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Pauvres magistrats !

Pauvres magistrats !

par | 13 février 2011 | Société

Les magistrats ont, paraît-il, mal supporté les propos du président de la République sur les dysfonctionnements et les « fautes » de la justice dans la sinistre affaire du meurtre de Laëtitia.
Les voici, choqués et mortifiés, qui se drapent dans leur robe ou leur hermine. On manifeste, on s’indigne à tous les niveaux, sous le regard complaisant des médias. Il paraît même qu’une majorité de personnes sondées serait favorable à ce mouvement.

Mais enfin de qui se moque-t-on ?

Tous responsables sauf les magistrats ?

Au nom de quoi la magistrature qui chaque jour condamne d’innombrables « responsables » serait-elle au-dessus de ce principe de responsabilité qui s’étend partout, au civil comme au pénal, avec celui de précaution ?

Un chef d’entreprise est depuis longtemps « responsable » quand un accident du travail mortel a lieu, ou quand il se rend coupable « d’entrave » vis-à-vis des organisations syndicales. Un pollueur est « responsable » des dégradations qu’il provoque. Un chirurgien est « responsable » si son patient meurt. Un hébergeur de site internet est « responsable » des propos tenus sur son site. N’importe qui peut être traîné devant les tribunaux pour avoir tenu des propos non conformes que les magistrats s’empresseront de tenir pour « responsables » d’une incitation à la discrimination ou à la haine.

La magistrature, seul corps constitué qui réclame l’irresponsabilité !

Mais curieusement les mêmes magistrats sont le seul corps constitué qui revendique haut et fort le droit à l’irresponsabilité. L’indépendance de la magistrature a bon dos : elle ne doit pas se confondre avec l’impunité. Les magistrats manquent, paraît-il, de moyens. Ils ne sont pas assez nombreux. Mais c’est le lot de toute la fonction publique d’Etat aujourd’hui ! Et depuis quand une insuffisance de moyens déchargerait-elle d’une responsabilité de nature civile ou pénale, en particulier quand il y a mort d’homme ?

Les magistrats d’aujourd’hui comme les parlements d’Ancien Régime sont d’habiles donneurs de leçons, mais ils excellent à ne pas s’appliquer à eux-mêmes ce qu’ils sanctionnent sans aucune retenue chez les autres.

Ils oublient que le pouvoir appelle le contre-pouvoir, c’est-à-dire la responsabilité. Or justement les juges, qui n’étaient normalement qu’une autorité depuis la Révolution française, sont redevenus un pouvoir au XXe siècle. Comme sous la monarchie.

L’inflation législative, l’accumulation des normes internationales et européennes ont rendu le droit de plus en plus opaque, ouvrant le champ à sa contestation et offrant de vastes perspectives à la jurisprudence, c’est-à-dire à la libre interprétation du juge. Ces mêmes juges ont progressivement acquis le pouvoir absolu : celui de juger la loi, c’est-à-dire de faire prévaloir la jurisprudence – donc les interprétations que produisent les juges eux-mêmes – sur la volonté populaire. Les lois ne sont désormais valides que si elles sont conformes à la Constitution et aux traités internationaux ; elles sont donc jugées notamment à l’aune du préambule de la Constitution et de celui de la Convention européenne des droits de l’homme, interprétés par les seuls juges.

Les lois sont appliquées à la lumière de l’idéologie dominante

En clair, les lois ne sont valides que si elles sont conformes à l’idéologie dominante. On en voit tous les jours les excellents résultats en matière de lutte contre la délinquance ou contre l’immigration irrégulière… Avec les législations antiracistes et mémorielles les juges ont aussi acquis le droit de sonder les reins et les cœurs et de traquer partout le racisme et la discrimination, selon des procédures héritées des procès en sorcellerie. Avec l’augmentation continue de la liste des infractions depuis la fin du XXe siècle, le nombre de citoyens susceptibles de se retrouver devant un juge n’a cessé de progresser. Avec la mise en place de la société du contrôle et du soupçon le juge est devenu le seul régulateur de la société car, comme dans les feuilletons américains, tout finit désormais devant un tribunal.

État de droit en novlangue, pouvoir des juges en bon français

C’est désormais le juge qui décide du tracé des voiries, des conflits de voisinage, de qui a droit à la Sécurité sociale, de qui a droit à rester en France, de la garde des enfants comme de l’exécution des marchés publics. Il paraît que cela s’appelle l’État de droit en novlangue. En bon français cela s’appelle le pouvoir des juges.

Et ce sont ces mêmes juges qui voudraient exercer ce pouvoir croissant sans jamais répondre de leurs actes autrement que devant leurs pairs ? Or le jugement des pairs n’est que l’autre nom de l’impunité. Le responsable du calamiteux procès d’Outreau a en effet été sanctionné gravement : il a reçu un blâme… On tremble pour lui.

Michel Geoffroy
11/02/2011

Michel Geoffroy

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