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Frappes US sur la Syrie du 7 avril 2017 – Nouvelle agression US d’un Etat souverain

Frappes US sur la Syrie du 7 avril 2017 –  Nouvelle agression US d’un Etat souverain

par | 10 avril 2017 | Géopolitique

Frappes US sur la Syrie du 7 avril 2017 –  Nouvelle agression US d’un Etat souverain

Général (2S) Dominique Delawarde – Ancien chef «Situation-Renseignement-Guerre électronique» à l’État-majot interarmées de planification opérationnelle

♦ Contre toute attente, à l’opposé de ses promesses électorales et de ses 18 tweets critiquant l’engagement et les frappes d’Obama en Syrie, Trump vient de faire ce que Bush avait fait en 2003 : agresser un pays souverain sans aval de l’ONU sur la base d’un très probable mensonge ou, au mieux, sur la base d’informations non vérifiées venant de sources extrêmement douteuses (OSDH, casques blancs).

Essayons, ensemble, de comprendre.


Le contexte

Depuis la reconquête d’Alep, les forces armées syriennes appuyées par les Russes, les Iraniens et le Hezbollah, avancent sur tous les fronts face à des terroristes et à des opposants désemparés. L’Armée syrienne libre et les Kurdes, appuyés par des forces spéciales US au sol et par les forces aériennes de la «coalition occidentale», piétinent devant Rakka, alors même que les forces syriennes et leurs alliés s’en approchent à grands pas.

Daesh a utilisé à plusieurs reprises les gaz pour s’opposer à la progression des troupes irakiennes à Mossoul à la fin de février et dans la première quinzaine de mars. Cela ne semble pas émouvoir outre mesure la «communauté internationale» et ses médias tout-puissants.

En Syrie, les terroristes de Daesh et d’Al-Nosra multiplient les attentats kamikazes avec 60 morts à Damas le 15 mars.

Aux USA et depuis deux mois et demi sans interruption, Trump est quotidiennement harcelé par les médias, par les démocrates et par les relais de l’AIPAC (American Israeli Public Affairs Committee) au sein de son propre parti, conduits par les 2 sénateurs McCain et Lindsey Graham (néocons républicains).

On reproche à Trump de prétendus liens avec la Russie et un entourage «d’extrême droite, antisémite» en la personne de Stephen Bannon, son ex-directeur de campagne et bras droit, qui a le mauvais goût de s’opposer aux prétentions de l’AIPAC.

Le 4 avril, une frappe de l’armée de l’air syrienne dans la zone du village de Khan Cheikhoun, dans la province d’Idlib, «aurait fait plus de 80 morts et 200 blessés» selon l’OSDH (source fort peu crédible, créée par les Occidentaux, se résumant à un individu (et son ordinateur) basé à Londres et financé par la «coalition occidentale» ; source dont la mission essentielle consiste à «crédibiliser» au moyen du DH (Droit de l’Homme) de son sigle, en les relayant, les informations qui lui sont données par les services occidentaux dans un subtil mélange de vrai et de faux)…

Cette information est reprise, amplifiée, interprétée par l’ensemble des agences de presse et des médias occidentaux, sans la moindre vérification, et l’utilisation de l’arme chimique par les avions du régime syrien est très vite dénoncée par tous les médias de la «coalition occidentale».

Or, l’arsenal chimique de la Syrie a été démantelé en 2014 par l’OIAC (organisme Onusien), alors que les terroristes de Daesh et d’Al Nostra, eux, ont utilisé à plusieurs reprises l’arme chimique lors d’attaques menées en 2015 et 2016. En outre, la Syrie n’a aucun intérêt à utiliser ce type d’arme alors même que ses troupes avancent sur tous les fronts sans difficulté majeure. J’avais d’ailleurs écrit un article en septembre 2013 sur le sujet de l’utilisation des armes chimiques par Bachar el-Assad : http://www.voltairenet.org/article180213.html

Aux accusations occidentales la Syrie répond que sa frappe visait un dépôt d’armement des terroristes et que de l’armement chimique pouvait très bien être stocké dans ce dépôt au moment de la frappe. Cette affirmation paraît non seulement plausible, mais beaucoup plus crédible que les affirmations occidentales basées sur les seuls témoignages d’ONG du camp opposé à Bachar el-Assad, ONG financées et instrumentalisées par les Anglo-Saxons (OSDH et Casques blancs).

Aucune agence de renseignement sérieuse au monde ne peut croire en la fiabilité de sources de type OSDH et Casques blancs qui combattent implacablement le régime et qui, pour ces derniers, ne mettent leur couvre-chef immaculé, entre deux combats, que devant les caméras pour faire croire à un comportement héroïque et désintéressé…

La frappe US

Le 7 avril 2017, entre 02h42 et 2h56, heure française, les destroyers USS Ross et USS Porter de l’US Navy ont tiré 59 missiles Tomahawk sur la base aérienne d’al-Chaayrate dans la province de Homs en Syrie, base aérienne tenue par les forces gouvernementales syriennes.

23 d’entre eux ont atteint leur cible, nul ne semble savoir où ont explosé les 36 autres projectiles… ???

La frappe a néanmoins détruit un dépôt de matériel, une structure d’entraînement, un réfectoire, de six à neuf avions MIG-23 selon les sources, avions en cours de maintenance dans des hangars, et une station radar.

Le bilan des tués : 10 soldats ainsi que neuf civils dont quatre enfants, a fait savoir la Syrie. La piste d’envol n’a pas été touchée.

Cette action a donc été d’une faible voire très faible efficacité militaire.

Elle montre les limites de la puissance militaire américaine (efficacité et précision des tirs).

Elle a coûté 59 millions de dollars (prix unitaire d’un missile tomahawk : 1 million de dollar).

Elle a donc détruit six avions d’un modèle très ancien (les premiers vols de MIG 23 datent de 1967) et les exemplaires détruits dataient d’avant 1982, année de production des derniers MIG 23 (donc les 6 MIG 23 détruits avaient de 35 à 45 ans d’âge).

Les Russes n’auront aucun mal à les remplacer par des versions plus modernes……

Curieusement, les positions syriennes sur la route Homs-Furqlus-Palmyre ont été attaquées, à proximité de la base aérienne, immédiatement après la frappes US par des éléments de Daesh, ce qui laisse supposer une coordination entre l’état-major US en Syrie et les terroristes de Daesh.

Ce n’est pas la première fois qu’une telle «coordination» /«connivence» est observée entre les forces aériennes US et Daesh.

Le 17 septembre 2016, l’aviation de la coalition avait effectué quatre frappes sur les positions des militaires syriens encerclés par les terroristes du groupe Daesh près de la ville Deir ez-Zor. Ces raids avaient fait 62 morts et environ 100 blessés parmi les militaires. Les Etats-Unis avaient confirmé avoir effectué les raids. Daesh avait attaqué les positions syriennes immédiatement après la frappe, ce qui laissait déjà supposer une «coordination» entre les forces aériennes US et l’assaut terrestre de Daesh. Les Etats-Unis avaient alors prétexté une erreur…

A ceux qui croiraient encore que les Etats-Unis et la «coalition occidentale» combattent vraiment Daesh, je demande de réfléchir sur les faits suivants :

  • La «coalition occidentale» a été capable d’effectuer une moyenne de 800 sorties aériennes/jour pendant 4 mois lors de sa croisade irakienne en 2003 ; elle avait réalisé une moyenne de 500 sorties/jour pendant 78 jours sur la Serbie en 1999, mais elle n’a effectué que moins de 10 sorties/jour (peu efficaces, au demeurant) de septembre 2014 à juin 2015 pour aider les Kurdes à Kobane, sur un ennemi (Daesh) pourtant concentré et parfaitement localisé, sans véritable risque de dommages collatéraux sur les civils kurdes qui avaient évidemment quitté les zones occupées par Daesh… Cherchez l’erreur…
  • En un an de campagne aérienne en Syrie, cette même coalition a obtenu des résultats infiniment moindres que les Russes en un premier mois de frappe. Cherchez encore l’erreur…
  • Avant les événements du 13 novembre 2015, la France avait frappé Daesh en Syrie 3 fois en 3 mois (1 fois par mois). Les Russes, avec 1600 sorties en un premier mois d’intervention, ont fait immédiatement reculer Daesh…

Il est bon d’avoir en tête ces ordres de grandeur pour savoir qui combat vraiment Daesh en Syrie et qui a fait longtemps «semblant» de le faire… en se servant ou en instrumentalisant Daesh… pour faire tomber Bachar… et créer le chaos «nécessaire» dans le pays… très probablement pour préparer le terrain aux futures annexions d’Israël.

A ceux qui voudraient comprendre le pourquoi du comment de cette attitude des Occidentaux en Syrie, je suggère la lecture attentive de l’excellent article (c’est moi qui l’ai écrit ! Humour !) publié le 7 avril sur le net :

http://reseauinternational.net/usa-syrie-france-israel-pour-mieux-comprendre-le-conflit-syrien-general-2s-dominique-delawarde/

Les conséquences

Sur le plan international, les Russes ont qualifié la frappe US, à juste raison, d’agression contre un Etat souverain en violation du droit international. Ils ont suspendu le mémorandum russo-américain sur la prévention des incidents et la garantie de la sécurité des vols pour les opérations en Syrie. La suspension de ce mémorandum permettra désormais aux Russes de réagir à toute «menace» concernant les bases et les unités russes se trouvant en Syrie (c’est-à-dire à tout aéronef volant dans l’espace aérien syrien).

http://www.ladepeche.fr/article/2017/04/07/2552099-frappes-en-syrie-un-prejudice-considerable-aux-relations-russo-americaines.html

Les Russes ont également annoncé un renforcement de la défense anti-aérienne syrienne et un soutien plus important aux forces armées syriennes dans leur lutte contre le terrorisme.

Cela va évidemment créer une insécurité pour toute intervention de la coalition occidentale dans le ciel syrien. Ces interventions n’ayant pas le feu vert de l’ONU et ne s’effectuant pas avec l’accord du gouvernement syrien, seul légitime pour l’ONU, ne sont évidemment pas conformes à la législation internationale. L’appui aérien de l’ASL et des Kurdes dans leur opération sur Rakka pourrait devenir problématique…

Il ne serait pas surprenant qu’un avion de la coalition internationale soit abattu dans l’espace aérien syrien au cours des prochaines semaines. Cet avion ne serait pas nécessairement US (l’état-major US est prudent). Il pourrait s’agir d’avions européens (français, pourquoi pas ?) si ces derniers sont missionnés par l’état-major de la coalition internationale pour des opérations sur Rakka… La légitime défense et/ou l’erreur regrettable pourraient être invoquées par la partie russe, et l’on voit mal qui pourrait protester dans la situation d’illégalité qui est la nôtre à bombarder la Syrie.

Il est clair qu’un engrenage pouvant conduire à un conflit multinational est désormais possible.

Par ailleurs, pour l’anecdote, la base aérienne attaquée aurait repris ses activités quasi normales le 8 avril vers 16 heures, soit 36 heures après la frappe US : petits effets mais fortes conséquences…

Les réactions nationales US et internationales

Au lendemain de la frappe, Trump limoge son bras droit et ex-directeur de campagne Stephen Bannon, celui qui a assuré sa victoire à l’élection présidentielle. Ce limogeage signifie clairement que Trump rentre, au moins provisoirement, dans le rang du «système» et tente d’acheter «la paix avec les médias US» en faisant allégeance à l’AIPAC (American Israeli Public Affairs Committee).

Evidemment, alignant leur attitude sur celle de l’état hébreu qui applaudit sans réserve à cette «superbe» (?) initiative de Trump, les médias US, l’AIPAC, les néoconservateurs et même les démocrates conduits par Hillary approuvent avec enthousiasme cette frappe. En fait, Trump vient d’appliquer le programme politique de Bush et celui de ses adversaires néocons démocrates qu’il avait tant critiqué.

Trump profite de cette pause dans les attaques menées contre lui pour faire confirmer son candidat à la Cour suprême Neil Gorsuch par le Sénat, très réticent jusqu’alors.

Du côté des électeurs de Trump, c’est la stupéfaction. Beaucoup indiquent qu’ils n’ont pas voté Trump pour jouer au shérif dans le monde. Certains manifestent déjà, comme à New York le 8 avril 2017.

En Europe, la ministre allemande de la Défense Ursula von der Leyen, au cours d’une émission sur la radio Südwestrundfunk (SWR), indique que l’armée de l’air allemande ne participera pas aux frappes US contre les forces gouvernementales syriennes.

Lors de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU convoqué suite à l’attaque US, l’ambassadeur bolivien auprès des Nations unies Sacha Llorenti a présenté une photo de l’ex-secrétaire d’Etat américain Colin Powell brandissant un flacon de poudre blanche, prétendue preuve que Bagdad possédait des armes de destruction massive…

En France, la plupart des candidats se sont exprimés sur les frappes US en Syrie. Marine Le Pen, Asselineau, Dupont-Aignan et Mélenchon désapprouvent une action conduite sur la base d’informations douteuses, non vérifiées et sans aval des Nations unies ; certains évoquent, non sans raisons, leurs craintes qu’on nous refasse le coup de l’Irak ou de la Libye. Fillon s’interroge plus prudemment sur le bien-fondé d’une telle intervention et rappelle que cette riposte US a été effectuée sans enquête préalable et sans mandat de l’ONU et que les conséquences peuvent aller jusqu’au conflit généralisé. Il rappelle, lui aussi, le précédent irakien de 2003…

http://www.presstv.ir/DetailFr/2017/04/08/517174/Frappe-US–Fillon-sexprime

Seul Hamon applaudit des deux mains en reprenant la position de Hollande et des néocons français. Le journaliste d’investigation Vincent Jauvert en a débusqué quelques-uns qui contrôleraient le Quai d’Orsay et seraient gentiment surnommés par leurs collègues «la secte» (cf. La Face cachée du quai d’Orsay: un ministère à la dérive, aux éditions Laffont).

Emmanuel Macron continue de penser, comme ses maîtres, sans enquête et sans preuve, que le principal responsable de ce qui est survenu est Bachar el-Assad, «ennemi du peuple syrien», et appelle à une action coordonnée «sur le plan international en représailles au régime de Bachar» : «Nous avons un ennemi : Daech et l’ensemble des mouvements djihadistes. Le peuple syrien a un ennemi: Bachar el-Assad», a-t-il signalé lors de son déplacement en Corse. Ce candidat ne se demande même pas comment Bachar el-Assad aurait pu tenir 6 ans contre ses opposants, épaulés par les Occidentaux, sans un soutien très majoritaire de son peuple.

Pour moi, les positions de Hamon et de Macron sont précipitées, imprudentes et immatures.

 ***

En conclusion, cette frappe US aux effets militaires quasi négligeables a été probablement réalisée pour des motifs de politique intérieure US. Il s’agissait pour Trump de tenter d’échapper au harcèlement politique et médiatique sur ses prétendus liens avec les Russes. Il a, au moins partiellement et temporairement, réussi son coup, en le complétant par le limogeage de son bras droit Stephen Bannon, probablement opposé aux frappes au sein du Conseil de sécurité national US.

En Syrie, les forces gouvernementales ont repris leurs opérations de reconquête et ont enregistré, dès le 8 avril, de nouveaux succès contre le Front Al-Nosra dans les villes de Bosra et de Daraa. Dans le cadre de l’accord de réconciliation nationale, on enregistre aussi, le 8 avril, la sortie de 480 hommes armés avec leurs familles du quartier de Waër à Homs sous la supervision russe.

Le 8 avril encore, un bombardement aérien de la «coalition occidentale» a tué 15 civils dans la banlieue ouest de Rakka (village de Hneida) et ce, dans l’indifférence générale de la «communauté internationale», trop souvent réduite aux USA, au Royaume Uni et à la France.

La crise syrienne a donc déjà repris son cours normal, favorable, depuis le début 2017, à la coalition quadripartite pro-gouvernementale.

Dominique Delawarde
9/04/2017

Correspondance Polémia :10/04/2017

Image : Dès un jour et demi, la base syrienne de d’Al-Chaayrate bombardée par les États-Unis retrouve son fonctionnement normal.

 

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