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« Plus rien à faire, plus rien à foutre » – La vraie crise de la démocratie » de Brice Teinturier

« Plus rien à faire, plus rien à foutre » – La vraie crise de la démocratie » de Brice Teinturier

par | 12 avril 2017 | Médiathèque

Brice Teinturier, directeur de l’institut de sondage IPSOS, interviewé par Antoine Lagadec, journaliste à la Revue des Deux Mondes ♦ Dans Plus rien à faire, plus rien à foutre (éd. Robert Laffont), le directeur de l’institut de sondage IPSOS, Brice Teinturier évoque la rupture d’un nombre croissant de Français avec la politique. Interview.


Revue des Deux Mondes – Votre livre tente de cerner une « quatrième force », bousculant la tripartition des forces politiques en France : celle des « plus rien à faire, plus rien à foutre » ou « PRAF ». Comment définissez-vous les « prafistes » ?

Brice Teinturier Quand on observe le système politique actuel, on se préoccupe surtout de la répartition entre le Front National, la gauche, la droite, et l’émergence désormais d’Emmanuel Macron. Mais on occulte un mouvement tout aussi profond : celui d’un désengagement d’une partie de l’électorat français. Les « prafistes » sont moins une force politique qu’une attitude, une posture de

désengagement à l’égard de la politique. Elle se caractérise par de la lassitude, de l’indifférence ou du dégoût.

Il faut à ce stade opérer une distinction claire : être dans un processus de distanciation, ou de dégoût, n’est pas la même chose qu’être dans un processus où l’on n’a jamais été intéressé par la politique. L’attitude du « PRAF » rassemble des citoyens qui, à l’origine, s’intéressaient à la politique, puis sont allés au delà même de la déception. À ce titre, 28% de Français nous disent qu’ils étaient intéressés par la politique, et qu’ils ne le sont plus.

« Il s’agit d’une attitude construite en réaction à des évolutions de la société dans lesquelles le prafiste ne se retrouve pas. »

Suivant l’intensité et la fréquence de cette attitude, on distingue les « plus rien à faire » et les « plus rien à foutre ». Le second profil est plus intense dans le rejet et le dégoût que le premier, qui, lui, peut montrer une forme de réengagement dans le politique.

Il n’y a pas de figure tutélaire du « Praf » ou du « prafisme ». Il s’agit d’une attitude construite en réaction à des évolutions de la société dans lesquelles celui-ci ne se retrouve pas : une évolution de la scène politique d’abord, mais aussi de la scène médiatique, associée au développement des réseaux sociaux et à l’effondrement de la morale publique.

Revue des Deux Mondes – Peut-on expliciter la différence entre des prafistes intermittents et des prafistes plus radicaux, dans la rupture ?

Brice Teinturier – Les « plus rien à foutre » sont dans une rupture quasi définitive. Ils seront impossibles à reséduire dans le cadre d’une campagne présidentielle. Ces personnes affirment ne plus s’intéresser ni à l’élection qui se joue, ni à la politique en général. Ils sont dans un processus d’éloignement tel que les formes classiques de la politique ne les attirent plus, y compris le fait de voter.

Par ce désengagement à l’égard de la scène collective, les « plus rien à foutre » assurent ne plus se retrouver dans la manière de fonctionner de la démocratie représentative. Pour eux, le personnel politique est pourri, corrompu, ne se préoccupe que de lui-même.

« Les “plus rien à foutre” sont perdus pour les grands moments électoraux. Le défi majeur est de parvenir à les faire revenir à quelque chose de plus collectif en leur donnant le sentiment d’être pris en compte. »

On observe chez eux une forme de repli. Celui-ci s’effectue soit au profit de la sphère privée (relationnelle, familiale, amicale…) soit, s’il y a du réinvestissement politique, au profit du niveau local, c’est-à-dire entre autres associatif. Ce réinvestissement touche par exemple les « civic tech », qui peuvent donner à ces personnes le sentiment d’être davantage prises en compte et utiles.

Reste qu’elles ont rompu les amarres avec une famille politique dans laquelle elles ne se retrouvent absolument plus, que ce soit en terme d’offre de candidature ou de programme. Les « plus rien à foutre » sont perdus pour les grands moments électoraux. Le défi majeur est de parvenir à les faire revenir à quelque chose de plus collectif en leur donnant le sentiment d’être pris en compte. Sinon ils resteront dans des modes d’action très privatisés.

Les « plus rien à faire », eux, sont marqués par une forme de lassitude, le sentiment d’un « déjà vu » et le constat d’un effondrement de l’exemplarité des hommes politiques, tout comme de la sphère entrepreneuriale et privée. Ils n’en sont pourtant pas à un point de rupture. Ces « prafistes » peuvent donc revenir dans le jeu « classique » de la démocratie représentative.

Revue des Deux Mondes – Quelle est l’origine historique de cette attitude ?

Brice Teinturier – Jusque dans les années 1980, nous sommes face à des croyants dans la politique. L’alternance de 1981 suscite énormément d’espérance. Malheureusement, les cohabitations, avec Jacques Chirac, Édouard Balladur et Lionel Jospin, diluent les responsabilités et génèrent de nombreux déçus.

(…) Lire la suite (entretien intégral) : revuedesdeuxmondes.fr

Correspondance Polémia – 12/04/2017

Image : 1re de couverture

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