leur mât 500 000 tonnes de béton… Alors que, pistes d’atterrissage, voies d’accès et bâtiments compris, N.-D. Des Landes n’exigeait que 0, 1 million de tonnes.
Le scandale des éoliennes
Les 10 000 éoliennes que l’État-Macron s’est mis en tête de construire semblent d’ailleurs la bête noire de l’auteur, qui, de 2018 à 2020, leur a consacré plusieurs entrées au gré de l’actualité. Mais comment ne pas s’indigner, il est vrai, de ce massacre programmé des paysages et de la faune avicole, sans parler des multiples nuisances pour les riverains, quand l’on sait que ces monstres, dont « les turbines sont toutes fatiguées en Allemagne ou au Danemark », nous coûteront des dizaines de milliards d’euros pour un rendement d’autant plus dérisoire que, quand Éole somnole, il faut recourir à l’énergie classique — entendez des centrales à gaz et à charbon extrêmement polluantes — pour les faire tourner ? « Trois pistes pour comprendre cette incohérence : l’ignorance, l’opportunisme, l’intérêt. »
Surtout l’intérêt : « L’investissement de NDDL (net de l’aménagement de Nantes Atlantique) s’élevait à moins de 200 millions d’euros. L’investissement prévu dans l’éolien coûtera plus de 50 milliards. Un lobby qui pèse 250 fois plus lourd sait mieux se faire entendre. Cerise sur le gâteau de l’incohérence , le gouvernement s’apprête à faire voter une loi sur la biodiversité. Son dispositif principal porte justement sur le bétonnage, qui devient l’ennemi public numéro 1, au même titre que le CO2. »
On l’a compris, l’éminent professeur ne porte pas l’écologisme dans son cœur et il réserve quelques flèches bien ajustées à la jeune autiste suédoise Greta Thunberg devenue l’icône de tous ses contemporains — occidentaux exclusivement — auxquels, financée par la l’Open Society du milliardaire Sörös, elle a fait partager ses terreurs. « Plus que les conséquences économiques, ce sont les conséquences sociales de la grétisation qui sont à craindre, car, écrivait-il le 2 août 2019, ses aspects négatifs frappent principalement les plus pauvres. Ils aggravent le fossé qui se creuse entre riches et pauvres , et devient un gouffre. La traversée par Greta de l’Atlantique dans un voilier de grand luxe (à un coût de dizaines de milliers d’euros) en est un symbole inquiétant. A beaucoup de Gilets jaunes, elle apparaitra comme une provocation.»
Des fiscalités aberrantes
Les Gilets jaunes, qui « fument des clopes et roulent au diésel », selon l’expression méprisante du gommeux Griveaux, éphémère porte-parole du gouvernement et plus éphémère encore candidat à la mairie, apprécieront dans ce livre la critique acerbe du caractère régressif de la fiscalité écologique, de la primauté donnée au véhicule électrique — ce « rêve subventionné » — et de l’inadmissible fiscalité des carburants (« Trop, c’est trop ») qui, comme la tentative de limitation de vitesse à 80 km/heure, ont tant contribué au succès du mouvement populaire qui fit trembler la Macronésie. Et qui continue de l’inquiéter : n’est-ce pas la crainte d’une reprise des « Actes » des Gilets jaunes qui a convaincu Emmanuel Macron de surseoir à un troisième confinement national de nature à sonner le glas de multiples TPE et même PME malgré les aides promises « quoi qu’il en coûte » et donc à engendrer un chômage record ?
Cancre de la classe Covid
Le livre s’achève sur un texte datant du 7 novembre 2020 et toujours d’une brûlante actualité puisqu’il est intitulé : « Covid19 : le bilan sanitaire et économique de la France est l’un des pires du globe ». A cause du Covid, de janvier à début novembre 2020, notre pays a déploré 595 morts par million d’habitants. Moins que la Belgique (un millier de décès) ou le Brésil (763), certes, mais beaucoup plus que la Pologne (180), l’Allemagne (133)… ou la Corée (9) ! Alors que la répercussion de la crise sanitaire sur le PIB n’a été que de 2% en Corée et de 7% en Allemagne mais de 14,8 en France. Commentaire de Rémy Prud’homme : « Le gouvernement français répète qu’il a fait comme les autres, voire mieux. Cette rodomontade est insoutenable. Nous faisons partie des cancres de la classe Covid. »
En eût-il été autrement sans la « guerre de la chloroquine » menée par notre gouvernement — qui s’était livré pieds et poings liés à une coalition de mandarins et de lobbys pharmaceutiques — au cours de trois offensives successives contre le professeur Didier Raoult et son « protocole marseillais » grâce auxquels 0,5% seulement des hospitalisés sont décédés, quand la moyenne nationale montait à 13% ?
« Pour avoir été professeur au MTI, écrit l’auteur, je ne méprise nullement la “science” ; mais, pour être fils de paysan, je fais aussi appel au bon sens. » Ce bon sens qui semble tant manquer au Jupiter de l’Élysée — un Jupiter au look plutôt de Ganymède. Les cent cailloux disséminés dans sa chaussure l’inciteront-ils à réfléchir ?
Camille Galic
13/03/2021
Rémy Prud’homme : Cent cailloux dans la chaussure de M. Macron. 424 pages, 20 euros. Éditions de L’Artilleur, janvier 2021.
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