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Quand votre banque en faillite viendra se servir sur votre compte

Quand votre banque en faillite viendra se servir sur votre compte

par | 16 janvier 2014 | Économie

Quand votre banque en faillite viendra se servir sur votre compte

« Les États ne veulent plus prendre le risque de devoir à nouveau intervenir pour sauver les banques. »

Sans tambour ni trompette, le Parlement européen, le Conseil des États et la Commission européenne ont signé, le 11 décembre 2013, un accord entérinant la spoliation des épargnants, y compris les PME considérées comme de simples créanciers, en cas de crise bancaire grave, avec une ponction de 10% sur tous les avoirs bancaires supérieurs à 100.000 euros. Mis à part quelques publications spécialisées, les médias ont traité cette information dans la plus parfaire indifférence.
Polémia

Ce n’est plus une utopie, l’Europe l’a acté : les banques en difficulté pourront ponctionner les comptes de leurs clients pour se refaire, exactement comme à Chypre en mars dernier. Faut-il se précipiter à la banque et vider son compte ? Rassurez-vous : cela n’arrivera pas avant 2016. Enfin, seulement si…

Pour intervenir en Centrafrique il aura fallu à la France trois bons mois pour obtenir un feu vert du Conseil de Sécurité de l’ONU. Ce qui est rapide. François Hollande a beau ne plus vouloir que la France soit le gendarme de l’Afrique, on ne peut pas pour autant jeter le Famas dans le fossé et tourner le dos aux massacres. D’où la Libye, la Côte d’Ivoire, le Mali, la Centrafrique, le tout en quatre ans et deux présidents.

Pour sauver des banques, ou mieux, le système bancaire mondial, la théorie voudrait qu’il faille des mois ou des années, vu le nombre de protagonistes impliqués. Seulement voilà : des hommes des femmes et des enfants qui se font massacrer peuvent attendre. L’économie mondiale, non. Si demain, une nouvelle crise – probable, malheureusement – survient, et que les banques – sûrement – se retrouvent à nouveau en première ligne, les chefs d’État des grands pays industrialisés qui représentent 80 % de l’économie mondiale – en gros, le G20 – n’auront que quelques heures pour intervenir.

En ce sens, l’accord conclu au niveau européen le 11 décembre dernier est une bonne chose. La directive en cours de préparation, et qui s’appliquera à compter de janvier 2016, prévoit le mécanisme dit de « bail-in », par opposition au « bail-out ». Bail-in, bail-out kesako ? Le bail-out, c’est ce qui a été fait en 2008, quand les États sont venus au secours de leurs banques, en leur prêtant massivement de l’argent, en entrant à leur capital, ou carrément en les nationalisant. C’est l’argent public (du moins, la garantie apportée par les États qui ont emprunté pour refinancer les banques) qui a sauvé les banques. Il n’a fallu que quelques heures pour décider des modalités du (des) sauvetage(s). Quelques jours pour les mettre en œuvre.

Mais voilà : en l’état des finances publiques, et surtout de leurs taux d’endettement, les États ne veulent plus prendre le risque de devoir à nouveau intervenir pour sauver les banques, et risquer de « partir avec l’eau du bain » comme dit le proverbe américain. En 2016, donc, ce seront les actionnaires des banques, puis, les détenteurs d’obligations, et enfin, les déposants, qui seront mis à contribution.

Si vous n’êtes pas sûrs d’avoir bien compris, voici en substance ce qui se passera « le jour où » les banques seront en difficulté : constatant l’impasse dans laquelle la Banque Duchtruc se trouve, menaçant par contrecoup les banques Duchmol et Duchnou, les autorités décideront de chercher l’argent là où il se trouve. J’avoue ne pas avoir bien compris comment l’on irait pomper du cash aux détenteurs d’actions des banques en question, alors même que les cours des dites banques seront forcément en chute libre, voire suspendus. Peut-être en décrétant que tout détenteur de 10 actions ou obligations n’en détiendra plus que 9 ou 8, les autres servant, par leur revente, à apporter du cash à la banque. Mais qui en voudra ? Et quand ?

Non, là où l’argent se trouve, si vous aviez encore un doute, c’est… sur votre compte en banque. Et pour le coup, là, c’est facile. Le patron de la banque, équipé de son mot de passe de super administrateur, n’aura qu’à taper un ordre sur son ordinateur, et ponctionner les comptes de ses clients. De combien ? Le texte européen prévoit d’autoriser jusqu’à 8 % de « confiscation ». Mais si cela ne suffit pas, et que la banque coule malgré tout ? Plutôt que de devoir honorer la garantie les dépôts bancaires, plafonnée à 100.000 euros, il sera bien plus rationnel pour l’État et les autorités bancaires d’autoriser une confiscation par paliers… comme à Chypre.

À Chypre, les dépôts supérieurs à 100.000 euros ont été taxés à… 37,5 %, et dans certains cas (origines des fonds douteuses et placement sur des produits d’épargne vendus par la banque dont le capital n’était pas garanti) jusqu’à 60 %. Nul doute que de 8 %, le plafond autorisé par l’accord européen, on n’hésitera pas à monter à 10, 15, ou 20. Ou, moins douloureux, à passer deux fois, à quelques semaines d’écart, tout en bloquant les sorties de cash entre les deux.

Prévoir un plan de sauvetage pour les banques est évidemment responsable. Mais là où le bât blesse, c’est que les règles de fonctionnement des dites banques n’ont, elles, pas vraiment évoluées. La manière dont les banques prennent des risques, d’un côté, pour faire de « l’argent facile », on parle de spéculation financière, et de l’autre, ne jouent pas leur rôle dans l’économie réelle, refusant de financier les entreprises et l’innovation est choquante.

Dans une grande banque, quelques centaines de personnes – pour ne pas dire quelques dizaines – jouent avec l’argent des millions de clients en le plaçant sur les marchés sur des produits à haut rendement, mais à fort risque. Et dans le même temps, les milliers de conseillers bancaires, conseillers d’entreprises comme de particuliers, rechignent à accorder un prêt car les règles de prise de risque de la banque ont changées… On préfère espérer gagner 50 % (ou les perdre) sur un placement, que de n’en gagner 3 ou 4, avec un risque pourtant très limité, alors même que c’est la fonction première de la banque, accompagner l’économie réelle, et non pas jouer avec des milliards avec des ordinateurs ultra-puissants sur des marchés boursiers virtuels.

En 2016, voire avant, votre compte en banque pourra servir à sauver une banque dont les turpitudes dans l’économie virtuelle auront précipité sa chute. À vous de voir si vous vous sentez solidaire.

Moi, pas.

Jean-Baptiste Giraud
Source :
Économie Matin
23/12/2013

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